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Franco-American Networks of Print in the Age of Revolutions (vol. 11, n° 1, 2019)

La circulation de l’imprimé entre France et
États-Unis à l’ère des révolutions 

Au printemps 1863, Wilky James, frère de William et Henry James et jeune officier engagé du côté de l’Union lors de la guerre de Sécession, notait dans son journal : « Today is Sunday and I’ve been reading Hugo’s account of Waterloo in ‘Les Miserables’ and preparing my mind for something of the same sort. God grant the battle may do as much harm to the Rebels as Waterloo did to the French. » Comme Wilky James, de nombreux soldats unionistes (mais aussi confédérés) mirent en relation le conflit sanglant qui se jouait sur le territoire américain et le roman de Victor Hugo, tout juste traduit.1 Inversement, on sait l’intérêt que Hugo porta à la question de l’esclavage aux
États-Unis, cause profonde de la guerre, et notamment à la figure de l’abolitionniste radical John Brown, mentionnée à deux reprises dans Les Misérables.

C’est à l’étude de ces transferts culturels – à la fois littéraires et politiques – entre la France et les États-Unis qu’est consacré le présent numéro de Mémoires du livre / Studies in Book Culture, sur une période de près d’un siècle allant de la Révolution américaine à la Commune de Paris. En mettant à contribution les outils de l’histoire du livre et de l’imprimé, on s’intéresse en particulier aux conditions matérielles de la circulation des écrits, des idées et des personnes d’un continent à l’autre : les questions de traduction, d’édition et de réception seront au cœur du numéro. La charge contestataire des chansons du poète Béranger, très populaires aux États-Unis au XIXe siècle, est-elle contenue ou bien mise en valeur par le paratexte et la forme des éditions américaines ? Y a-t-il un lien entre la parution en 1848 d’une première traduction française de Narrative of the Life of Frederick Douglass, an American Slave (1845), récit autobiographique de l’esclave fugitif et militant abolitionniste Frederick Douglass, et l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises par le gouvernement provisoire la même année ? Quel rôle joue l’échange de publications dans le dialogue entre féministes françaises et américaines encouragé par Jenny d’Héricourt, auteure de La Femme affranchie (1860), un temps installée à Chicago ? Les articles concernent le champ du politique au sens large – idées républicaines, antiesclavagistes, antiracistes, féministes, socialistes, communistes, anarchistes et utopistes parmi d’autres – ainsi que l’ensemble des genres, formes et formats, du traité philosophique au roman publié en feuilleton en passant par le théâtre et la presse. Selon les cas, on s’attache à mettre en lumière les agents, institutions et vecteurs ayant permis la diffusion transatlantique des textes (ou au contraire y ayant fait obstacle) ; à analyser les phénomènes d’emprunt, d’adaptation, de relecture ou de remédiation ; à évaluer la place de l’imprimé dans la construction de réseaux, communautés et solidarités internationales entre réformistes, radicaux et révolutionnaires de la fin du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle. Tout en privilégiant les échanges intellectuels et textuels entre France et États-Unis, on replace ceux-ci dans une géographie nord-atlantique plus large comprenant les îles Britanniques, les Caraïbes et le Canada.

Placé sous la direction de Michaël Roy (Université Paris-Nanterre), le numéro est disponible à l’adresse suivante : https://www.erudit.org/fr/revues/memoires/2019-v11-n1-memoires05099/1066937ar/


1 Louis P. Masur, « In Camp, Reading ‘Les Miserables’ », New York Times, 9 février 2013.