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Sur la piste des singes hurleurs noirs

Les singes hurleurs noirs évoluent au sommet d'arbres d'une trentaine de mètres de hauteur.
Les singes hurleurs noirs évoluent au sommet d'arbres d'une trentaine de mètres de hauteur.
Photo : fournie

Dans le sud du Mexique, à la lisière du Guatemala, les singes hurleurs noirs habitent des forêts denses. Ces primates raffolent des fruits, particulièrement les figues. Quand ils trouvent un figuier chargé de fruits bien mûrs, les singes peuvent y passer la journée, errant de branche en branche. Seule l’arrivée d’une troupe rivale, parfois d’une autre espèce de singe, peut perturber leur quiétude. Et faute de fruits, les singes se contentent de feuilles pour se nourrir. Ce scénario correspond à la vie idéale. Mais un jour, certains singes hurleurs noirs pourraient voir leurs habitudes alimentaires perturbées, avec l’arrivée de communautés humaines, empiétant de plus en plus dans leur forêt.

En vue de prévenir de tels impacts, Sabrina Plante, étudiante à la maîtrise en biologie avec cheminement en recherche en écologie, essaie de mieux cerner les stratégies de recherche de nourriture des singes hurleurs dans la réserve de la biosphère de Calakmul, dans l’État de Campeche. Elle y a séjourné trois mois l’automne dernier, et s’y est rendue la semaine dernière pour un second voyage de deux mois et demi. Elle mène son projet de mémoire en compagnie de deux étudiants du baccalauréat en écologie de l’UdeS, Vincent Cameron Trudel et Lara Ouellette-Plante, ainsi que d’un étudiant mexicain, Uriel.

Sabrina Plante collige les mouvement des singes associés à leur quête de nourriture.
Sabrina Plante collige les mouvement des singes associés à leur quête de nourriture.
Photo : fournie

«Le travail que l’on fait là-bas consiste à recueillir deux séries de données, l’une correspondant à la saison des pluies en automne et l’autre à la saison sèche, ce printemps. Nous suivons le patron de déplacement des singes et cherchons à le relier à la distribution des ressources dans l’environnement.

L’un des objectifs sera de prédire si des perturbations dans les ressources peuvent influencer leur stratégie de recherche alimentaire», explique l’étudiante. Et cette démarche n’est pas si simple, si l’on considère qu’il faut identifier, parmi les singes, certains individus qui évoluent au sommet d’arbres d’une trentaine de mètres de hauteur.

Observer les mouvements

Munie de jumelles, l’équipe sur le terrain note le comportement des singes, le moment où ils mangent, se déplacent, hurlent ou jouent. «On trouve parmi les singes les individus qui décident, qui mènent leur groupe, poursuit-elle. Les bêtes ne sont pas marquées, mais on arrive à les localiser et à les reconnaître par leur comportement, leur taille ou leur sexe. On leur donne des noms pour les suivre.» Le déplacement des singes est ensuite colligé en localisant les arbres qu’ils ont fréquentés à l’aide de boussoles ou d’un GPS.

Pour observer les singes, les étudiants doivent s'installer au sol et utiliser des jumelles.
Pour observer les singes, les étudiants doivent s'installer au sol et utiliser des jumelles.
Photo : fournie

«On assiste parfois à des confrontations entre singes hurleurs et singes araignées», poursuit l’étudiante, ajoutant que les derniers sont plus «hyperactifs» que les premiers. «Si une troupe de singes hurleurs est installée dans de gros figuiers, les singes araignées peuvent chercher la confrontation et sauter sur les juvéniles ou les bébés, dit-elle. C’est alors que les mères et les mâles s’en mêlent. Entre troupes de singes hurleurs, il n’y a pas de confrontation physique, mais une succession de hurlements très graves. Nous prenons note de tous les moments ou ils ont vocalisé, et aussi des mouvements reliés à la défense de leur territoire.»

Au terme de ce travail, Sabrina Plante compte colliger une série de données statistiques et procéder à la rédaction de son mémoire, sous la direction de la professeure Sophie Calmé, du Département de biologie de la Faculté des sciences. Cette recherche se veut assez originale : peu d’études sur les singes hurleurs ont été faites, et les biologistes se sont davantage intéressés à la diète des animaux qu’à la manière dont ils cherchent leur nourriture.

Protéger les habitudes

Le singe hurleur noir est considéré comme une espèce menacée depuis 2003 par l’Union internationale pour la conservation de la nature, et il en reste peu dans la péninsule du Yucatan. Cependant, les singes de Calakmul vivent dans un environnement assez bien préservé.

«Nous pouvons donc effectuer une recherche pour mieux comprendre les mouvement naturels des singes qui évoluent dans un espace non stressant, dit l’étudiante. Si à l’avenir, ces espèces subissent une perte d’habitat, ou qu’elles sont affectées par les changements climatiques, une telle étude pourrait aider à préparer des plans de conservation prévoyant quel arrangement spatial pourrait contenir tout ce qui est essentiel pour le singe», explique-t-elle.

Actuellement, l’activité humaine tend à se développer sur le pourtour de la réserve naturelle où vivent les singes, et où se trouve un site archéologique maya.

Rien d’une colonie de vacances

Si l’exemple de Sabrina Plante montre bien le type de recherche que peut effectuer un étudiant à la maîtrise en écologie internationale, le voyage ne ressemble en rien à une colonie de vacances. Bien au contraire! Le travail commence dès l’arrivée en terre d’accueil et le confort est spartiate.

«Les conditions de vie ne sont pas faciles, explique Sabrina. Nous logeons dans des habitations qui sont des camps de bois plutôt rudimentaires; il y a des trous dans les murs qui laissent entrer les serpents et les tarentules. L’eau est non potable et la douche offre un filet d’eau. Il fait très chaud, nous sommes agressés par les moustiques, les mites et les tiques. Au début, on a envie de repos et d’une douche chaude. Mais on finit par s’habituer à la chaleur. Et notre quotidien devient une routine», dit-elle.

Ce sombre tableau ne semble toutefois pas ébranler la passion de Sabrina pour l’écologie. Elle songe déjà à poursuivre au doctorat. «Mais je pense mener mes recherches au Québec ou au Canada!» admet-elle.


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