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Élections et politique américaines

Le point de vue unique des médias québécois

Les professeures Karine Prémont et Marie-Ève Carignan s'intéressent au traitement médiatique québécois de la politique américaine.
Les professeures Karine Prémont et Marie-Ève Carignan s'intéressent au traitement médiatique québécois de la politique américaine.
Photo : Fournie

Automne 2020, la campagne électorale américaine bat son plein et toutes les antennes médiatiques du Québec sont tournées vers celle-ci. Karine Prémont et Marie-Ève Carignan, elles, cherchent à savoir si cet engouement pour les élections et la politique américaines reflète vraiment l’intérêt des Québécois et des Québécoises. Depuis 2016, à l’aube de l’élection de Donald Trump, les deux professeures se demandent si les médias québécois n’en font pas un peu trop. Et bien non!

Le peuple québécois est fasciné par ses voisins, en raison de leur proximité à plusieurs égards, mais aussi parce qu’il aime bien comprendre… et juger les Américains. Si l’intérêt des Québécoises et des Québécois pour la politique et les élections américaines ne date pas d’hier, le règne du président Trump a certainement constitué un point de bascule dans notre façon de couvrir et de percevoir le sujet. Et la grande exposition aux multiples détails et rebondissements de la politique de nos voisins du Sud a assurément des répercussions sur le Québec et le Canada d’un point de vue sociopolitique, culturel ou médiatique.

Pour creuser la question, les professeures Prémont et Carignan sont remontées à la source : les journalistes, spécialistes et professionnels des médias eux-mêmes et des spécialistes de la politique américaine. Tout près d’une centaine d’entre eux ont collaboré à leurs travaux. Les réponses et points de vue de ces experts soulèvent plusieurs enjeux et révèlent notre relation particulière avec nos voisins. Ils permettent en outre de plonger au cœur des métiers complexes de journaliste et de communicateur.

Un métier de plus en plus exigeant

Le monde de l’information et des médias a connu une transformation fulgurante dans la dernière décennie et les gens sont de plus en plus informés, exigeants. Comment bien informer quand en plus le sujet est extrêmement complexe, ne serait-ce que par le système électoral particulier des États-Unis, si différent du nôtre.

Au cours des dernières années, les Québécois semblent avoir développé une plus fine compréhension de ce système en raison de la grande couverture accordée à la politique américaine, en particulier grâce à la grande qualité des reportages terrain

Karine Prémont, professeure à l'École de politique appliquée

La politicologue constate également que les journalistes québécois ont plus de recul et une meilleure perspective globale des enjeux que les journalistes américains, ce qui offre un point de vue unique sur les événements qui se passent au sud de la frontière.

« Ce recul permet aussi de dresser des parallèles et de faire des comparaisons avec le système politique et les enjeux québécois. Ce sont ces éléments qui donnent une valeur ajoutée à la couverture québécoise de la politique américaine. »

Nul doute que la couverture médiatique des élections américaines pose de nombreux défis, dont plusieurs sont aussi présents pour la couverture de notre propre actualité politique : influence des réseaux sociaux, sources d’information, importance du travail sur le terrain.

Dans le cas de la couverture de la politique américaine, l’un des plus grands défis est sans aucun doute l’accès aux acteurs politiques, qui favorisent les journalistes américains au détriment des journalistes étrangers. À cela, il faut ajouter les obstacles liés à la langue : la traduction de l’anglais doit souvent se faire dans un délai très court, ce qui n’est pas toujours possible. Enfin, n’oublions pas toute la complexité du système à expliquer afin de bien faire comprendre les enjeux sociopolitiques.

Marie-Eve Carignan, professeure au Département de communication

Le fait d’être si exposés à une politique qui n’est pas la nôtre engendre-t-il des répercussions concrètes sur notre culture? Influence-t-il nos rapports avec la politique? Selon la professeur Karine Prémont, même si notre cadre est différent, les enjeux et les débats traversent les frontières.

« Nos débats sociaux sont parfois teintés des enjeux et des discours américains. Les stratégies électorales des politiciens s’inspirent aussi de plus en plus de celles qu’on voit aux États-Unis. Par exemple, l’utilisation des réseaux sociaux faite par certains politiciens canadiens est directement calquée sur celle de leurs vis-à-vis américains. Enfin, notre vision de la politique est parfois elle-même construite par les contenus culturels auxquels nous avons été exposés et qui sont très américains », explique la professeure Karine Prémont.

Karine Prémont est professeure à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke et directrice adjointe de l'Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM.

Marie-Ève Carignan est professeure au Département de communication de l’Université de Sherbrooke et directrice du pôle médias de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents.

Elles viennent de faire paraître un ouvrage basé sur près de 100 entretiens réalisés avec des journalistes et des spécialistes de la politique et de la communication aux Éditions La Presse sous le titre La Maison-Blanche vue du Québec.


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