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Semaine nationale de prévention du suicide 2017

La tristesse en héritage

« Mon grand frère s’est suicidé il y a quelques années. J’avais beaucoup d’admiration pour lui. Il était autant attentionné à mon égard qu’il était disponible à aider les autres. C’était aussi un gars bourré de talent qui réussissait à peu près tout ce qu’il entreprenait. Sa popularité et ses succès dissimulaient bien son côté réservé. Quand mes parents et moi avons appris que Frédéric s’était suicidé, cela a eu l’effet d’une bombe pour nous ainsi que pour tous ceux qui le connaissaient. Nous arrivions difficilement à comprendre son geste et cela était douloureux pour ceux qui l’aimaient.

En triant ses objets personnels, ma mère a découvert des lettres et des poèmes qu’il avait écrits. C’est alors que le voile s’est levé sur sa souffrance intérieure. Nous avons découvert à ce moment qu’il ne s’était jamais remis d’une rupture amoureuse vécue quelques années auparavant. Cette perte avait miné sa confiance, particulièrement dans ses relations avec les filles, et il s’était isolé affectivement de plus en plus. Par le doute qui s’était immiscé en lui, il ne voyait plus combien il était une personne précieuse aux yeux de ceux qui le côtoyaient.

Parce qu’il avait toujours été celui sur qui on pouvait compter, il se sentait incapable de demander de l’aide, craignant de déranger ou de briser ce qui lui semblait être l’ordre naturel des choses. Alors, il a vécu sa souffrance en silence jusqu’à ce que l’intensité de sa l’amène à poser le geste ultime de se tuer. Il croyait ainsi que sa souffrance mourrait en même temps que lui. Il n’avait sûrement pas pensé que sa douleur, au lieu de s’éteindre avec lui, se répercuterait sur ceux qui l’aimaient. Douleur, pour nous, de la mort qu’il s’était donnée; douleur de ne pas avoir pu discerner sa souffrance; douleur de n’avoir pu être là pour lui comme il l’avait été si souvent pour nous; douleur de ne plus le voir; douleur de ne plus lui manifester notre affection…

Aujourd’hui, quand je pense à lui, c’est avec amour même s’il me manque beaucoup. Je ne lui en veux pas pour son geste, mais il me reste tout de même le regret de ne pas avoir vu qu’il souffrait et qu’il n’a rien dit. S’il avait osé s’ouvrir à quelqu’un, brisé l’isolement dans lequel il s’était emprisonné, il en aurait été tout autrement pour lui. Il aurait reçu toute l’aide dont il avait besoin et j’ai la conviction qu’il serait encore en vie et heureux à nouveau… Non, la souffrance ne s’éteint pas lors d’un suicide. Elle se transforme en chagrin et se multiplie dans d’autres cœurs… »

Johanne Bernatchez, psychologue
Service de psychologie et d’orientation, 819 821-7666


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