Tournée des facultés – Entrevue avec le doyen Denis LeBel
La Faculté des sciences : un milieu convivial qui sait cultiver l'excellence
On accole souvent aux scientifiques l'image stéréotypée du savant désincarné à l'éternel sarrau et au cheveu hirsute. Pourtant, quand on arpente les couloirs de la Faculté des sciences, on se sent bien loin de ce cliché. Au contraire, les chercheuses et chercheurs de cette faculté – même s'ils comptent parmi les meilleurs de leurs disciplines respectives – affichent souvent une allure décontractée et une attitude conviviale. Plusieurs se distinguent par leur capacité de communiquer et de vulgariser leur science. Cet équilibre entre l'excellence et la convivialité permet sans doute à la Faculté des sciences de bien tirer son épingle du jeu en termes de recrutement d'étudiants, en plus de briller en recherche, souligne le doyen Denis LeBel. Et les projets ne manquent pas pour permettre à la Faculté de continuer de se démarquer.
En début de discussion, difficile de passer sous silence l'onde de choc causée par le décès subit du doyen Donald Thomas, en juin. Ce dernier venait tout juste d'être reconduit pour un second mandat. «Ce fut un événement extrêmement pénible, difficile, et imprévu. Don était très dynamique et très empathique; il a laissé sa marque à la Faculté», dit Denis LeBel. Dans ce contexte émotif, la direction de l'Université a rapidement lancé un appel pour désigner un doyen intérimaire.
«Pour moi, cet événement n'était pas planifié, dit Denis LeBel. Dans le cadre du renouvellement du mandat de Don, je prévoyais poursuivre mes dossiers à titre de vice-doyen à la recherche et aux études supérieures. J'ai été un peu retourné, et après réflexion, j'ai pris la décision d'assumer l'intérim.» La nomination officielle d'un doyen, qui sera choisi par un comité de désignation, doit se faire dans le premier trimestre de 2010. Mais il ne faut pas croire que tout est au point mort d'ici là, ajoute Denis LeBel.
Au sommet en recherche
Pour illustrer le dynamisme qui anime la Faculté des sciences, il faut regarder du côté des embauches de professeurs dans tous les départements, dit le doyen : «Ce qui est remarquable, c'est que nous sommes en mesure d'attirer chez nous des chercheurs de très haut calibre. Par exemple, Peter Moffett, en biologie, arrive de l'Université Cornell. Cet exemple montre que nous sommes en mesure de rivaliser avec les plus grandes institutions pour la qualité de notre environnement de recherche.»
Dans la même veine, le doyen signale que la Faculté a procédé à des embauches stratégiques pour obtenir une chaire d'excellence en recherche du Canada dans le domaine de la physique quantique. Pour ce faire, les professeurs Michel Pioro-Ladrière et David Poulin ont rejoint Alexandre Blais. Un quatrième professeur sera recruté si la chaire est octroyée.
«Le milieu d'accueil que nous offrons aux chercheurs nous permet de nous classer au sommet et de dépasser les exigences du programme des chaires de recherche du Canada, affirme Denis LeBel. Nous sommes en pleine négociation avec des candidats potentiels, et une dizaine de personnes de partout dans le monde se sont montrées intéressées. Cela donne la mesure de la qualité de nos recherches et de la réputation des physiciens de Sherbrooke, établie depuis 30 ans, dans le sillage de sommités comme André-Marie Tremblay et Louis Taillefer.»
En termes d'infrastructures de recherche, deux projets majeurs seront bientôt réalisés. L'un d'eux prévoit l'aménagement d'une salle d'immersion de projection au niveau moléculaire. Cette installation, désignée par l'acronyme CAVE (Computer Assisted Visualization Virtual Environment), a reçu le soutien financier de la Fondation canadienne pour l'innovation. Cette vaste salle sera équipée de projecteurs tridimensionnels et d'équipements de pointe en imagerie.
«Il y a un grand intérêt en sciences de pouvoir visualiser un modèle avec toutes ses composantes pour aller au-delà des chiffres, des phénomènes isolés et des vecteurs, souligne le doyen. Certaines recherches sont limitées du côté de l'abstraction. Lorsqu'il est possible de construire ou de visualiser un modèle, et ensuite de le confronter avec les données, cela nous permet d'avancer. Un tel équipement devient extrêmement important pour faire progresser la recherche.»
Un second chantier commandera des investissements de 10 millions de dollars pour agrandir une aile de la Faculté, et y loger deux laboratoires, l'un en physique, l'autre en environnement. «Ce projet a reçu une subvention provinciale, dans le cadre du programme d'infrastructures du savoir, et une autre de la FCI, précise Denis LeBel. Ces deux projets combinés permettront des économies d'échelle intéressantes.»
Ce laboratoire permettra notamment d'abriter les activités d'une nouvelle Chaire de recherche du Canada en chimie environnementale. «Ce projet, initié par Don Thomas, propose une nouvelle orientation qui se reflète dans le programme de baccalauréat, lequel offre un cheminement en chimie environnementale, explique le doyen. Cela montre notre volonté d'arrimer la recherche, l'enseignement et nos ressources professorales.»
Des programmes bonifiés
En ce qui a trait aux programmes de formation, la Faculté des sciences maintient de bonnes statistiques de fréquentation, en dépit d'un certain ralentissement constaté dans les curriculums scientifiques ailleurs au Québec et même dans le monde. En plus de miser sur l'excellence des programmes, des initiatives s'amorcent pour donner une couleur internationale à la formation.
Par exemple, un partenariat a été formalisé avec le Collège Ecosur, situé à la frontière sud du Mexique. En plus de favoriser des échanges, cette entente prévoit la bidiplomation des étudiantes et étudiants de la maîtrise en écologie internationale. «Nos étudiants ont la chance de pouvoir évoluer dans une région qui présente une diversité écologique très différente de la nôtre, qui combine la montagne, la mer, la forêt tropicale et les milieux humides», précise le doyen.
Au premier cycle, des ententes bilatérales sont également en place, notamment avec l'Institut universitaire technologique de Poitiers, en chimie : les étudiants ont la possibilité de faire une année d'études dans l'autre pays. Pour l'UdeS, un tel programme permet également d'intéresser des étudiants français à poursuivre des études supérieures chez nous.
Plus globalement, au chapitre de la formation, plusieurs projets sont dans les cartons, dont la création de deux nouveaux microprogrammes, l'un en écologie pratique, l'autre en communication scientifique. La Faculté souhaite bonifier l'offre de stages dans l'ensemble de ses programmes. Enfin, il y a une volonté ferme d'offrir un meilleur soutien pour favoriser la rétention des étudiants internationaux, tant au 1er cycle qu'aux cycles supérieurs, où ils constituent une forte proportion des effectifs.
Par ailleurs, déjà bien implantée au Campus de Longueuil grâce au Centre de formation en technologies de l'information, la Faculté y déploiera l'automne prochain le diplôme de développement en jeux vidéo, à la suite de la fermeture du Campus Ubisoft à Montréal. L'UdeS compte toutefois maintenir ses liens avec cette entreprise. La Faculté des sciences envisage bonifier cette formation en y incluant des notions artistiques et scénaristiques, qui s'ajouteraient à l'aspect technologique.
La valeur de la curiosité
Le doyen LeBel croit que les étudiantes et étudiants qui fréquentent la Faculté des sciences profitent d'une expérience unique pour assouvir leur curiosité. «Nos profs sont des modèles et des mentors, et cela va bien au delà de leurs compétences scientifiques. Ils sont des modèles à tous les points de vue, au quotidien. En côtoyant un chercheur qui travaille sur son ordinateur au casse-croûte le midi, ou dans des discussions moins formelles dans les sentiers du mont Bellevue, nos étudiants ont un rapport privilégié avec leurs profs. Il est évident que Sherbrooke offre un milieu plus convivial et sans doute moins formel qui renforce l'intérêt envers notre faculté», dit-il.
Pour lui, ce milieu contribue à déboulonner certains stéréotypes associés aux scientifiques. Le doyen estime qu'à une époque où l'innovation est davantage valorisée que la recherche fondamentale, il ne faut pas négliger la valeur essentielle de la curiosité pure, celle qui est à la base des grandes découvertes : «Seule la recherche fondamentale permet cela, et nous nous efforçons d'offrir un milieu stimulant pour permettre à nos chercheurs et à nos étudiants d'aller au bout de leurs ambitions.»