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La peur du déconfinement

On commence à entendre parler de plus en plus du déconfinement qui s’instaurera bientôt progressivement au Québec et certains spécialistes signalent maintenant une deuxième pandémie, celle de la crainte de contracter la COVID-19.

La peur est une réaction émotionnelle normale qui vise à assurer notre survie. Lorsqu’on perçoit une menace, on la craint instinctivement afin de pouvoir s’adapter et d’éviter d’être frappé par celle-ci. Avec la mise en place du confinement, notre perception des autres et du monde extérieur peut avoir tranquillement changé, devenant des sources de contamination potentielle et donc, une menace pour notre santé. À notre insu, le confinement est graduellement devenu la base de notre sentiment de sécurité. Si le monde extérieur et les autres sont dangereux, s’isoler chez soi est apparu comme la solution! Il n’est donc pas étonnant que l’idée de sortir de notre domicile soit dorénavant menaçante pour plus d’un. Comment va-t-on inverser le phénomène et réapprivoiser la vie en société quand le gouvernement nous invitera à le faire?

Porter attention à nos perceptions

Il est important de prendre le temps de se questionner pour savoir ce qui nous inquiète personnellement dans le déconfinement et de tenter de relativiser le tout. Lorsqu’on a peur, on tend souvent à surestimer la probabilité que la menace ait des conséquences ainsi que la sévérité de celles-ci. L’idée n’est pas de se dire qu’il n’y a aucun risque, mais de tenter de se ramener à une vision plus réaliste de ceux-ci. Par exemple, est-ce qu’on surestime la possibilité d’attraper la COVID-19? Est-ce qu’on pense qu’en sortant de chez nous, on s’expose automatiquement à une très forte probabilité de l’attraper? Si c’est le cas, on peut se rappeler que le danger de contracter le virus est présent, mais que le maintien des mesures de distanciation physique et l’adoption des gestes barrières continuent de minimiser les risques d’infection. Est-ce qu’on surestime l’ampleur des conséquences d’attraper la COVID-19? Est-ce qu’on s’imagine qu’une infection engendrera automatiquement des problèmes de santé grave? Si oui, il faut reconnaître que le coronavirus ne mène généralement pas à des complications sévères pour la majorité de la population, particulièrement chez les jeunes.

L’objectif de la peur : la prudence

Comme la menace du virus plane toujours, il est normal d’avoir encore peur de celui-ci. Cette peur nous permettra de nous déconfiner, le moment venu, en respectant les directives de la santé publique et en faisant preuve de prudence, soit en maintenant la distanciation physique et les gestes barrière, pour minimiser les risques de contamination. Une absence totale de peur risquerait de nous rendre imprudents, mais une crainte excessive pourrait nous être tout aussi nuisible. Le piège avec l’anxiété excessive, c’est qu’elle mène généralement à une stratégie très efficace à court terme, l’évitement. Vous me direz que le meilleur moyen de ne pas avoir peur d’être contaminé est de rester chez vous et vous n’avez pas complètement tort… Je vous répondrai cependant qu’il s’agit aussi du meilleur moyen de continuer à avoir peur de sortir de chez vous! C’est le piège de l’évitement : il permet à toutes les craintes que vous pouvez nourrir à l’égard du monde extérieur de persister, puisqu’il vous empêche de faire l’expérience d’un monde extérieur qui vous prouverait qu’il n’est peut-être pas aussi dangereux que ce que vous imaginez actuellement. C’est un cercle vicieux qu’on peut décrire comme suit :

Croyance de départ                       Évitement                          Croyance finale

Si je sors de chez moi, je risque       Je n'ai pas sorti de chez     Je suis en santé parce que

de contracter la COVID-19 et           moi et je suis en santé.        je n'ai pas sorti de chez moi.

d'en avoir de graves                                                                      Si j'étais sorti, j'aurais pu

conséquences.                                                                             tomber très malade.

            ↑                                       Renforcement                               ↓     

La solution : s’exposer graduellement

Bien que l’idée de sortir de chez soi puisse nous inquiéter, c’est le fait de réapprivoiser le monde extérieur quand on nous y invitera qui nous fera nous sentir mieux peu à peu. Pour ce faire, il est important d’y aller graduellement afin de pouvoir progressivement se lancer des défis qui nous susciteront un niveau modéré d’anxiété et nous permettrons de développer un sentiment de sécurité pour ceux plus difficiles. On peut commencer par élaborer une liste de ce qui nous fait peur (ex. : prendre le bus, se rendre dans un parc, boire un café dans un petit restaurant) et classer les situations en ordre croissant, du plus petit au plus grand défi pour nous. On peut ensuite penser à ce qui nous permettrait d’avoir plus ou moins peur dans ces situations afin de nous permettre d’avoir plus de défis intermédiaires et ainsi faciliter le passage d’un défi à l’autre. Par exemple, si j'utilise l'autobus à un moment où il est moins achalandé, c’est moins inquiétant pour moi ou si je m’assois sur un banc de parc, c’est plus inquiétant que d’y marcher simplement. L’idée est de commencer par les défis les plus faciles afin de se permettre progressivement de constater que, malgré nos craintes, le pire ne se produit pas. On ressentira ainsi de moins en moins d’anxiété à l’idée de sortir de chez soi et cela nous permettra de renouer avec des activités qui nous font du bien.

En étant de plus en plus apte à reconnaître ces mécanismes, on peut graduellement l’influencer et prendre du pouvoir sur son anxiété. Toutefois, le niveau de ce dernier est variable pour tout le monde et il se peut que, malgré vos efforts, l’exposition progressive au monde extérieur vous suscite une angoisse difficilement tolérable. Si tel est le cas, n’hésitez pas à vous tourner vers des ressources professionnelles, dont le Service de psychologie et d’orientation de l’UdeS, afin de bénéficier d’un soutien pour vous aider à surmonter votre anxiété.

En vous invitant à réapprivoiser doucement le monde extérieur,

Malya Choinière, candidate à la profession de psychologue

Service de psychologie et d’orientation


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