Bio-informatique et génomique fonctionnelle
Passion et collaboration en recherche pour explorer les terres vierges du génome humain
Quand l’expert en génomique fonctionnelle Xavier Roucou a découvert l’existence des protéines alternatives en 2013, tout un monde s’ouvrait à la science. Et si ces molécules fantômes aux mille secrets pouvaient expliquer certaines maladies génétiques? Cette avancée a piqué la curiosité de plusieurs scientifiques, dont celle de Marie Brunet, experte en bio-informatique au Département de pédiatrie. Ensemble, ils contribuent à l’essor international de ce domaine en émergence.
Si ça ne sert pas, il est bien normal de ne pas s’en préoccuper. Or il y a près de 10 ans, le professeur-chercheur Xavier Roucou et son équipe ont fait exactement le contraire en se penchant sur les protéines alternatives, des molécules jugées jusque-là inutiles. L’avancée était à ce point remarquable que le lectorat du magazine Québec Science l’avait proclamée Découverte de l’année 2013.
Les protéines régissent l’intégralité des processus vitaux. En découvrir de nouvelles, c’est repousser les limites de nos connaissances du corps humain.
Grâce à ses travaux réalisés à la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l’UdeS, le professeur Roucou, qui est considéré comme une sommité dans le domaine, révélait que nos gènes sont multicodants. « Cela signifiait qu'on avait sous-estimé le potentiel du génome en ce qui touche l’information génétique qu’il peut nous fournir », explique le chercheur.
Malgré tout ce qu’on connaît du génome humain, deux maladies héréditaires sur cinq demeurent inexplicables. Les protéines alternatives sont susceptibles de nous apporter des réponses. Éventuellement, elles peuvent mener au développement de nouvelles cibles thérapeutiques.
Pour percer le mystère entourant ces protéines, le professeur Roucou avait besoin d’une équipe composée d’expertises variées. « J’ai donc entrepris de recruter des personnes à l’international. C'est un projet vraiment multidisciplinaire qui implique la biochimie, la biologie cellulaire, la génétique et l’informatique avec un volet axé sur l’intelligence artificielle. »
C’est à ce moment que Marie Brunet s’est jointe au laboratoire du professeur Roucou, à titre de stagiaire postdoctorale. C’était le début d’une grande odyssée scientifique pour le duo dont l’expertise est désormais sollicitée à l’international.
Comme deux archéologues du corps humain
En 2019, le laboratoire du professeur Roucou lançait OpenProt, une plateforme informatique de type « code source ouvert » (Open source). « Nous voulions nous doter d’un outil pour étudier les protéines alternatives, explique le chercheur. OpenProt nous a aidés à faire connaître le laboratoire. Cet outil rend nos données disponibles à la communauté scientifique. C’est la seule ressource du genre en Amérique du Nord. »
Aujourd’hui, OpenProt est codirigé par le laboratoire de la professeure-chercheuse Marie Brunet, lequel relève du Service de génétique médicale au Département de pédiatrie. « J’ai créé mon propre laboratoire il y a environ un an. J’utilise l'intelligence artificielle pour mieux comprendre notre génome », résume-t-elle en dévoilant par la bande la richesse de son parcours, qui comprend une thèse en pharmacologie, un postdoctorat en biochimie et des études… vétérinaires!
« Enfant, je rêvais d’être égyptologue, révèle la chercheuse. En travaillant sur les protéines alternatives, j’ai l’impression d’être dans le sable et de trouver la première pierre dont on ne voit que la pointe. Est-ce que c'est une tombe? Une pyramide? Un temple? », illustre la chercheuse pour témoigner de son enthousiasme à l’égard de ce sujet de recherche.
« Mon laboratoire s’intéresse aux pseudogènes, un élément particulier du génome, poursuit la chercheuse. Un pseudogène, c’est une copie d'un gène, mais qui est défini comme étant non fonctionnel. À l’aide d’OpenProt, notamment, nous prédisons l’existence des protéines dans les pseudogènes, puis nous accumulons des évidences expérimentales qui soutiennent l'existence de ces protéines. »
Quand on est devant une nouvelle protéine, qu’on est la première personne à la voir de nos yeux dans une cellule, on se dit "Wow, c'est une découverte!". On ne s’en lasse pas.
Xavier Roucou, Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS)
Cet engouement pour la recherche fondamentale entourant les protéines alternatives s'est propagé au sein la communauté scientifique à l’international, laquelle a récemment fait appel à l’expertise du professeur Roucou et de la professeure Brunet pour la mise sur pied d’un projet structurant.
Expertise unique convoitée à l’international
À l’initiative de GENCODE, un consortium international reconnu comme un leader dans le domaine de l’annotation du génome humain, un réseau de chercheuses et de chercheurs a été créé en 2021 pour faire avancer les connaissances sur les protéines alternatives.
Rapidement, les deux scientifiques de l’UdeS ont été sollicités pour leur expertise unique et, en particulier, leur plateforme OpenProt : « C'est un domaine qui est jeune, tout le monde n'est pas d'accord sur la façon d’analyser les protéines alternatives, sur la rigueur scientifique qu'il faut avoir, fait remarquer la professeure Brunet. Nous avons été approchés par ce réseau, qui est tout récent, pour réfléchir aux méthodes d'analyse de ces données brutes et ce qu'on en tirera après comme conclusion biologique. »
L’UdeS est la seule université canadienne à faire partie du réseau chapeauté par GENCODE, qui comprend une douzaine d’institutions américaines et européennes.
Les premiers travaux consistaient à établir un plan d’action pour structurer le travail du réseau et l'intégration des séquences codantes alternatives dans les annotations du génome. Cette étape initiale a mené à une première publication scientifique en juillet 2022 dans Nature Biotechnology. L’article regroupe 7 études et près de 30 autrices et auteurs. « L’idée, c’est de réfléchir ensemble pour l’émergence de ce jeune domaine, au lieu d’être en compétition », précise la chercheuse.
Éventuellement, les données accumulées seront répertoriées dans une sorte de catalogue du génome humain. Le cœur du projet repose ainsi sur la création de bases de données génomiques. « Il y a quand même encore pas mal de scepticisme par rapport à ces protéines, fait remarquer le professeur Roucou. C’est pour cette raison qu’il faut être le plus rigoureux possible. »
Dans un contexte où la médecine personnalisée gagne du terrain, cette plongée en profondeur dans le génome est plus qu’essentielle, comme le rappelle Marie Brunet :
La science parle d’éditer le génome, alors que nos travaux démontrent qu'on ne le connaît pas encore entièrement. Selon moi, le travail qu'on fait est absolument nécessaire si, un jour, on veut vraiment aboutir à une médecine de précision qui est sans risque ou à risque calculé pour le patient.
Marie Brunet, Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS)
Détecter de nouvelles protéines dans les cellules humaines et en découvrir les fonctions est ainsi un travail nécessaire, que le professeur-chercheur Xavier Roucou et de la professeure-chercheuse Marie Brunet comptent poursuivre tant que le génome humain n’aura pas dévoilé tous ses secrets.
À propos de Xavier Roucou
- Directeur du Département de biochimie et de génomique fonctionnelle à la FMSS
- Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en protéomique fonctionnelle et découverte de nouvelles protéines
- Chercheur au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS) pour l’axe Cancer : biologie, pronostic et diagnostic
- Membre de l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke (IPS) et de l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS)
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À propos de Marie Brunet
- Professeure au Service de génétique médicale du Département de pédiatrie à la FMSS
- Chercheuse au Centre de recherche du CHUS (CRCHUS) pour l’axe Cancer : biologie, pronostic et diagnostic
- Membre de l’Institut de recherche sur le cancer de l’Université de Sherbrooke (IRCUS)
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