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Réfugiés canadiens : quand voyager mène au renvoi

« Il est primordial d’informer les réfugiés des risques associés à tout voyage dans leur pays d’origine », explique la professeure Mayrand.
« Il est primordial d’informer les réfugiés des risques associés à tout voyage dans leur pays d’origine », explique la professeure Mayrand.
Photo : Pixabay

Durant les dernières années du mandat du gouvernement conservateur, les règles en matière d’immigration se sont substantiellement resserrées, particulièrement lors de l’adoption de la Loi visant à protéger le système d’immigration du Canada en 2012. Malgré l’élection de Justin Trudeau en 2015 et le désir de son gouvernement de changer de cap, plusieurs mesures sont restées inchangées à ce jour. Des mesures souvent méconnues qui ont des conséquences dévastatrices…

La professeure Hélène Mayrand de la Faculté de droit de l’UdeS s’est penchée sur la question du statut de résident permanent des réfugiés au Canada. Dans un article de la revue Paroles de droit, elle aborde une mesure peu connue des réfugiés en sol canadien : la perte de statut de résident permanent pour un réfugié qui retourne dans son pays natal ou qui demande un renouvellement de passeport de son pays d’origine.

La professeure Hélène Mayrand de la Faculté de droit est spécialiste en droit de l’immigration et des réfugiés.
La professeure Hélène Mayrand de la Faculté de droit est spécialiste en droit de l’immigration et des réfugiés.
Photo : Michel Caron, UdeS

« Depuis 2012, plusieurs réfugiés possédant le statut de résident permanent se sont fait interpeller pour avoir renouvelé et utilisé pour voyager leur passeport du pays qu’ils ont fui, ou encore pour être retournés dans ce pays », explique la spécialiste en droit de l’immigration et des réfugiés. Peu importe qu’ils y soient retournés pour des funérailles, une célébration ou une urgence familiale, le gouvernement canadien considère tout simplement qu’ils se réclament de nouveau et volontairement de la protection de leur pays d’origine.

C’est le cas de M. Bermudez, un réfugié d’origine colombienne, père de trois enfants nés au Canada, qui a fait l’objet d’une récente décision de la Cour d’appel fédérale sur la question de la perte d’asile.

Il est retourné en Colombie à deux reprises pour rencontrer et marier sa fiancée et il a utilisé son passeport colombien pour voyager, notamment au Mexique, explique Me Mayrand. En conséquence, M. Bermudez a reçu un constat de perte d’asile, ce qui a entraîné la perte de son statut de résident permanent. Alors qu’il vit au Canada depuis plus de 10 ans, il devenait maintenant interdit de territoire et sujet à une mesure de renvoi.

La nécessité d’informer les réfugiés

Selon la professeure Mayrand, cette perte du statut de résident permanent associée à la perte d’asile est en rupture avec l’approche historique et la tradition humanitaire du Canada favorisant l’intégration à long terme des réfugiés. Tandis que les contestations juridiques se multiplient devant les cours fédérales, les projets de loi C-294 et C-333 ont été déposés en juin 2016 et décembre 2016 par les néodémocrates pour abroger les dispositions de 2012.

« D’ici à ce qu’une modification législative soit introduite, il est primordial d’informer à court terme les réfugiés des risques associés à tout voyage dans leur pays d’origine, souligne Me Mayrand. Il faut aussi les aviser qu’ils peuvent se procurer un titre de voyage pour réfugiés auprès de Passeport Canada, plutôt que de renouveler ou d’utiliser leur passeport d’origine. »

La professeure Hélène Mayrand fera une présentation sur le sujet, le vendredi 19 mai prochain à 11 h 15, lors du Congrès de la Société québécoise de science politique. La conférence s'inscrit dans le cadre de l'Atelier A3, intitulé «Immigration et sécurité à l'ère de la mondialisation : perspectives interdisciplinaires sur les enjeux migratoires d'ici et d'ailleurs».


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