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Développement durable et formation

L’économie : une histoire d’optimisation sous contraintes

Les économistes analysent et croisent des données qui permettent d'expliquer des tendances économiques et des phénomènes liés à la croissance de la richesse, aux inégalités et à l'environnement. 
Les économistes analysent et croisent des données qui permettent d'expliquer des tendances économiques et des phénomènes liés à la croissance de la richesse, aux inégalités et à l'environnement. 
Photo : Michel Caron - UdeS

Le système économique dans lequel nous vivons est-il compatible avec le développement durable? Pour le chargé de cours David Dupuis, responsable des programmes de 1er cycle en économique à l’École de gestion, la réponse est catégorique : l’économie, c’est du développement durable! À travers une pédagogie réflexive axée sur la pratique, il forme la relève économique à devenir une meilleure professionnelle citoyenne, capable de comprendre l’environnement dans lequel – et surtout grâce auquel – elle évolue.

Économiste de formation, celui qui a travaillé de nombreuses années à la Banque du Canada explique que de tout temps, l’humain a cherché à jouir de la meilleure vie possible, dans un contexte marqué par des limites et contraintes de tout ordre. Il ajoute que le travail des économistes consiste justement à optimiser, dans le cadre de différentes contraintes qui fluctuent, les processus et les choix liés à l’économie.

La population mondiale d’aujourd’hui, qui compte plus de 8 milliards de personnes, et qui continuera à croître dans les prochaines années, amène son lot d’enjeux en matière de disponibilité des ressources et de gestion environnementale. Lors de l’instauration des premiers modèles économiques, ces dimensions ne faisaient tout simplement pas partie de l’équation, puisque que les ressources semblaient inépuisables en regard de la démographie.

Au départ, le modèle ne concernait que la main-d’œuvre et le capital fixe; il n’y avait pas ce besoin d’optimisation sous contraintes d’accessibilité, de rareté des ressources naturelles. Maintenant, dans un cadre où il y a clairement une limite environnementale, comment on en arrive à optimiser tout cela?

David Dupuis, responsable des programmes de 1er cycle en économique

Ce texte est le neuvième d’une série qui illustre chaque mois l'intégration du développement durable dans la formation à l'UdeS, par l'entremise d'initiatives et d'exemples liés à l'un des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU. Le contenu dont il est question dans le présent texte traite de l'ODD 8 – Travail décent et croissance économique.

Une réflexion amorcée il y a plus de 150 ans  

La réflexion autour de la place de l’environnement dans l’économie était déjà entamée il y a très longtemps, rappelle le chargé de cours. Dans les années 1920, des économistes se sont notamment penchés sur la question de la pollution, afin de déterminer qui devrait payer pour la contamination de l’environnement, dans un système de prix qui inclut une transaction uniquement entre un acheteur et un vendeur.

L'économiste David Dupuis, chargé de cours et responsable des programmes de 1er cycle en économique à l’École de gestion.
L'économiste David Dupuis, chargé de cours et responsable des programmes de 1er cycle en économique à l’École de gestion.
Photo : Michel Caron - UdeS

La pollution, c’est un prix qui est payé par un tiers, qui ne fait pas partie de la transaction. Donc, comment on fait pour internaliser ce coût au sein d’une transaction, qui exclut toute notion de tierce partie?

David Dupuis

Ces questionnements ont mené à l’élaboration de taxes dites « pigouviennes », du nom de leur instigateur, l’économiste britannique Arthur Pigou. Un siècle plus tard, la taxe sur le carbone, une taxe environnementale pigouvienne qui fixe le prix engendré par la pollution de chaque tonne de dioxyde de carbone, était implantée au Canada.

Dans un système de prix qui inclut une transaction uniquement entre un acheteur et un vendeur, comment déterminer qui doit payer pour les coûts associés à la pollution?
Dans un système de prix qui inclut une transaction uniquement entre un acheteur et un vendeur, comment déterminer qui doit payer pour les coûts associés à la pollution?
Photo : Michel Caron - UdeS

David Dupuis cite également l’exemple d’un autre économiste britannique, William Stanley Jevons, qui, à la fin du XIXe siècle, abordait la question environnementale liée à la production du charbon. Si le perfectionnement de la machine à vapeur semblait annoncer une réduction de la consommation de charbon et de la pollution qui en résulte, le progrès technologique a plutôt mené à un accroissement de l’utilisation de la ressource, un phénomène connu sous le nom du « paradoxe de Jevons ».

Qu’est-ce que ça mange en hiver, un économiste?

À la lumière de ces deux exemples, l’on comprend que la notion de développement durable va de pair avec la science économique, et que les économistes jouent un rôle de premier plan sur cette question.

Contrairement aux professions en enseignement, en droit ou en ingénierie, il n’est toutefois pas évident – même pour les personnes inscrites au baccalauréat en économique – de comprendre en quoi consiste celle de l’économiste.

C’est pourquoi dès le début de leur parcours, les étudiantes et étudiants sont invités à participer à des activités en dehors des classes pour y rencontrer des gens de tous horizons qui œuvrent dans le domaine depuis quelques années. Autour d’une table de billard ou de restaurant, des échanges sur le rôle, la carrière et les enjeux de jeunes économistes prennent ainsi place.

C’est plus facile de se projeter dans son avenir en étant en contact avec de jeunes professionnels auprès de qui on peut s’identifier et se reconnaître.

David Dupuis

Adepte de pédagogie innovante, ce dernier se fait un devoir de proposer des activités et travaux qui placent les personnes étudiantes en contexte d’apprentissage expérientiel dès le début de leur formation. Elles sont ainsi plus à même d’adopter une pratique réflexive et de développer des compétences qui les amèneront à devenir des économistes pertinentes pour le monde d’aujourd’hui et de demain.

Production d’un article de journal sur un sujet d’analyse économique de leur choix pour parfaire leurs aptitudes en recherche et en communication, conception de graphiques mensuels inspirés des « graphiques du jour » de la revue britannique The Economist pour apprendre à manipuler des données et en faire émerger des constats… dès les premiers cours de baccalauréat, les étudiantes et étudiants expérimentent concrètement leur futur métier d’économiste.

Afin de les appuyer dans leur processus de recherche documentaire et les aider à se familiariser avec la panoplie d’outils à leur disposition, une visite en bibliothèque animée par une bibliothécaire est organisée. Le chargé de cours leur suggère aussi fortement de participer aux ateliers d’organisation du travail offerts par les Services à la vie étudiante, afin de se doter des meilleures méthodes de travail intellectuel.

Les bibliothèques de l'UdeS regorgent de ressources et outils essentiels pour réussir ses études. Afin que ses étudiantes et étudiants puissent les découvrir, David Dupuis organise chaque année une visite des lieux animée par une bibliothécaire.
Les bibliothèques de l'UdeS regorgent de ressources et outils essentiels pour réussir ses études. Afin que ses étudiantes et étudiants puissent les découvrir, David Dupuis organise chaque année une visite des lieux animée par une bibliothécaire.
Photo : Karine Couillard, collaboratrice

Redonner à plus grand que soi

Pour le responsable des programmes de 1er cycle en économique, former les économistes de demain passe également par une compréhension plus juste du rôle citoyen associé à leur future profession.

Sans tout le bateau dans lequel tu es actuellement, c’est-à-dire la société, tu n’es pas capable d'aller où tu veux aller. On se tient sur les épaules de celui ou celle qui nous nourrit. On prend, donc on doit redonner, c’est un minimum.

David Dupuis

Redonner à sa communauté, son département, sa faculté, son université… c’est l’objectif derrière le projet intégrateur en économie, un cours obligatoire du baccalauréat en économique.

Parce qu’elles souhaitaient démystifier la science économique auprès du grand public, des personnes étudiantes ont par exemple choisi de produire et d’animer un balado sur les ondes de la radio universitaire CFAK. D’autres ont élaboré des capsules d’information afin d’aider leurs collègues à assimiler certaines notions plus difficiles en économique.

Kossé ça l'économie, un projet étudiant de balado enregistré à CFAK 88,3 FM visant à démystifier la science économique.
Kossé ça l'économie, un projet étudiant de balado enregistré à CFAK 88,3 FM visant à démystifier la science économique.

Toujours dans le cadre du projet intégrateur en économie, la participation étudiante à certains concours, comme le Défi du gouverneur de la Banque du Canada, apporte également son lot de retombées positives pour l’UdeS, qui s’y démarque presque chaque année. Les étudiantes et étudiants y simulent le processus décisionnel entourant la politique monétaire, de l’analyse aux prédictions, en y allant d’une recommandation quant au taux directeur et l’inflation.

En économie, il n’y a pas de lunch gratuit. Chaque fois que tu vas faire quelque chose en pensant faire le bien, tu as possiblement déchaussé Paul pour chausser Pierre. La solution repose là où ça génère le moins de problèmes, où tu vas en créer le moins. C’est ça, l’optimisation sous contraintes

David Dupuis

En février 2022, l'équipe étudiante du baccalauréat en économique de l’École de gestion faisait de l'UdeS la première université francophone à remporter la première place du Défi du gouverneur de la Banque du Canada. 
En février 2022, l'équipe étudiante du baccalauréat en économique de l’École de gestion faisait de l'UdeS la première université francophone à remporter la première place du Défi du gouverneur de la Banque du Canada. 
Photo : Michel Caron - UdeS

Les étudiantes et étudiants en économique représenteront l'UdeS à nouveau au prochain Défi du gouverneur de la Banque du Canada, les 2 et 3 février 2024.

En conclusion, le responsable des programmes de 1er cycle en économique espère par ailleurs qu’en matière de croissance économique et de travail décent, l’optimisation sous contraintes puisse collectivement nous faire réfléchir à des solutions favorisant des conditions de travail dignes et valorisantes pour le plus grand nombre. « Il y a encore beaucoup à réfléchir en matière de croissance de la richesse, d’environnement et d’inégalité. Les économistes ont une contribution à apporter à ce niveau », indique-t-il.

À propos de l’ODD 8 : Travail décent et croissance économique
L’élimination de la pauvreté n’est possible que s’il y a des emplois stables et bien rémunérés. Une croissance économique soutenue et partagée peut entraîner des progrès, créer des emplois décents pour toutes et tous, ainsi qu'améliorer le niveau de vie. Avec cet objectif de développement durable, l'on cherche ainsi à promouvoir une croissance économique durable et inclusive, l’emploi et un travail décent pour toutes et tous.

Ne manquez pas la suite de cette série, en février prochain!


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