Première mondiale publiée dans Science of The Total Environment
Une équipe de l'Université de Sherbrooke est la première à mesurer la dispersion à large échelle des antiozonants dans l'atmosphère
Photo : Image extraite de l'article original
Les antiozonants comme le 6PPD (une p-phénylènediamine) sont des additifs chimiques largement utilisés dans la fabrication des pneus et d'autres produits de caoutchouc, dont ils permettent de ralentir la dégradation par l’ozone. Avec l’usure, des particules contenant ces antiozonants et d'autres résidus (comme des hydrocarbures polyaromatiques, du zinc et du plomb) sont donc libérées dans l’environnement à proximité des routes. Entraînées par les pluies, ces particules polluent les milieux naturels et peuvent affecter la croissance des plantes et la biodiversité microbienne. Si leurs graves conséquences sur la faune aquatique ont déjà été démontrées, ayant par exemple été associées à une forte mortalité de saumons migrant en zones urbaines, leur dispersion atmosphérique à large échelle n'avait encore jamais été mesurée.
Photo : Alibaba.com
Une équipe du Département de chimie de la Faculté des sciences composée des doctorants Shaghayegh Ramezany, Guillaume Martinez et Adrien Mugnai, sous la direction du professeur Jean-Philippe Bellenger, est la première à y parvenir, dans une recherche réalisée en collaboration avec Environnement et Changement climatique Canada.
Les mousses à la rescousse de la science
Les mousses (ou bryophytes) sont de petites plantes non vasculaires présentes dans toutes les régions du monde, de l'équateur jusqu'aux cercles polaires. Cette vaste dispersion et leur propriété unique d'absorber les particules qui se déposent à leur surface ont permis à l'équipe de recherche de les mettre à contribution pour caractériser la dispersion aérienne des antiozonants dans le sud du Québec. Des dizaines d’échantillons de mousses ont ainsi été prélevés dans plusieurs régions, en plus d’un échantillonnage intensif autour de la ville de Sherbrooke.
Photo : Fournie
Outre ses résultats concluants, la recherche a notamment permis d'établir la viabilité de cette approche originale et peu coûteuse pour évaluer rapidement la contamination par les antiozonants sur de vastes territoires. « Notre démonstration de l'efficacité de cette technique est en soi une excellente nouvelle, car la description précise du problème permettra aux autorités de bien cibler leurs actions, se réjouit le Pr Bellenger. De plus, la présence de bryophytes dans de nombreuses régions du monde ouvrira la voie à une application très large de cette solution, grâce à laquelle nous avons déjà pu mesurer d'autres types de contaminants. »
Des observations alarmantes
Mais surtout, les résultats ont révélé que les antiozonants sont omniprésents dans les dépôts atmosphériques, notamment dans les milieux urbains et leur voisinage immédiat. Les données récoltées autour de la ville de Sherbrooke ont montré que les zones les plus contaminées se situent à proximité des grands axes routiers. Cela confirme les observations faites en milieu aquatique, indiquant que les routes représentent une source d’entrée importante des antiozonants dans l’environnement.
Un pas important pour mieux comprendre la présence des antiozonants
Photo : Image extraite de l'article original
L'équipe du professeur Bellenger espère que la biosurveillance basée sur l'utilisation de mousses permettra d’accroître rapidement les connaissances sur la dispersion atmosphérique mondiale des antiozonants. « Nous invitons les communautés de recherche à approfondir leurs connaissances sur les impacts de ces composés chimiques. Nous envisageons d'ailleurs de réaliser des suivis saisonniers dans le but de connaître les principales périodes d'exposition et d'affiner encore nos données. »
Photo : Image extraite de l'article original
Les effets délétères des antiozonants sur la santé humaine et sur les différents écosystèmes demeurent peu connus, mais l'arrivée de cette méthode pourrait changer la donne.
Des études plus larges ont déjà mesuré la pollution atmosphérique liée à la circulation automobile (PACA) en général, tenant compte d’un ensemble de données incluant les gaz d'échappement des véhicules, les polluants atmosphériques secondaires formés dans l'atmosphère, les émissions de gaz d'évaporation des véhicules et les émissions non causées par la combustion, comme la poussière de route, l’usure des freins et celle des pneus. Selon ces études, la PACA est responsable de 1200 décès prématurés par année au Canada, (Santé Canada, 2022).