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Halloween

De la fête des Morts à la Reine des neiges

Professeur Patrick Snyder
Professeur Patrick Snyder
Photo : UdeS - Michel Caron

Ah l’Halloween! Cette fête populaire jadis effrayante est maintenant le terrain de jeu de milliers de petites reines des neiges et de Spider-man. Avons-nous dénaturé cette célébration au profit de la société de consommation?

C’est bien connu, l’Halloween était autrefois une soirée où, le croyait-on, la frontière entre notre monde et celui de l’au-delà disparaissait, permettant aux trépassés de revenir nous hanter l’instant d’une nuit. Un moment d’angoisse pour les vivants qui arboraient alors des costumes effrayants dans l’espoir d’éloigner ces esprits.

«Les costumes de l’époque reflétaient l’esprit de la célébration et l’état des croyances», explique le professeur Patrick Snyder du Département d’histoire et du Centre d’études du religieux contemporain de l’UdeS.

Au fil des ans, avec l’évolution de la science, de la médecine et de la rationalité, ces croyances se sont dissipées peu à peu. Nous avons compris qu’elles n’étaient que des constructions, des représentations de concepts que nous pouvions modeler et modifier. Nécessairement, la fête d’Halloween a évolué avec les mœurs.

«Maintenant, l’Halloween est un condensé de ce qui a été à la mode dans la dernière année, de ce que les grands studios de cinéma états-uniens et la littérature jeunesse nous ont proposé. Ceci explique pourquoi les super-héros et les personnages de Disney sont légion dans nos rues le soir du 31 octobre», affirme le Pr Snyder.

Où sont passés les classiques?

Malgré cette panoplie de costumes inspirés de la culture populaire actuelle, les sorcières, vampires, morts-vivants et autres classiques de l’horreur ne sont pas disparus pour autant.

Difficile de savoir précisément pourquoi on s’y intéresse encore, mais il n’en demeure pas moins que ces histoires sont constamment réinterprétées à travers le cinéma, la littérature, les jeux vidéo, etc.

«Certains pourraient être critiques face à ce phénomène, mais en même temps, c’est ce qui garde ces anciens contes et anciennes légendes bien vivants dans l’esprit populaire, précise le Pr Snyder. Nous pouvons être d’accord ou pas avec l’interprétation que l’on en fait, mais cela permet de les mettre en circulation de génération en génération. Sinon, je ne suis pas certain qu’ils feraient encore partie de l’Halloween.»

Pourquoi cette volonté de tout réinterpréter? Si la logique marchande y est certainement pour quelque chose, il faut aussi dire que la remythologisation est un processus social tout à fait normal. Par exemple, le Pr Snyder souligne que les histoires de sorcières prennent leur origine chez la déesse grecque Hécate, vénérée dans l’Antiquité. Nous faisons donc partie d’un mouvement de réinterprétation, de reculturisation perpétuel.

La sorcière : exemple des mythes en constante évolution

Il est fascinant de constater l’évolution de ces mythes à travers les âges. Par exemple, la sorcière classique la vieille dame avec chapeau pointu et balai – est une relecture plutôt contemporaine des traités de démonologie. Les analyses de la Chasse aux sorcières du début du XXe siècle représentaient celles-ci comme de vieilles femmes hideuses qui s’étaient données au diable et qui avaient été condamnées pour sorcellerie. Mais, nous découvrons depuis quelques décennies que ce ne sont pas les vieilles femmes, assez rares au Moyen Âge, mais plutôt les jeunes beautés qui étaient considérées diaboliques. Et, depuis 20 ou 30 ans, il y a un autre regard qui émerge, proposant une image «positive» de la sorcière. La jeune Hermione Granger de la célèbre série Harry Potter est probablement l’exemple le plus connu.

Même chose pour le diable qui, avec l’évolution des connaissances, a vu sa représentation modifiée. «Jusqu’au début du 20e siècle, les gens avaient une peur bleue du diable. Un être qui pouvait être monstrueux, s’approprier notre âme et même détruire le monde, affirme le Pr Snyder. Cela fait encore partie du cinéma et de la littérature, mais il n’est plus rare de le présenter comme quelqu’un qu’on peut ridiculiser, contrôler même, en qui on ne croit plus vraiment. On est loin des images du diable du Moyen Âge et de la Renaissance.»

S’il est vrai que la fête d’Halloween a été récupérée par la société de consommation, elle demeure malgré tout un magnifique exemple de mixité des mythologies anciennes et contemporaines. Avec une société de plus en plus multiculturelle, il sera intéressant de suivre l’évolution de cette fête au cours des prochaines décennies. Sera-t-elle transformée par les contes et les légendes de nos concitoyens provenant d’autres horizons culturels? Peut-être. Mais pour l’instant, l’Halloween demeure une célébration imagée de nos peurs, de nos rêves et de nos aspirations, quels qu’ils soient.

En 2011, les Québécois ont dépensé 135 M$ pour l’Halloween selon le Conseil québécois du commerce de détail. Du côté des États-Unis, les chiffres publiés par la National Retail Association font état de 8G $ de dépenses en 2012 seulement.