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La sécurité d'abord! Les kilos après…

Des biologistes mesurent l'effet indirect d'un prédateur

Couguar dans une épinette
Couguar dans une épinette
Photo : Jon Jorgenson

Des biologistes de l'UdeS et un collaborateur de l'Université de Lyon ont découvert que durant des périodes de prédation de couguars, les agneaux mouflons sont moins gros qu'habituellement. C'est la première fois que des chercheurs quantifient un effet indirect de la prédation alors même que les effets directs sont bien documentés. Ces résultats pourraient avoir des conséquences sur les plans de réintroduction de certains prédateurs dans plusieurs régions du monde. Ils sont publiés aujourd'hui dans la revue Ecology Letters par Aurélie Bourbeau-Lemieux, Marco Festa-Bianchet, Jean-Michel Gaillard et Fanie Pelletier.

Réviser la dynamique des populations

Fanie Pelletier, professeure au Département de biologie de l'Université de Sherbrooke.
Fanie Pelletier, professeure au Département de biologie de l'Université de Sherbrooke.
Photo : Michel Caron

En 30 ans, la population de mouflons d'Amérique de Sheep River en Alberta a chuté de 160 à moins de 30 individus. L'explication : une pneumonie et trois périodes d'intense prédation par des couguars. En plus de tuer des mouflons, les couguars ont eu un effet indirect sur les agneaux, qui pesaient en moyenne 8 % de moins qu'en période normale.

«Cette baisse du poids des agneaux a des répercussions sur leurs chances de survivre à l'hiver, ce qui accroit la baisse de la population en plus de ceux qui sont tués par les couguars», estime la professeure Fanie Pelletier, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en démographie évolutive et conservation.

Mouflonne d'Amérique de 7 ans avec son agneau mâle à 15 jours en juin 2007, à Ram Montain, en Alberta.
Mouflonne d'Amérique de 7 ans avec son agneau mâle à 15 jours en juin 2007, à Ram Montain, en Alberta.
Photo : Julien G.A. Mart

Ces résultats sont importants pour évaluer l'effet d'un prédateur sur la dynamique d'une population, car les proies vont modifier leur comportement de façon à éviter la prédation. «Les mouflons vont payer un coût énergétique en évitant les zones de prédation qui sont aussi les plus nourrissantes», explique le professeur Festa-Bianchet.

Les chercheurs ont ainsi observé l'abandon des collines l'hiver au profit des montagnes que les mouflons occupaient traditionnellement l'été. Ce type de modification du comportement à la suite du risque de prédation est observé par d'autres chez les poissons, les phoques et d'autres mammifères, mais c'est la première fois qu'un effet indirect est mesuré. «Avant, on pensait que les animaux choisissaient leur habitat selon la disponibilité de la nourriture. Maintenant, on se rend compte que ce qui est encore plus important, c'est d'éviter les habitats dangereux», renchérit le biologiste.

Poussés vers les falaises

Couguar à Sheep River en Alberta.
Couguar à Sheep River en Alberta.
Photo : Alejandro Nava-Donatti

Pour mesurer de tels effets, les chercheuses et chercheurs ont pu compter au fil des ans sur la modification des stratégies de chasse de trois couguars alors que normalement ils ne chassent que des cerfs, des wapitis ou de jeunes orignaux. Sans que les spécialistes sachent encore pourquoi, il arrive qu'un individu se spécialise dans la prédation des mouflons. «Ils les surprennent alors par le haut des falaises et les poussent à s'enfuir vers le bas où ils sont plus vulnérables, explique la professeure Pelletier. Nous retrouvons d'ailleurs les corps de ces victimes d'attaque au pied des falaises», conclut-elle.


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