Passionné de biologie aquatique
Comme un poisson dans l'eau!
Disséquer des poissons afin d’y recenser des parasites rebuterait le commun des mortels mais certainement pas Xavier Bordeleau! Cet étudiant de troisième année en biologie à l’Université de Sherbrooke rêve en effet de faire carrière dans le milieu de la faune aquatique depuis son tout jeune âge et c’est pourquoi il était dans son élément cet été, alors qu’il effectuait un stage au Centre Saint-Laurent, un centre de recherche d’Environnement Canada responsable de l’étude et de la surveillance des écosystèmes du fleuve québécois.
Affecté au groupe de recherche de David Marcogliese qui se consacre à l’étude des parasites et de la faune aquatique du fleuve en lien avec l’apparition d’espèces exotiques envahissantes, l’étudiant de 22 ans originaire de Gatineau a évalué l’impact de l’introduction du gobie à taches noires sur les relations hôte-parasites dans le milieu aquatique.
«Le gobie à taches noires est un poisson de fond originaire de l’Eurasie qui a été introduit dans les Grands Lacs à la fin des années 1980 par des navires transocéaniques, mais qui a progressé dans le fleuve autour de 2006, explique Xavier. C’est un poisson qui se répand énormément et qui fait compétition aux espèces qui étaient là avant lui.
«Notre projet de recherche visait donc à évaluer les changements, en termes de diversité et d’abondance, des espèces de parasites présentes dans le gobie et le queue à tache noire – une espèce indigène pour laquelle il existe des données historiques de sa flore parasitaire avant l’arrivée du gobie – en fonction du temps depuis l’introduction du gobie», résume celui dont les travaux ont été supervisés par la biologiste aquatique Andrée Gendron.
L’étudiant de l’Université de Sherbrooke a utilisé les premières semaines de son stage pour capturer des spécimens de gobie et de queue à tache noire sur les rives du fleuve à l’aide d’une senne de rivage. Le reste de son séjour de 13 semaines chez Environnement Canada a été consacré à la dissection et à l’examen externe et interne des poissons (opercules, branchies, yeux, cerveau, rate, cœur, foie, vésicule biliaire, gonades, intestin, estomac, vessie natatoire, vessie urinaire et tissus musculaires).
«Nous avons aussi conservé et identifié les parasites présents, ce qui n’a pas été facile étant donné leur taille et leur diversité, raconte-t-il. Les recherches semblent entre autres indiquer que depuis l’introduction du gobie, la quantité de diplostomum (parasite autrefois très commun dans le fleuve) a beaucoup diminué parce que le parasite n’est probablement pas adapté à ce poisson nouvellement arrivé dans l’écosystème et qu’il ne serait donc pas en mesure de survivre dans cet hôte. Il pourrait donc y avoir d’éventuelles répercussions sur l’ensemble de la communauté de parasites.»
Des requins aux Bahamas
Il s’agissait du quatrième stage rémunéré de Xavier Bordeleau depuis le début de son baccalauréat. Il avait tout d’abord été embauché par la Commission de la capitale nationale pour un mandat d’étudiant biologiste au Parc de la Gatineau où il a fait des suivis environnementaux axés sur les espèces en péril. Par la suite, il a effectué un premier séjour à Environnement Canada mais cette fois à Gatineau comme technicien au rétablissement des espèces en péril chez Environnement Canada. Il est finalement retourné au Parc de la Gatineau lors de son troisième stage afin d’assister la biologiste principale Jocelyne Jacob.
Bien qu’il était satisfait de son parcours faisant l’alternance entre les sessions d’études et de stages, Xavier souhaitait en faire davantage que les autres et surtout vivre une expérience terrain dont il se rappellerait toute sa vie. C’est alors qu’il a été sélectionné pour faire partie d’un groupe de techniciens de recherche bénévoles de l’un des biologistes marins les plus influents de la planète, Samuel H. Gruber, au Bimini Biological Field Station, un centre de recherche spécialisé en biologie, écologie et conservation des requins. Ce centre est affilié à l’Université de Miami.
Durant un mois, l’étudiant sherbrookois a donc pu effectuer des sorties en mer et étudier le requin-citron. Il était accompagné de huit autres techniciens de recherche. Il était évidemment le seul Québécois du groupe, alors que six provenaient des États-Unis, un d’Angleterre et un autre de la Colombie-Britannique.
«J’avais commencé mes démarches près d’un an auparavant en faisant des recherche sur Internet, en faisant des demandes de lettres de références et évidement pour passer à travers le processus de candidature avant de finalement vivre ce rêve et de faire un pas de plus vers une carrière de biologiste marin. Ce fut une expérience inoubliable de vivre sur une petite île, de sortir en mer chaque jour et d’être en contact avec ces animaux très impressionnants», dit-il en résumant son travail là-bas.
«J’ai travaillé principalement sur l’étude de la personnalité des requins-citrons juvéniles et leurs interactions sociales, explique-t-il avec les yeux brillants. Les recherches démontrent que même s’ils font partie de la même espèce, les requins-citrons n’agissent pas tous de la même façon dans une situation donnée. Certains sont plus explorateurs, d’autres sont plus peureux, etc. Il faut donc tenir compte de ces différences individuelles lors de l’élaboration de mesures de gestion, par exemple.»
Poissons migrateurs
Xavier a également eu l’opportunité de travailler à un projet de recherche sur l’utilisation de l’espace des requins-citrons juvéniles, sujet qu’il aimerait bien approfondir à la maîtrise au cours des prochaines années.
«Plusieurs requins ont été équipés d’accéléromètres 3D, ce qui nous permet de savoir quand ils sont au repos, quand ils sont en train de chasser et donc dans quelles zones ils se nourrissent. Le tout, dans une optique de conservation, raconte-t-il.
«En plus du travail quotidien de prise de données dans les enclos temporaires où avaient lieu les expériences comportementales, j’ai eu la chance d’aller en mer pour faire du suivi à plus long terme, poursuit l’étudiant avec un sourire contagieux. Nous avons attrapé des requins adultes (requins citron, tigre, bulldog et à pointes noires) pour ainsi pouvoir prendre des mesures morphologiques et génétiques (échantillon d’ADN) et de leur fixer une étiquette unique afin qu’ils puissent être identifiés lors d’éventuelles captures. Une fois les mesures prises, les requins étaient rapidement relâchés à la mer.»
C’est à l’aide de captures ponctuelles que les biologistes ont pu prouver que les requins sont des poissons qui se déplacent énormément.
«Ils ont déjà intercepté un requin au centre de recherche (pas trop loin de Miami) qui avait été attrapé dans la région de New York, soit à près de 2000 km au nord», indique l’étudiant, qui terminera son baccalauréat cet automne à Sherbrooke.
À la poursuite de son rêve
C’est à l’Université d’Hawaï que Xavier compte poursuivre son chemin vers son rêve. Il entreprend actuellement des démarches en ce sens afin de trouver un directeur prêt à superviser ses recherches sur les requins.
«Mes intérêts portent sur l’utilisation de l’habitat, les patrons de migration, le design et la documentation des bénéfices des aires marines protégées ainsi que sur les interactions proies-prédateurs en lien avec les requins, explique-t-il. Cela peut paraître un peu ambitieux, mais comme c’était le cas pour mon stage aux Bahamas, tout a débuté avec une simple idée et de la volonté.
«À plus long terme, je me vois comme chercheur dans le domaine de la biologie marine et de la zoologie afin de consacrer une partie de ma vie à la protection de l’océan et des espèces y vivant», conclut-il.
*Cet article a été publié dans le magazine «In Vivo» de l'Association des biologistes du Québec.