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Une bonne relation enseignante-élève : un tremplin pour la réussite scolaire

Michèle Venet
Michèle Venet
Photo : Michel Caron

À la rentrée, plusieurs écoliers du primaire vivent une certaine appréhension à l'idée de rencontrer leur nouvelle enseignante. Ce stress n'est pas anodin. Des études montrent que la qualité de la relation entre l'écolier et la première personne qui lui enseigne peut avoir des incidences tout au long du primaire. La professeure Michèle Venet, de la Faculté d'éducation, mène des recherches sur la qualité de la relation élève-enseignante.

Intérêt récent

La recherche sur la relation élève-enseignante est un phénomène relativement récent : «Pendant longtemps, on a eu tendance à former les professeurs en fonction des matières à enseigner, explique Michèle Venet. La formation des maîtres était centrée sur le contenu, mais la manière de le transmettre et la conscience de la personne qui reçoit ce contenu étaient négligées. Aujourd'hui, on s'intéresse davantage à l'importance d'amener l'enseignante à créer de bonnes relations avec ses élèves.»

Avant d'aborder le cœur du sujet, la chercheuse tient à ce que ses observations soient considérées avec une certaine prudence. «Le métier d'enseignant est un métier extrêmement complexe. Quand on parle de la relation enseignante-élève, on peut essayer de décrire une situation idéale, mais on peut difficilement blâmer les enseignantes qui oeuvrent souvent dans des conditions difficiles», dit-elle.

Bénéfices

Plusieurs recherches récentes ont montré les bénéfices d'une saine relation entre l'élève et son maître. «Selon la littérature, une relation positive a des effets d'ordre socioaffectif chez l'élève, qui présente de meilleures aptitudes sociales, explique la spécialiste du Département d'adaptation scolaire et sociale. L'élève est davantage "prosocial" – il va davantage vers les autres – et il est mieux accueilli par ses pairs. Des études ont également illustré que si l'élève entretient une relation positive avec son enseignante de maternelle, il aura plus de chance d'avoir de meilleurs résultats scolaires jusqu'à la fin du primaire.»

Pour illustrer l'importance de la relation élève-enseignante, plusieurs auteurs font le lien avec la théorie de l'attachement parents-enfants, selon laquelle l'enfant naît équipé d'un système d'attachement destiné à assurer sa sécurité émotive. La mère sensible aux besoins de son enfant va favoriser l'établissement d'une relation sécurisante pour l'enfant, ce qui encouragera celui-ci à explorer son environnement. «Par analogie, on considère qu'une enseignante qui entretient une relation "sécurisante" avec ses élèves va favoriser chez l'élève la capacité d'explorer son environnement scolaire et le monde de la connaissance, dit la professeure. L'idée n'est pas de donner aux enseignantes le rôle de mère. Cependant, on estime que l'élève qui développe une représentation mentale de ce qu'est une saine relation avec l'enseignante devient mieux outillé pour entrer en relation avec autrui. Cela peut l'influencer dans ses comportements avec ses pairs ainsi qu'avec les autres enseignants qu'il aura à côtoyer, plus tard.»

Garçons et filles

Si les bénéfices d'une saine relation maître-élève sont appuyés empiriquement, on constate à l'inverse qu'une relation conflictuelle est souvent associée à des résultats scolaires moins bons, à une baisse d'intérêt chez l'élève et à un sentiment de compétence compromis. À cet égard, il est à noter que les enseignantes ont souvent plus de relations négatives avec les garçons qu'avec les filles. Comme ce sont plus souvent des femmes qui enseignent au primaire, on soupçonne que les enseignantes ont plus d'affinités avec le comportement des filles.

«Elles sont plus enclines à donner plus d'encouragements positifs aux filles qu'aux garçons, souligne Michèle Venet. Par contre, quand elles sont confrontées à des enfants opposants, agressifs, hyperactifs – les garçons sont plus extériorisés et plus physiques – les enseignantes sont souvent démunies et se retrouvent parfois dans des situations qui favorisent des conflits.»

Pour la professeure, cela met en relief la nécessité de mieux soutenir les enseignantes. Cela soulève aussi des questions sur la nécessité d'intéresser davantage les hommes au métier d'enseignant. Quant à l'organisation scolaire, le nombre d'élèves par classe fait aussi partie de l'équation.

«Les études montrent qu'au début du primaire – jusqu'à la 4e année – il serait préférable de limiter le nombre d'élèves de 15 à 20 par classe, souligne la chercheuse. De trop gros groupes nuisent à l'établissement d'un lien solide avec l'enseignante, et ils offrent plus d'occasions d'incidents.»

Conditions de travail

La possibilité pour les enseignantes de créer de bonnes relations avec leurs élèves tient beaucoup à leurs conditions de travail. Pour l'enseignante, il n'y a pas de stratégie ou de recette pour créer de bons liens avec l'élève. Cela tient plutôt à une façon d'être et sur la façon dont l'enseignante perçoit son métier.

«L'enseignante doit se voir comme une personne en relation avec de petits êtres humains, explique Michèle Venet. Dans une situation idéale, l'enseignante ou l'enseignant doit faire preuve d'enthousiasme, de chaleur, de joie et d'humour pour créer un climat positif. Il faut aussi structurer les activités en classe en suivant un cadre assez clair, puisque les enfants sont très vulnérables à la désorganisation, et en favorisant l'engagement des élèves dans les tâches scolaires.»

Pour Michèle Venet, il ne faut pas envisager la relation élève-enseignante comme une relation d'amitié, mais plutôt comme un élément clé de la réussite des élèves.

«Au fond, ce que souhaitent les jeunes, c'est d'apprendre. Une étudiante finissante m'a laissé lire des mots que ses élèves lui avaient écrits en fin d'année; rarement les élèves l'ont remerciée d'avoir été «fine»; par contre, nombreux sont ceux qui lui ont dit : "Merci, avec toi j'ai beaucoup appris!"»