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Un engagement indéfectible pour la médecine de famille au Mali

Entrevue avec le Dr Drissa Mansa Sidibé

Dr Drissa Sidibé en visite au GMF-U Charles-Le Moyne avec le Dr Kalifa Diarra et le Pr François Couturier
Dr Drissa Sidibé en visite au GMF-U Charles-Le Moyne avec le Dr Kalifa Diarra et le Pr François Couturier
Photo : Fournie

Bien des initiatives doivent leur succès et leur pérennité à l’engagement de personnes dédiées. On peut ainsi compter Dr Drissa Mansa Sidibé parmi les piliers qui soutiennent désormais la formation en médecine de famille et communautaire au Mali.

Partenaire du projet DÉCLIC de l’Université de Sherbrooke depuis 2010, il a bénéficié de l’accompagnement pédagogique instauré en 2012. Ce soutien lui a permis de devenir lui-même encadreur terrain auprès des résidents des CSCom-U (Centres de santé communautaire universitaire). Il exerce actuellement dans le quartier de Banconi à Bamako, en plus d’enseigner au sein du nouveau programme de Médecine de Famille Médecine Communautaire (MF/MC) à la Faculté de Médecine et d’Odontostomatologie de l’Université des Sciences, des Techniques et des Technologies de Bamako (USTT).

Ce sont les professeurs François Couturier et Mahamane Maïga qui ont semé en moi la graine de l’amour de la médecine communautaire. En étant mandaté pour encadrer les stagiaires québécois séjournant au Mali, j’ai découvert la richesse des échanges entre nos deux cultures. De mon point de vue, j’ai pu observer la croissance remarquable de la courbe d’apprentissage des étudiants maliens au contact de leurs homologues du Québec.

Drissa Mansa Sidibé, médecin et professeur à la FMOS de l'USTT de Bamako

Depuis la création en 2012 du Diplôme d’Études Spécialisées (D.E.S.) de MF/MC dans le cadre du projet DECLIC, une cohorte de 5 à 10 personnes a suivi ce programme chaque année. Chacune incluait des femmes. D’ailleurs, quatre des sept CSCom-U, l’équivalent des GMF-U au Québec, sont aujourd’hui dirigés par des femmes et on voit des encadreuses terrain chez trois d’entre eux.

Dr Drissa Sidibé en compagnie de l’équipe de pédagogie du projet DECLIC ainsi que ses collègues professeurs et encadreurs terrain du D.E.S. en MF/MC (Juin, 2012)
Dr Drissa Sidibé en compagnie de l’équipe de pédagogie du projet DECLIC ainsi que ses collègues professeurs et encadreurs terrain du D.E.S. en MF/MC (Juin, 2012)
Photo : Fournie

Aujourd’hui, le programme entièrement autonome peut toujours compter sur le soutien de l’équipe pédagogique du CIDIS. La version initiale a été adaptée au contexte changeant et bonifiée pour tenir compte de l’émergence de nouvelles réalités. À titre d’exemple, un atelier de formation a été entièrement conçu et déployé au Mali pour répondre aux besoins de santé des personnes déplacées, un phénomène qui a pris une ampleur dramatique dans la dernière décennie.

Une touche pédagogique bien pensée

Interrogé sur ce qui caractérise l’approche développée dans le cadre du projet DÉCLIC, Drissa souligne les forces qui sont à ses yeux autant d’innovations. D’abord, le choix de dispenser la formation sur le terrain et, du coup, de se libérer de l’hospitalocentrisme, dominant jusqu’alors. Ceci permet de mieux intégrer les apprentissages. Dr Sidibé précise:

Le résultat de notre travail est palpable. Tout ce qu’on fait a un sens, on l’observe par le retour des participants. Je n’oublierai jamais cet appel d’une résidente à qui le Prof. Couturier avait enseigné une manœuvre obstétricale qu’elle a pu expérimenter avec succès peu après. “Ça marche!”, m’avait-elle dit avec enthousiasme.

Dans ce contexte de formation sur le terrain, la possibilité de recueillir et d’intégrer les savoirs d’expérience des résidents et résidentes est une source de valorisation pour ces personnes ainsi que des facteurs de motivation et d’engagement déterminants auxquels s’ajoute la satisfaction de servir la communauté.

Enfin, constate Drissa Sidibé, la mise en place d’un plan d’amélioration continue de la gestion du D.E.S. en MF/MC est une autre innovation dont bénéficiera grandement le comité de direction.

L’équipe malienne développe ses propres stratégies innovantes pour surmonter les difficultés rencontrées. Ainsi, afin d’optimiser leur pratique, les encadreurs et encadreuses terrain ont créé une communauté de pratique virtuelle qui facilite leurs échanges. Drissa Sidibé participe à une tournée de méta supervision qui a pour effet, observe-t-il, de renforcer la motivation sur le terrain. Enfin, les responsables des CSCom-U sont conviés ponctuellement à Bamako pour des rencontres destinées à dégager des solutions aux problèmes soulevés dans les stages.

Les défis demeurent nombreux toutefois. L’insécurité prévalente dans le pays ne permet plus le séjour de stagiaires québécois, séjours qui étaient pourtant source de riches apprentissages de part et d’autre. Dr Sidibé insiste:

Nous devons développer des stratégies pour compenser cette perte, notamment par le recours aux nouvelles technologies de communication

Dr Drissa Sidibé en compagnie des Pr David-Martin Milot et Pre Ann Isabelle Grégoire au campus de Longueuil lors d’une mission de perfectionnement au Québec (Juin, 2023).
Dr Drissa Sidibé en compagnie des Pr David-Martin Milot et Pre Ann Isabelle Grégoire au campus de Longueuil lors d’une mission de perfectionnement au Québec (Juin, 2023).
Photo : Fournie

Il souhaite ardemment le maintien du partenariat avec l’équipe du CIDIS et l’Université de Sherbrooke qui a fait de lui un meilleur clinicien et un enseignant inspirant. D’autres doivent aussi en profiter.

« Former du personnel compétent pour soulager la communauté, tel est notre leitmotiv! », déclare-t-il fièrement avant de conclure : « Tant qu’on se sent utiles, on est prêts à continuer ».