Nouvelle Chaire de recherche du Canada en prévision hydrologique d'ensemble
Prévoir les inondations plus tôt, avec plus de précision
Photo : UdeS
Et si on pouvait prévoir les inondations avec précision plus de dix jours avant qu’elles ne surviennent? De telles prévisions seraient plus que précieuses pour planifier les mesures de sécurité afin de réduire les dommages aux infrastructures et mieux protéger les populations. C’est l’objectif que souhaite atteindre la professeure Marie-Amélie Boucher dans le cadre de sa nouvelle chaire de recherche en prévision hydrologique d’ensemble.
Grâce à une subvention de 1,4 M$ sur sept ans des Chaires de recherche du Canada (CRC), elle pourra se concentrer à améliorer les systèmes de prévision des inondations et ainsi permettre la mise en place de mesures d'atténuation précoces.
Des événements météorologiques de plus en plus probables
Les inondations constituent le risque naturel le plus fréquent au Canada1. On prévoit qu’elles seront non seulement plus nombreuses dans les années à venir, mais également plus destructrices. Les changements climatiques pourraient multiplier par dix les dommages causés par les inondations au Canada d'ici la fin du siècle, atteignant un coût estimé à 13,6 milliards de dollars par année, uniquement pour les dommages aux bâtiments.
Les outils actuels permettent des prévisions plutôt fiables pour trois à cinq jours. Dans certains cas, il est possible d’obtenir des prévisions pour environ 10 jours, mais avec plus d’incertitude. Au-delà de ces horizons, il est présentement difficile d’obtenir des données précises.
En explorant de nouvelles perspectives, telles que la fusion de modèles à large échelle avec des modèles locaux et en développant une meilleure intégration des techniques d'apprentissage machine aux outils de prévision traditionnels, la Pre Boucher souhaite développer plus d’outils pour améliorer la qualité de ces prévisions et repousser les limites des systèmes de prévision d’ensemble.
Qu’est-ce que la prévision hydrologique d’ensemble?
Les prévisions hydrologiques et les prévisions météorologiques sont deux concepts différents.
La prévision hydrologique consiste à évaluer les risques ou le comportement d’un cours d’eau en fonction des prévisions météorologiques : il s’agit donc de déterminer, par exemple, si une rivière est à risque de sortir de son lit en sachant qu’on annonce de fortes précipitations ou des températures plus chaudes entraînant la fonte de neige.
On parle de prévision hydrologique d’ensemble lorsqu’on tient compte de différents scénarios possibles pour les variables impliquées, telles que l’humidité du sol, le niveau et le débit du cours d’eau ou les conditions météorologiques à venir, tout en intégrant l’incertitude associée à certains paramètres.
« Quantifier l’incertitude » pour améliorer la prévisibilité dans l'espace et le temps
La Pre Boucher estime que c’est en identifiant les limites des systèmes de prévision hydrologique présentement utilisés que l’on pourra être en mesure de les corriger et ainsi réduire l’incertitude. Pour ce faire, elle compte exploiter la puissance des techniques d'apprentissage automatique.
L’intelligence artificielle peut être une précieuse alliée, non pas pour remplacer des systèmes de prévision qui ont fait leurs preuves, mais plutôt pour détecter les éléments à corriger pour les rendre encore plus efficaces.
Marie-Amélie Boucher, ingénieure et professeure au Département de génie civil et de génie du bâtiment
Par exemple, pourquoi le débit prévu pour une rivière était-il de 250 m³/s, alors qu’il a plutôt été de 320 m³/s? Pourquoi certains bassins versants sont-ils plus imprévisibles que d’autres? Quels facteurs pourrait-on cibler pour faciliter la compréhension de leurs comportements?
La science citoyenne mise à contribution
La communauté scientifique de la nouvelle chaire se penchera également sur l’assimilation de données pour établir des systèmes de prévision hydrologique combinant plusieurs types de mesures.
Si l’intelligence artificielle (IA) peut jouer un rôle-clé dans les systèmes de prévision d’ensemble, c’est également le cas pour la science citoyenne. Plusieurs plateformes, telles que CrowdWater, recueillent des données collectées par des citoyens, comme des photos de cours d’eau ou des mesures locales de précipitations dans des pluviomètres. Les nouveaux outils d’IA exploiteront la vision assistée par ordinateur pour analyser automatiquement les photos prises par la population afin de les convertir en hauteur d'eau.
Ces indications seront particulièrement utiles pour obtenir de l’information sur des bassins qui ne sont pas jaugés.
Vers une nouvelle ère pour les prévisions hydrologiques
La combinaison de l’expertise hydrologique sherbrookoise, la puissance de l’intelligence artificielle et la science citoyenne s’annonce prometteuse! La nouvelle chaire de recherche permettra également de former une quinzaine de personnes étudiantes.
En fournissant aux organismes opérationnels de nouveaux outils, données et connaissances, la Pre Boucher et son équipe pourront contribuer non seulement à une gestion toujours plus efficace de l'eau, mais surtout à renforcer la sécurité des infrastructures et des personnes.