Regards sur l'actualité
L'espoir au cœur des cellules souches
Le gouvernement américain a rétabli le 9 mars le financement par l'État de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, une pratique qu'interdisait l'administration Bush depuis huit ans. Le président Obama avait promis de lever cette interdiction en campagne électorale. L'administration précédente craignait en effet que cette pratique ne débouche un jour sur le clonage d'êtres humains. En signant le décret, le président Obama a déclaré vouloir protéger la science des interférences idéologiques, mais tout en permettant la recherche sous la gouverne de règles strictes n'ouvrant pas la porte au clonage pour la reproduction humaine. Mais qu'en est-il du potentiel de la recherche sur les cellules souches et de l'impact d'une telle décision? Pour nous éclairer, nous avons recueilli le point de vue du professeur Nicolas Gévry, du Département de biologie de la Faculté des sciences.
Journal UdeS : Qu'est-ce qu'une cellule souche?
Nicolas Gévry : Les cellules souches ont pour caractéristiques de se reproduire longtemps à l'identique, sans se différencier, et d'être capables de donner naissance à des cellules de transition, à capacité limitée de prolifération, à l'origine de cellules hautement différenciées. En mots simples, une cellule souche a les capacités de devenir n'importe quelle cellule du corps adulte.
Journal UdeS : Récemment, on a beaucoup parlé des recherches stoppées aux États-Unis, mais qu'en est-il des recherches ailleurs dans le monde?
N. Gévry : Récemment, il y a eu des percées majeures sur l'utilisation des cellules souches pour des fins cliniques, mais ces expériences ont été effectuées en majeure partie chez les animaux. Cependant, la transplantation de cellules souches hématopoïétiques apporte la preuve de principe que les cellules souches ont le potentiel de remplacer un organe et que nous ne sommes pas si loin d'un élargissement des applications médicales dans ce domaine. Depuis les dernières années, des pays comme la France, l'Espagne et la Suisse ont autorisé la recherche sur les cellules souches embryonnaires, ce qui a permis d'avancer dans ce domaine de recherche.
Journal UdeS : Est-ce que le refinancement de telles recherches aux États-Unis pourrait conduire à des résultats rapides?
N. Gévry : La décision du président Obama de lever les restrictions imposées par George W. Bush au financement par l'État fédéral de la recherche sur les cellules souches obtenues à partir d'embryons humains lié au potentiel scientifique de ce pays vont certainement faire progresser plus rapidement la découverte et l'utilisation des cellules souches embryonnaires dans le monde médical.
Journal UdeS : Face à la pénurie d'organes à greffer, les cellules souches embryonnaires qui permettraient de fabriquer toutes sortes de tissus pourraient-elles constituer une solution pour réparer les organes malades?
N. Gévry : La recherche sur les cellules souches soulève beaucoup d'enthousiasme. Certaines maladies ont déjà été ciblées. Par exemple, les cellules souches sanguines ont été utilisées pour traiter des cancers hématologiques. Plusieurs groupes ont travaillé sur des animaux et ont greffé des cellules souches pluripotentes sur le cœur endommagé. Ils ont démontré que les cellules souches «battaient» avec les cellules avoisinantes du cœur. De plus, plusieurs essais chez les animaux ont démontré l'utilité des cellules souches pour réparer les dommages causés au système nerveux, comme les blessures de la moelle épinière, la maladie de Parkinson et la maladie d'Alzheimer. Également, nous pouvons penser à plus long terme que les cellules souches avec l'aide du génie tissulaire pourront former des organes complets qui pourront être transplantés chez l'humain.
Journal UdeS : Tout comme les greffes d'organes, les greffes de cellules embryonnaires poseraient-elles des problèmes de rejet?
N. Gévry : Des cellules souches provenant d'un autre individu (cellules embryonnaires) poseront toujours un certain problème au niveau immunologique en raison des phénomènes d'histocompatibilité qui sont responsables des rejets de greffes. Cependant, les risques de rejet devraient êtres très diminués, se comparant à ceux des cellules provenant du cordon ombilical. Dans le cas où l'on serait capable d'induire des cellules souches à partir des cellules adultes différenciées (voir plus loin), le patient recevrait ses propres cellules et le problème de rejet disparaîtrait complètement.
Journal UdeS : Des découvertes récentes publiées dans Nature et Cell font état de nouvelles méthodes pour reprogrammer des cellules afin, par exemple, de supprimer certains gènes susceptibles de causer un cancer. On évoque que l'induction de cellules pluripotentielles à partir de cellules différenciées pourrait changer complètement la façon de travailler avec les cellules souches. Pourquoi est-ce si important?
N. Gévry : Il y a en fait deux avantages majeurs à ces approches. Premièrement, elles utilisent des cellules adultes et non des cellules provenant d'embryons humains pour la production des cellules souches, donc nous détournons les problèmes du côté éthique. Le deuxième avantage touche, comme mentionné précédemment, la production de cellules pluripotentes provenant du même donneur et receveur et ainsi éliminera les problèmes immunologiques reliés aux greffes. La plupart de ces découvertes impliquent l'introduction dans ces cellules de protéines spécifiques se liant à l'ADN par l'intermédiaire de virus potentiellement nocifs pouvant altérer notre génome et causer la formation de tumeurs. Cependant, deux articles, récemment publiés dans les revues Cell et Nature, montrent une approche intéressante, le piggybac transposition system, qui permet de reprogrammer les cellules, et ce, sans laisser de trace. Cette avenue semble très prometteuse et possiblement sans danger pour nous.