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Explorer le potentiel des memristors pour l'ordinateur quantique et l'intelligence artificielle

Yann Beilliard et Dominique Drouin, professeurs au Département de génie électrique et de génie informatique de la Faculté de génie, et membres de l’Institut quantique de l'UdeS.
Yann Beilliard et Dominique Drouin, professeurs au Département de génie électrique et de génie informatique de la Faculté de génie, et membres de l’Institut quantique de l'UdeS.

Photo : Michel Caron - UdeS

Même si le terme biomimétisme n’a fait son entrée dans Le Robert qu’en 1975, le processus est utilisé depuis beaucoup plus longtemps. « Apprenez de la nature, vous y trouverez le futur » disait Léonard de Vinci.

Le futur, pour bien des chercheurs et chercheuses de l’Institut quantique (IQ), c’est l’ordinateur quantique. En plus de son architecture, des algorithmes et de la correction d’erreurs, cet outil de recherche au potentiel formidable nécessitera également la participation d’ingénieurs et d’ingénieures qui en assureront le contrôle. Il s’agit là d’un défi colossal, et il reste encore beaucoup de travail à faire, puisque maintenir des états quantiques requiert des températures cryogéniques. Il faut donc développer de l’électronique qui pourra fonctionner à ces températures inhospitalières.

Pour créer l'ordinateur quantique, il faut développer de l'électronique capable de fonctionner à des températures cryogéniques.

Et, pour ce faire, une équipe de recherche de l’Institut quantique (IQ) et de l’Institut Interdisciplinaire d’Innovation Technologique (3IT) s’intéresse aux memristors (contraction de memory et de resistor). Ce composant électronique, prédit théoriquement par le professeur Leon Chua de Berkeley en 1971, n’a été réalisé qu’une quarantaine d’années plus tard. Il s’agit d’un composant électronique nanoscopique dont la résistance peut être modifiée à volonté. Cette propriété fait des memristors des candidats très prometteurs pour la réalisation de synapses artificielles dans le cadre de circuits optimisés pour l’intelligence artificielle (IA).

Ce qu’on essaie de faire nécessite le mariage des expertises que l’on retrouve au 3IT et à l’IQ. Nous orientons nos projets de recherche à l’interface de l’intelligence artificielle, de la nanoélectronique émergente et de la science quantique; il faut les trois en même temps.

Yann Beilliard, professeur en génie et membre de l'IQ

« Au 3IT, nous développons des mémoires résistives, aussi appelées "memristors", poursuit le chercheur. Il s’agit de nouveaux nanocomposants rendant possible le développement de circuits électroniques à haute performance pour l’IA spécifiquement. Puis, il y a trois ans, l’idée a émergé : pourquoi ne pas appliquer ces technologies à la mise à l’échelle de l’ordinateur quantique? Concrètement, il s’agit de contribuer au contrôle automatique des qubits à l’aide d’IA et ce, que l’on choisisse les boîtes quantiques sur silicium ou encore les circuits supraconducteurs. L’électronique classique est nécessaire au contrôle des puces quantiques dans le cryostat. Si on veut mettre à l’échelle de la technologie quantique avec des milliers, voire des millions de qubits, nous devrons automatiser les procédés grâce à l’IA et recourir à de l’électronique classique de contrôle qui est très robuste »

L’équipe de recherche identifie l’intelligence artificielle comme une avenue prometteuse pour l’automatisation de certaines procédures de contrôle de systèmes quantiques, allant de la lecture de qubits à la tomographie en passant par l’état des qubits et le contrôle des dispositifs quantiques sur silicium.

Il faut du matériel informatique très performant pour faire fonctionner l’intelligence artificielle, pour éviter de réchauffer le cryostat. Il faut également de l’électronique optimisée pour que tout fonctionne de façon performante.

« Notre équipe collabore avec Roger Melko, professeur à l’Université de Waterloo et chercheur au Perimeter Institute, et Stefanie Czischek, titulaire d'un Ph. D. en physique,  chercheuse post-doctorale dans son groupe, qui se spécialisent dans l’application de l’IA à la quantique, explique Dominique Drouin, professeur à la Faculté de génie. Ce projet de recherche est financé, entre autres, par l’appel à projets de l’IQ. Et, puisque nous avions besoin de données expérimentales pour entraîner des réseaux de neurones pour des boîtes quantiques sur silicium, nous nous sommes basés sur des travaux de recherche de Sophie Rochette et de Julien Camirand Lemyre alors qu’ils étaient au doctorat dans le groupe du professeur Michel Pioro-Ladrière. En plus de travailler à l’interface de plusieurs disciplines et de mettre à profit les ressources du 3IT et de l’IQ, nous avons misé sur une approche collaborative. En réunissant tous ces éléments, nous en sommes arrivés à faire la démonstration d’auto-calibration de boîte quantique par apprentissage automatique, ce qui constitue un pas de plus vers l’automatisation de certaines procédures »

Les prochains travaux

Yann Beilliard nous rappelle le défi de la température : « Nous avons besoin de mémoires résistives cryogéniques, spécifiquement adaptées aux contraintes de fonctionnement des systèmes quantiques pour pouvoir implémenter directement dans le cryostat des méthodes de contrôle basées sur l’IA à haute performance. Par contre, toutes les mémoires développées jusqu’à maintenant sont faites pour être opérées à température ambiante. La prochaine étape consiste donc à concevoir des memristors spécifiquement adaptées aux conditions cryogéniques pour débloquer toutes les applications. Il faudra donc travailler à la fois sur les matériaux et l’architecture des composants, en utilisant notamment des matériaux supraconducteurs, une première dans le domaine des memristors. »

C’est ici que la nature a peut-être ses limites et que les ressources du 3IT, de l’IQ et des collaborateurs prendront tout leur sens.


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