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Conçu et développé par Miguel Blanco, étudiant à la maîtrise en géomatique

Un logiciel qui peut sauver des vies

Professeure Christine Hudon, doyenne de la Faculté des lettres et sciences humaines, Miguel Alphonso Blanco et professeure Lynda Bellalite, directrice du département de géomatique appliquée.Photo : Université de Sherbrooke (Cérémonie de remise des bourses de la FLSH - 26 mars 2015)
Professeure Christine Hudon, doyenne de la Faculté des lettres et sciences humaines, Miguel Alphonso Blanco et professeure Lynda Bellalite, directrice du département de géomatique appliquée.

Photo : Université de Sherbrooke (Cérémonie de remise des bourses de la FLSH - 26 mars 2015)

L'alerte est donnée : on signale une personne disparue depuis deux heures, cinq heures ou depuis une journée : où peut-elle être? Par où a-t-elle pu aller? Dans quelles directions orienter les recherches? C'est peut-être une question d'heures, voire de minutes pour retrouver cette personne vivante!

Miguel Blanco, étudiant à la maîtrise au Département de géomatique appliquée, a conçu et développé un outil original pour assister les secours. Cet outil permet d'estimer la distance de marche probable parcourue par une personne disparue autour du point de disparition présumé, en fonction d’un ensemble de critères. Parmi ceux-ci, les variables liées à la personne : sexe, âge, poids, taille, puis à son état de santé physique présumé (actif, sédentaire…) et à son état de santé mentale (démence, Alzheimer...) conditionnent sa vitesse. Une personne âgée, en surpoids, ira moins vite qu'un jeune, qui ira plus vite qu'un enfant!

Dix-neuf classes ont été retenues à partir d'une base de données analysées de plusieurs milliers de combinaisons (sujets) possibles décrites dans la littérature. Ces critères d'analyse sont ensuite modulés en fonction du terrain comme la pente et le type de couverture du sol : forêt, agriculture, marécages, chemins… L'influence de la saison et de la météo est évidemment très importante : on va moins loin en hiver qu'en été! Tous ces paramètres sont finalement modélisés et intégrés point par point dans un système d'analyse à référence spatiale, sur fond de cartes topographiques et hydrographiques. Les plans générés montrent ainsi les limites des zones « parcourables » en une, deux, trois heures… ou un jour, dans toutes les directions, autour du point de départ présumé au moment de la disparition. À titre d'exemple, le modèle développé prévoit qu'un jeune de 25 ans, de poids normal, ayant une activité physique modérée et considéré sous l'emprise de drogues, pourra parcourir une distance maximale de 4 km en une heure en terrain boisé, par beau temps. On appelle « isochrone » le contour formé par l'ensemble des points (donc la distance) que cette personne mettra à parcourir durant chaque tranche de temps donné (une heure dans ce cas), avec les conditions météorologiques considérées.

Ce précieux outil guide alors les recherches en délimitant les zones les plus probables où retrouver le disparu, en considérant le temps écoulé depuis le dernier moment où il a été vu. Cet outil fait gagner aux secouristes un temps très précieux pour optimiser et guider les recherches, voire sauver la vie du disparu. Il peut permettre aussi la mise en place de points de surveillance optimaux.

Miguel explique qu'il a testé son logiciel sur plusieurs cas de personnes disparues et retrouvées, malheureusement pour certaines déjà mortes, que la Sûreté du Québec (SQ) avait précisément décrits : « Comme cet homme de 77 ans, sédentaire de la municipalité X, et retrouvé à une heure trente de marche du point de départ : mon modèle, en un seul clic,  l'a effectivement retrouvé entre l'isochrone 1-2 heures! ». « Le plus difficile est de prendre en compte les facteurs psychologiques. J'ai, par exemple, testé le logiciel avec plusieurs cas de personnes dépressives ou suicidaires qui, en général, marchent très peu. C'est typiquement le cas répertorié de cet homme de 35 ans, en surpoids, suicidaire et perdu en pleine tempête hivernale. Il a été retrouvé à seulement 400 mètres de son chalet, trois jours après sa disparition. Pour ce cas, le modèle a défini les zones de recherche à l'intérieur d'une demi-heure de ce point. Malheureusement, le nombre de cas bien répertoriés est faible, et la version actuelle du prototype aurait encore besoin d'être affinée », précise Miguel.

Au Canada, on dénombre près de 10 000 personnes disparues annuellement. La SQ s'est dite très intéressée par les travaux inédits de Miguel Blanco, qui a eu l'idée de faire ce travail dans le cadre d'une maîtrise sous la direction du Professeur Goze B. Bénié, en revenant à l'Université suite à un emploi à la SQ après son baccalauréat.

L'exemple de carte ci-contre montre les isochrones (équidistants d'une heure) pour un chasseur disparu, autour du point présumé de la disparition (point rouge). Ce chasseur a été retrouvé au point jaune à une heure trente minutes de marche de là, correspondant bien à la zone des 95 % de probabilité de s'y retrouver. La zone en bleu (à gauche) correspond à une zone au-delà d'une grande rivière considérée comme infranchissable à pied. Les cercles noirs correspondent aux quartiles de probabilité de présence de la personne disparue. Dans ce cas, le modèle prédictif se serait donc avéré assez précis et aurait permis de localiser cette personne beaucoup plus rapidement.