Colloque sur la relation patient-soignant à travers les âges
Faire le pont entre l'histoire et la médecine
Des spécialistes venus d'un peu partout dans le monde se sont donné rendez-vous à l'Université de Sherbrooke les 27 et 28 novembre afin de participer au 1er colloque sur la relation patient-soignant à travers les âges. Organisé conjointement par la Faculté des lettres et sciences humaines et par la Faculté de médecine et des sciences de la santé, ce colloque a permis de discuter des enjeux du système de santé sous une perspective bien particulière… une perspective historique.
Geneviève Dumas, professeure au Département d'histoire, est l'une des organisatrices de ce colloque. «Le but est de faire le pont entre la médecine et l'histoire, explique-t-elle. Ce sont deux mondes parallèles qui se croisent rarement.»
L'histoire de la médecine ne se résume pas qu'à une série de progrès médicaux, estime la professeure. «Nos discussions ne tournent pas autour de l'année d'invention de tel ou tel vaccin, précise-t-elle. Normalement, l'histoire de la médecine est présentée comme une succession de progrès scientifiques. C'est très bien, mais c'est peu pertinent dans la pratique des médecins de tous les jours. Il est intéressant de s'attarder au contexte social derrière la pratique de la médecine.»
Ce colloque s'est donc intéressé à l'histoire de la relation entre le médecin, le patient et la maladie. «Nous parlons donc de relations humaines et nous nous intéressons à l'évolution de ces relations, indique Geneviève Dumas. Voilà qui peut être très utile pour les professionnels de la santé aujourd'hui.»
Une déshumanisation des soins de santé
Selon la professeure, la relation entre un patient et son soignant a beaucoup changé à travers le temps. «Il y a eu une rupture dans le rapport que l'homme entretient avec la personne qui peut le guérir au fil du temps», explique-t-elle.
Geneviève Dumas croit qu'on assiste à une déshumanisation du système de santé. Aujourd'hui, les médecins connaissent de moins en moins leurs patients : «Le système de santé est en crise partout en occident, résume-t-elle. Les gens se sentent comme des numéros. L'administration publique fait en sorte que la relation entre le patient et le soignant est diluée. La médecine est devenue une grosse machine beaucoup moins personnelle qu'auparavant.»
Cela dit, la professeure précise tout de même que le système de santé, tel qu'on le connaît aujourd'hui en occident, a ses avantages. «On ne peut pas traiter les gens avec le même système qu'au Moyen Âge non plus, explique-t-elle. Cependant, nous constatons que les choses ont changé. Par exemple, auparavant, il n'y avait pas de garde-malade. Les médecins avaient donc un contact plus direct avec les patients. Aujourd'hui, les patients ont parfois beaucoup plus de contacts avec le personnel infirmier qu'avec leur médecin. Ce simple constat peut nous aider à mieux cerner les enjeux actuels du système de santé.»
Le domaine de la santé s'intéresserait d'ailleurs de plus en plus à l'histoire des relations humaines en médecine. «L'histoire de la médecine est un domaine qui est en pleine expansion à travers le monde, explique Geneviève Dumas. La médecine occidentale est en crise; les acteurs de ce domaine cherchent donc à mettre en perspective les différents problèmes qu'ils rencontrent.» Plusieurs nouveaux programmes de formation voient d'ailleurs le jour un peu partout dans le monde afin de former des spécialistes des questions de l'histoire médicale. «Nous sommes de plus en plus sollicités et ce n'est pas prêt de s'arrêter», conclut-elle.