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Mémoire - Maxime BOLDUC

Ces jeunes « qui ont tout bousculé »? : scénographie et postures des « nouveaux » éditeurs québécois

Maxime BOLDUC

Les maisons d’édition québécoises fondées au tournant des années 2000 sont souvent associées, dans les médias, à une forme de renouveau : on dit d’elles qu’elles sont « singulières », qu’elles se « démarquent » ou même qu’elles « transforment » le champ éditorial. Mon mémoire se propose d’interroger la « nouveauté » de ceux qu’on désigne, même vingt ans plus tard, comme les « nouveaux » éditeurs québécois : sur quoi, concrètement, repose cette image de jeunes « qui ont tout bousculé » ? À l’aide d’outils d’analyse du discours, j’ai défini la scénographie dans laquelle prend place « l’irruption » des nouveaux éditeurs, puis j’ai analysé leur posture, en prenant plus particulièrement exemple sur un cas de figure, celui de Marchand de feuilles. Dans mon premier chapitre, j’ai survolé divers enjeux qui marquent le champ éditorial du début du XXIe siècle afin de situer le discours des éditeurs de mon corpus. Plusieurs phénomènes qui s’accélèrent — comme la concentration éditoriale ou la montée du numérique — font craindre des changements profonds dans la fonction éditoriale, ce qui crée un climat propice pour qu’émerge un militantisme pro-indépendance. Lequel unit les petites maisons d’édition contre les plus grandes, un élément clé de la scénographie des nouveaux éditeurs. Mon deuxième chapitre étudie l’implantation de la relève éditoriale au début des années 2000. Mes résultats montrent que l’insertion des nouveaux éditeurs se fait principalement par leur discours, qui crée une dichotomie entre les « vieux » et les « jeunes ». Les nouveaux éditeurs opposent leur originalité, leur dynamisme et leurs méthodes de travail centralisées autour d’une petite équipe, au désenchantement d’une édition froide, mécanique et blasée, pratiquée par les « gros » éditeurs. Ces derniers rejettent fortement l’arrivée des nouveaux éditeurs, auxquels ils reprochent leur amateurisme. L’arrivée massive de maisons d’édition et de revues animées par la relève entraîne néanmoins une multiplication des voix, dont on reconnaît de plus en plus l’importance. À partir des années 2010, les divers succès qu’obtiennent les nouvelles maisons d’édition en viennent à légitimer leur position dans le champ, si bien que l’opposition générationnelle s’atténue, jusqu’à n’exister que dans le discours médiatique. Dans mon troisième chapitre, j’ai défini ce qui caractérisait le discours des nouveaux éditeurs québécois en établissant ce qui constitue leur scénographie collective. Ceux-ci empruntent au registre des indépendants tout en se revendiquant aussi d’une influence anglo-saxonne. Ces divers points communs permettent ainsi d’expliquer pourquoi les médias ont tendance à considérer les nouveaux éditeurs comme un groupe, bien qu’on insiste, paradoxalement, sur leur singularité. Afin de mieux comprendre cet aspect, j’ai étudié l’image de marque de Marchand de feuilles. L’analyse de la posture de son éditrice (Mélanie Vincelette) ainsi que du catalogue et des réseaux sociaux de la maison d’édition m’a permis d’en dévoiler les points communs et les stratégies de distinction par rapport à ses compétiteurs. Ce mémoire permet de mieux comprendre comment les nouveaux éditeurs se mettent en scène dans l’espace public, en particulier sur les réseaux sociaux, et comment ces stratégies ont influencé le discours social et médiatique utilisé pour parler d’eux.