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Appel à communications

« De la parole à l’écrit : formes, fonctions et représentations de l’oralité sous l’Ancien Régime », du CIERL et du CIREM

On associe traditionnellement le domaine de l’écrit à la sphère intellectuelle,
particulièrement dans le cadre d’une « civilisation de l’imprimé », qui tend aujourd’hui à s’élargir à grande vitesse grâce aux potentialités offertes par l’univers virtuel auquel donnent accès les nouvelles technologies. Toutefois, alors que le « triomphe du livre » (H. J. Martin et R. Chartier, 1984) semble ne faire aucun doute dans les divers champs de la connaissance, l’oralité n’en demeure pas moins l’une des modalités du savoir tout autant que de la création artistique (F. Waquet, 2003). De fait, si le développement de l’imprimerie, d’abord, puis la révolution industrielle, ensuite, ont modifié de manière
profonde les pratiques de communication dans le monde moderne, la tradition orale n’a pas pour autant cessé d’exercer une influence considérable dans toutes les sphères de la connaissance, comme en témoigne notamment la persistance de l’éloquence judiciaire. Ainsi, de Gutenberg à la Révolution française, les travaux des hommes de lettres offrent de multiples occasions de s’interroger sur les manifestations de l’oralité dans les différents champs de savoir de l’Ancien Régime.


De la prose digressive de Montaigne conçue comme un modèle sous-jacent au
genre littéraire de la conversation (M. Fumaroli) aux entretiens de Fontenelle livrant les bases d’une vulgarisation scientifique inspirée par les Lumières, en passant par les dialogues philosophiques réactualisant le modèle platonicien, l’oralité a sans cesse alimenté la pensée des hommes de lettres et de sciences. Ceux-ci y retrouvaient non seulement une nouvelle manière de transmettre leurs idées, nourrie par l’héritage fécond de la rhétorique, mais également un creuset à leur propre invention. En effet, l’échange oral, duquel participe le dialogue, suppose une conception de la recherche de la vérité adossée à une attitude sceptique où le débat devient partie intégrante du processus d’enquête. En ce sens, la maïeutique socratique constituera un modèle récurrent, autant pour la philosophie moderne que pour la réflexion pédagogique, et cela, de la Renaissance aux Lumières.


Par ailleurs, les diverses formes par lesquelles se donne à voir l’oralité demeurent également sensibles dans le domaine des arts et de la littérature. Tantôt, les représentations de l’orateur antique ou celles du tribun révolutionnaire témoignent de la survivance d’un imaginaire de la parole vive malgré les progrès de l’imprimerie ; tantôt, les procédés narratologiques et marques de polyphonie énonciatives rendent compte de manière évidente d’une conquête de l’écrit par l’oral. Dans tous les cas, c’est la manifestation d’une voix, celle du témoin ou de l'homme politique, celle de l’artiste ou de l’auteur, celle du personnage ou du narrateur, qui se fait entendre et qui nous amène à nous interroger sur les différentes formes et fonctions qu’elle investit. De quelle façon la parole s’arrime-t-elle à l’écrit ? Quels procédés de transposition suscite-t-elle ? Quelle est l’incidence de cette parole figurée pour les différents genres littéraires ou types de discours ? Comment faire l’histoire de cette oralité qui, par sa nature même, est fuyante (verba volant, scripta manent) ?


Nous sollicitons des propositions d’intervention s’inscrivant dans l’un des trois axes suivants :


1) Les formes de l’oralité : analyse des effets d’oralité dans les oeuvres (niveaux de langue, accent, voix, dialogue, silence, ponctuation, commentaire) ; définition d’une poétique de la parole, du silence.


2) Les fonctions de l’oralité : dialogisme, polyphonie, rhétorique, énonciation, théorie du discours, déclamation, éloquence, auditoire, transmission, transcription ; histoire et usage de la parole vive, rapport entre tradition orale et culture savante, échanges (sociabilités) et savoir.


3) Les représentations de l’oralité : figures de locuteur, interlocuteur, devisant, orateur, conteur, etc. ; témoignages sur la prise de parole (discours, éloge, sermon, etc.) ; genres littéraires mettant à profit l’oralité (épopée, poésie lyrique et mondaine, chant, dialogue, conversation, entretien, oraison, conte, théâtre, roman, mémoires, harangue, etc.) ; imaginaire de l’oralité dans les beaux-arts.


De nature interdisciplinaire, ce colloque du CIERL-CIREM accueillera les jeunes chercheurs (des étudiants à la maîtrise ou au master ainsi que des doctorants et postdoctorants) oeuvrant dans les différents champs des sciences humaines, de la littérature à la philosophie, en passant par l’histoire (de l’art, de la musique, des sciences du langage, etc.). Les communications inédites ne devront pas dépasser les vingt minutes allouées à chaque participant. Les propositions de communication en français (titre et résumé de 250 mots, niveau d’étude, affiliation institutionnelle) devront être envoyées au comité avant le 26 février 2016 à l’adresse suivante :


veroniquefoisy@gmail.com


Les Cahiers du CIERL (Éditions Hermann, Paris) accueilleront les articles issus des communications après examen par le comité organisateur et scientifique du colloque.


Le comité organisateur : Christine Arsenault, Véronique Foisy, Kim Gladu, Maude Huard, Valérie Rongier.


Directrice scientifique : Roxanne Roy