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Gagnant du Concours de vulgarisation scientifique

De la 3D plein les oreilles

Pierre Grandjean, étudiant au doctorat en génie mécanique au GAUS
Pierre Grandjean, étudiant au doctorat en génie mécanique au GAUS
Photo : Michel Caron - UdeS

Fermez les yeux pendant votre prochaine séance de cinéma. N’est-il pas compliqué, ainsi, de distinguer si Johnny Depp se trouve à la gauche ou à la droite de l’écran? Imaginez maintenant dans cette même salle de cinéma que la mouche qui agace Jack Elam dans la scène d’ouverture de Il était une fois dans l’Ouest vienne aussi tourner autour du spectateur, et ce, de façon si précise qu’on la localise à tout instant. Cela nous envelopperait, transformant la bande sonore en un prolongement immersif de l’écran.

Hologramme auditif

Le Groupe d’Acoustique de l’Université de Sherbrooke (GAUS) étudie la reproduction de champ sonore. À l’aide d’un réseau constitué de dizaines, voire de centaines de haut-parleurs, les chercheurs créent des holophones, sorte d’hologrammes auditifs. On simule auditivement ce à quoi pourrait ressembler un environnement sonore dans différentes conditions. Autrement dit, de la même manière que les logiciels de conception 3D nous permettent de visualiser des objets avant de les fabriquer, on peut « visualiser » de façon auditive l’impact acoustique d’objets de la vie courante – aussi bien des matériaux isolants que des vitres, du mobilier, etc. - sans les avoir physiquement avec soi.

Auditeur plongé dans un champ sonore reproduit par un réseau de haut-parleurs.
Auditeur plongé dans un champ sonore reproduit par un réseau de haut-parleurs.
Photo : Fournie - Pierre Grandjean

Afin d’écouter vos émissions préférées sans avoir à souffrir du bruit de la rue ou de vos voisins, vous pensez ajouter quelques couches de matériaux isolants. Seulement, vous hésitez entre plusieurs éléments, et les seules indications que vous avez sont quelques chiffres et graphiques liés à des certifications. Ne serait-il pas plus simple d’écouter en direct le pouvoir isolant de ces différents matériaux, et ce, sans les sortir de leur emballage?  On pourrait par exemple se placer dans un espace où l’on pourrait simuler l’ambiance sonore de son salon avec ou sans l’ajout de matériau isolant.

Si l’on pouvait tester nos matériaux isolants juste à partir de données numériques, on réaliserait alors l’«auralisation» des performances de ces matériaux acoustiques. Et c’est en ce sens que travaillent les chercheurs du GAUS. Certains de leurs travaux les plus récents sur la Wave Field Synthesis (une technique de reproduction de champ sonore) permettent donc de reproduire avec une grande précision les champs sonores créés par différents types de panneaux acoustiques. Il est même possible de créer des holophones juste à côté de l’auditeur.

De la 3D audio, pour quoi faire?

Depuis plusieurs années, ces outils accroissent déjà notre compréhension de l’audition humaine. Avec ces dernières avancées, de nouvelles approches dans le processus de création et de développement de biens de consommation pourraient être développées : que ce soit dans des domaines aussi diversifiés que l’aéronautique, le bâtiment ou l’électroménager. En effet, pour bon nombre d’applications où il est question d’acoustique, les ingénieurs se fient le plus souvent à leurs yeux, en regardant des données calculées, au lieu de leurs oreilles. Un peu contradictoire, non, quand il est question de faire des choix de conception qui mèneront au design final d’un produit?  En utilisant la Wave Field Synthesis, il devient possible de simuler l’environnement sonore de son salon par exemple. Mais il serait aussi possible de modifier cet environnement pour qu’il corresponde à l’acoustique qu’aurait ce même salon avec différentes configurations de matériaux isolants. Choisir la meilleure solution devient alors une expérience auditive.

Quelques pas restent encore à faire pour démocratiser ces technologies. Mais les casques à réduction de bruit n’ont-ils pas été conçus pour les pilotes de fusée avant de se retrouver sur nos oreilles? Alors qui sait, peut-être que nous les verrons un jour conquérir nos cinémas et nos salons.

À propos de Pierre Grandjean

Pierre Grandjean étudie au doctorat en génie mécanique au Groupe d'Acoustique de l'Université de Sherbrooke (GAUS), sous la direction des Prs Alain Berry et Philippe-Aubert Gauthier. Son sujet porte sur l'amélioration des techniques actuelles de synthèse et de reproduction de champs sonores (SRCS). Pour cela, il doit connaître et comparer plusieurs techniques déjà bien connues de SRCS, tant par des méthodes subjectives (à l'aide de sujets humains) qu'objectives (à l'aide d'un microphone sphérique). Et après le doctorat ? « Le monde de l'industrie m'attire autant que le monde académique. On y trouve différents défis, tous stimulants à leur manière. On verra les opportunités qui se présenteront quand la fin du doctorat approchera. D'ici là, je vais continuer de partager ma passion scientifique par mes charges d'auxiliaire d'enseignement et mes travaux de vulgarisation. »

À propos du concours

L’Université de Sherbrooke tient annuellement le Concours de vulgarisation scientifique, dont les objectifs sont de stimuler des vocations en vulgarisation scientifique et d’augmenter le rayonnement des travaux de recherche qui s’effectuent à l’Université, qu’ils soient de nature fondamentale ou appliquée.


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