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Concours de vulgarisation scientifique 2015 | finaliste

Sexe : quand la douleur s’en mêle!

L’algomètre est un appareil qui a été développé pour répondre au besoin urgent d’avoir une évaluation rapide et précise de la sensibilité vulvaire.
L’algomètre est un appareil qui a été développé pour répondre au besoin urgent d’avoir une évaluation rapide et précise de la sensibilité vulvaire.
Photo : Fournie

« J’ai eu des douleurs dès les premières fois, mais on se dit que c’est normal, raconte Amélie, étudiante âgée de 25 ans. Pourtant, les autres fois étaient aussi douloureuses que la première. »

Même si une femme sur cinq en souffre, la douleur lors des relations sexuelles (aussi appelée dyspareunie) demeure un sujet tabou et méconnu. Les femmes sont démunies pour consulter puisqu’elles ignorent à qui s’adresser. Celles qui osent en parler voient en moyenne quatre professionnels de la santé avant d’obtenir des réponses.

Dyspareunie

J’évitais toute forme de rapprochement, même jusqu’à éviter d’embrasser mon partenaire, rapporte Amélie.

La dyspareunie a un grand impact sur la vie sexuelle et conjugale, la santé psychologique et la qualité de vie. Elle rend les relations sexuelles pénibles, voire impossibles.

Chez les femmes de moins de 45 ans, la forme de dyspareunie la plus commune est la vestibulodynie provoquée. Les femmes ressentent une brûlure, une coupure dès qu’une pression est appliquée à l’entrée du vagin, soit le vestibule. La douleur apparaît dès la première relation sexuelle ou un peu plus tard. Elle peut également survenir lors de l’insertion d’un tampon, du port de vêtements serrés ou d’activités sportives comme le vélo, etc.. Les principales causes de la vestibulodynie provoquée sont : vaginites, infections urinaires à répétition, pilule contraceptive, sensibilité des nerfs et tension au niveau des muscles du plancher pelvien.

Diagnostic de la vestibulodynie provoquée

Le diagnostic est émis lorsque toutes les conditions pouvant expliquer la douleur sont éliminées (les vaginites). Actuellement, les gynécologues utilisent le test du coton-tige (Q-tips) pour établir le diagnostic. Ce test tente de reproduire la douleur en appliquant une pression avec un Q-tips à l’entrée du vagin. Par contre, il n’est pas optimal pour évaluer la sensibilité vulvaire, car la pression appliquée n’est pas mesurée. Pour ce faire, une équipe du Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CRCHUS) a créé un appareil appelé l’algomètre.

Algomètre

Le Laboratoire de recherche en urogynécologie qui est dirigé par la Pre Mélanie Morin, Ph. D., physiothérapeute, professeure-chercheuse à l’École de réadaptation de la FMSS et au CRCHUS, a développé l’algomètre pour répondre au besoin urgent d’avoir une évaluation rapide et précise de la sensibilité vulvaire. C’est un appareil relié à un ordinateur qui permet de mesurer la douleur et la pression appliquée en même temps. Grâce à l’algomètre, il est maintenant possible d’évaluer la douleur des patientes souffrant de douleur lors des relations sexuelles.

L’algomètre comble un manque dans la recherche et la pratique clinique. Cette technologie révolutionnaire ouvre la porte pour établir un niveau de sensibilité vulvaire pour le diagnostic. Elle permettra de mieux comprendre la vestibulodynie provoquée et évaluer l’efficacité des traitements pour réduire la douleur. L’algomètre a reçu une distinction de l’Association canadienne de la physiothérapie en 2015. Des démarches sont entamées pour le commercialiser.

Traitements

À ce jour, divers traitements non invasifs sont disponibles pour soulager la douleur, mais leur efficacité n’est pas clairement établie. Des petits changements au niveau de l’hygiène et des habitudes de vie peuvent réduire la douleur. Notamment, porter des sous-vêtements blancs 100% coton, limiter les activités qui créent beaucoup de friction sur la région vulvaire, éviter les produits hygiéniques parfumés et la douche vaginale, etc.. Des médicaments et crèmes qui ciblent la douleur peuvent également être tentés. La chirurgie (traitement invasif) consistant à retirer le vestibule n’est considérée qu’en dernier recours.

Le Laboratoire de recherche en urogynécologie réuni des experts en douleur et en maladies du système urinaire et génital. Une étude de grande envergure impliquant plus de 212 femmes de Sherbrooke et de Montréal a pris fin il y a quelques semaines. L’étude évalue l’efficacité de la physiothérapie du plancher pelvien et l’application d’une crème antidouleur. Les résultats auront un effet tremplin sur la prise en charge des femmes atteintes de vestibulodynie provoquée. Un projet en cours explore le potentiel d’une technique non invasive de neurostimulation pour diminuer la douleur.

Le laboratoire poursuit ses recherches pour identifier et évaluer de nouveaux traitements prometteurs pour aider les femmes comme Amélie.