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En quête d'une automobile non polluante et abordable

General Motors fait appel au professeur Armand Soldera pour améliorer ses piles à combustibles

La pile à hydrogène représente-t-elle l'avenir de l'automobile? En théorie, elle offre une alternative imbattable au pétrole, réglant du même coup la dépendance à la ressource et l'émission de rejets polluants. En pratique cependant, les piles actuelles comportent plusieurs limites techniques. Le constructeur General Motors fait appel au professeur Armand Soldera, du Département de chimie, pour améliorer une des membranes qui composent ce type de pile. GM Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie viennent d'investir 310 000 $ pour produire un jour une pile fiable, efficace et plus économique. Le projet de recherche et développement coopératif est d'une durée de quatre ans.

L'eau qui redevient eau

L'hydrogène utilisé comme combustible dans ces piles est omniprésent dans la nature puisque c'est l'un des éléments qui compose l'eau. Pour produire l'énergie, ces piles amorcent une combustion électrochimique de dihydrogène et de dioxygène, générant de l'électricité et de la chaleur et rejetant seulement de l'eau. Pour opérer cette réaction, la pile dispose de deux électrodes, l'anode et la cathode, séparées par un électrolyte, soit une membrane polymère bloquant le passage des électrons mais laissant circuler les ions.

Limites de la membrane

La membrane la plus couramment utilisée, baptisée Nafionmd, a été développée par la multinationale Dupont de Nemours. Cependant, elle comporte des limites au niveau de ses propriétés mécaniques. « Par exemple, pour être efficace, la membrane doit être constamment humidifiée, et il est impossible de l'utiliser à des températures au-dessus de 80 ºC, explique Armand Soldera. Aussi, cette membrane est relativement coûteuse. Notre travail sera d'analyser la structure moléculaire de la membrane existante grâce à une approche multiéchelle, de l'ab initio au mésoscopique, soit de l'atome à la morphologie du matériau. »

Pour mener ces activités de recherche fondamentale, de puissants ordinateurs dont Mammouth seront utilisés pour générer des calculs. « Une fois que nous aurons une bonne compréhension de cette membrane, nous tenterons de proposer un modèle qui permettrait de créer un composé plus performant, poursuit le professeur Soldera. Nous comptons collaborer avec le professeur Claude Spino, du Département de chimie, pour préparer la synthèse du nouveau composé. »

Partenariat prometteur

Selon Armand Soldera, le contrat de quatre ans conclu avec GM l'hiver dernier ouvre plusieurs possibilités. Déjà, un candidat à la maîtrise et un doctorant ont décidé de participer au projet. Le professeur est enchanté de pouvoir mener un projet industriel qui reste toutefois lié à la spécialité de son laboratoire, soit l'étude des interactions au sein de la matière molle. Par ailleurs, il ne s'inquiète pas des difficultés financières que traverse actuellement le géant américain de l'auto : « Pour assurer son avenir à long terme, GM n'a pas le choix d'innover et de développer des créneaux pour le futur. Son implication en recherche fondamentale va exactement dans cette direction. Certains critiquent le fait que GM continue de mettre en marché des véhicules énergivores. Or, au même moment, cette entreprise développe une expertise pour les véhicules moins polluants, comme son prototype EV-1. »

D'ailleurs, si ce premier contrat de recherche donne des résultats prometteurs, GM pourrait prolonger sa collaboration avec la Faculté des sciences dans un second projet de recherche sur une autre composante problématique des piles à combustibles, la cathode.

Revaloriser la chimie

Le professeur Soldera espère que la diffusion de ce genre de recherches va contribuer à redorer le blason de la chimie. « On perçoit beaucoup d'opinions négatives autour de la chimie, accusée de causer bien des torts. En Angleterre, des départements de chimie ferment et d'autres changent de nom pour surmonter leurs problèmes d'image. Or, il faut aussi voir que la chimie contribue à améliorer le sort de la planète », conclut le spécialiste de la physicochimie moléculaire.