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Des cyanobactéries bonnes pour l'environnement!

Des cellules solaires inspirées des bactéries photosensibles

Le professeur Pierre D. Harvey, de la Faculté des sciences
Le professeur Pierre D. Harvey, de la Faculté des sciences

Depuis quelques étés, les cyanobactéries qui prolifèrent dans certains lacs sont les ennemies jurées des baigneurs et des environnementalistes... Toutefois, elles ont aussi de bons côtés un peu moins connus. En effet, ces reines de la photosynthèse font partie de la grande famille des bactéries photosensibles, qui inspirent les chercheurs pour développer des cellules solaires à très haut rendement énergétique : les cellules solaires organométalliques bio-inspirées.

L'équipe de Pierre Harvey, professeur à la Faculté des sciences de l'UdeS, et celle de Roger Guilard, de l'Université de Bourgogne en France, pourraient bien accélérer le développement de ces dispositifs photoniques du futur. En effet, ces chercheurs ont conçu en collaboration une antenne artificielle moléculaire inspirée de celles qu'on trouve chez les bactéries photosensibles. Les auteurs de cette découverte ont publié leurs résultats de recherche cet été dans la revue Inorganic Chemistry.

Survivre quand chaque photo compte

Alors que les cellules photovoltaïques commerciales atteignent difficilement des rendements de 20 %, certaines bactéries photosensibles dépassent allégrement 99 % de rendement. Et pour cause, certaines, comme la bactérie pourpre rhodospirillaceae, doivent leur survie sept mètres sous la surface de l'eau à leur capacité à capter la faible lumière du soleil et à convertir les photons en électrons nécessaires aux réactions chimiques.

Pour parvenir à de tels rendements, la bactérie pourpre déploie des assemblages d'antennes minuscules (10 à 20 Å de diamètre) constituées de structures moléculaires circulaires de bactériochlorophylles et de rhodopine glucoside. Leurs rôles sont d'absorber l'énergie lumineuse, puis de la transporter le plus rapidement possible sous forme d'électrons vers le centre réactionnel. Ces électrons amorcent alors la première réaction chimique qui conduit à la formation de sucre.

La performance de ces assemblages tient à la vitesse vertigineuse de migration de l'énergie. En effet, la migration est terminée en quelques picosecondes (10-12 s) avant même que l'excitation se perde sous forme de chaleur, ce qui pourrait se produire en 2 milliardièmes de seconde (2 x 10-9 s). Dans cette course contre la montre, les électrons sautent en une ou deux picosecondes d'une bactériochlorophylle à l'autre par des relais conducteurs (le caroténoïde).

Une antenne artificielle bio-inspirée

Ces structures d'antennes et de relais biologiques ont inspiré les professeurs Harvey et ses collaborateurs pour construire une antenne artificielle moléculaire. Elle est constituée de molécules synthétiques (porphyrines) de la même famille que les bactériochlorophylles auxquelles sont associés des relais conducteurs à base de platine. Ces assemblages artificiels pourraient améliorer grandement la performance des polymères photoniques qui servent à bâtir les cellules solaires.

«Jusqu'à présent, le concept de relais comme agent de transport d'énergie dans les polymères photoniques n'existait tout simplement pas, affirme le professeur Harvey. Cette découverte pourrait transformer profondément la nature de ces matériaux.»

Le spécialiste prévoit des avancées par rapport aux matériaux actuels. «Les procédés industriels de dépôts des polymères photosensibles engendrent des pertes de rendements, car ils sont orientés dans tous les sens, contrairement à ce qu'on trouve dans la nature. L'idée de fabriquer des systèmes linéaires grâce à notre antenne artificielle bio-inspirée est un pas dans la bonne direction», conclut Pierre Harvey.