Une nouvelle Chaire de recherche du Canada de niveau 1 à la Faculté d'éducation
La Pre Nadine Lanctôt pilotera une recherche majeure au bénéfice des adolescentes et des jeunes femmes en difficulté
Les parcours de vie de certaines adolescentes sont remplis de difficultés qui peuvent compromettre leur sécurité et leur bien-être au moment du passage à la vie adulte. Comment des adolescentes qui ont vécu de la maltraitance, qui manifestent des troubles de comportement, qui sont placées dans des centres de réadaptation pour jeunes en difficulté et qui doivent se débrouiller seules rendues à leurs 18 ans s'adapteront-elles à la vie adulte? Les services rendus, par exemple, dans les centres jeunesse, tiennent-ils suffisamment compte de leurs besoins particuliers? Qu'en est-il des services offerts à ces adolescentes une fois qu'elles deviennent de jeunes adultes, et souvent, de jeunes mères ? Donnent-ils des résultats probants ? Et surtout : pouvons-nous faire mieux ?
La nouvelle Chaire de recherche du Canada sur le placement et la réadaptation des filles en difficulté confiée à la titulaire Nadine Lanctôt, de la Faculté d'éducation, permettra à cette chercheure de premier plan de poursuivre et d'approfondir des projets d'envergure entrepris dès 2005 dans le cadre de la Chaire de recherche du Canada (niveau 2) sur la délinquance des adolescents et des adolescentes, dont elle était également titulaire. Cette première chaire, qui s'est conclue en 2017, a permis d'examiner avec des nuances sans précédent les effets de programmes de réadaptation sur les adolescentes, en portant un intérêt particulier à leurs besoins plus spécifiques.
L'importance de mieux comprendre les filles en difficulté
Alors que la Chaire précédente de la Pre Lanctôt visait à établir à quel point il était nécessaire d'adapter les programmes et les services aux caractéristiques des filles en difficulté, en comparaison aux garçons en difficulté, sa nouvelle Chaire de recherche se centrera spécifiquement sur les filles en difficulté. « La pertinence d'examiner les différences entre les deux genres ne faisait aucun doute, car la majorité des données empiriques ayant servi à concevoir les pratiques de réadaptation aujourd'hui en place reposaient principalement sur des échantillons strictement masculins, explique la titulaire. Mais nous disposons maintenant d'une abondance de données qui montrent sans conteste la nécessité de concevoir des programmes de réadaptation sensibles aux caractéristiques des filles en difficulté. Il importe maintenant d’aller au-delà des comparaisons entre les filles et les garçons, au profit d’une compréhension plus approfondie, articulée et nuancée des différents profils, parcours et besoins de la clientèle féminine recevant des services de réadaptation », explique la titulaire.
Centrés sur les adolescentes et les jeunes femmes en difficulté et fondés sur une série d'études reproduites à l'échelle internationale, les travaux de la nouvelle chaire favoriseront la conception de pratiques de réadaptation prometteuses afin d'optimiser l'adaptation de cette clientèle hautement vulnérable à la vie adulte. Les travaux de la Pre Lanctôt intégreront à la fois les perspectives d'adolescentes et de jeunes femmes et celle de praticiennes et praticiens œuvrant à leur mieux-être.
Trois thèmes de recherche
Les travaux de la nouvelle chaire seront articulés selon trois thèmes complémentaires qui décriront les différents profils psychosociaux des adolescentes en situation de vulnérabilité, leurs besoins spécifiques ainsi que les effets des programmes et des services sur leur adaptation à la vie adulte et sur leur bien-être.
Thème 1 : Profils et parcours psychosociaux
De nombreuses études ont permis de comparer les facteurs de risque, les trajectoires et les difficultés associées aux problèmes de comportement chez les garçons et les filles. Or, bien qu'indispensables, ces études traitent généralement le groupe de filles comme un tout homogène, occultant ainsi toute l’hétérogénéité qui prend place dans les profils et dans les parcours des filles en difficulté. Les travaux les plus récents commencent à tenir compte de ces limites, qui seront au cœur des démarches de la Chaire. « Il est important de mieux comprendre comment les différents profils et parcours des filles peuvent expliquer la variation dans la réponse aux interventions et comment cette hétérogénéité peut prédire le type et l’ampleur des difficultés qui surviendront lors du passage à l’âge adulte », explique la Pre Lanctôt.
Thème 2 : Besoins des adolescentes en situation de vulnérabilité
Sur la base de la forte prévalence des difficultés observées chez les jeunes femmes en difficulté (ex. : agressions sexuelles, violence familiale, dépression, relations conflictuelles, maternité précoce), les écrits scientifiques identifient des cibles d’intervention à prioriser afin de répondre aux besoins de cette clientèle. Cette notion de « besoin » est toutefois bien relative et se doit d’être mieux établie. Les besoins ciblés par les interventions de réadaptation sont souvent le reflet du regard que les intervenants posent sur la clientèle. Si certains voient les filles en difficulté comme des victimes de conditions de vie difficiles, d'autres leur attribuent plutôt la responsabilité de leur situation; une différence qui sera déterminante sur les « besoins » auxquels chaque praticien choisira de s'attaquer et sur le choix des stratégies de réadaptation. La titulaire ajoute aussi que « le développement de pratiques prometteuses exige de laisser la parole aux filles afin qu'elles puissent exprimer leurs propres besoins ».
Thème 3: Effets des systèmes de soin et du système judiciaire
Les programmes de réadaptation mis à la disposition des jeunes en grande difficulté par les différents systèmes sont conçus pour assurer leur sécurité et favoriser leur développement. Les effets bénéfiques de ces programmes, bien que modestes, ont été montrés à certains égards. Mais la recherche a mis en lumière des effets paradoxaux des interventions de réadaptation, surtout dans le contexte des placements. Plusieurs jeunes retirés de leur famille vivent des expériences de placement instables et des ruptures dans leurs relations. Pour les jeunes ayant été victimes de mauvais traitements, un placement en famille d'accueil ou en centre de réadaptation peut même aggraver des symptômes liés à un traumatisme passé. La titulaire précise que « de nombreuses jeunes femmes qui témoignent de leur expérience de placement rapportent éprouver un sentiment de dévalorisation et de stigmatisation, en particulier les jeunes mères qui subissent la pression de la société. Ces effets paradoxaux sont rarement pris en compte par la recherche et constitueront une part importante des travaux de ma nouvelle chaire ».
La Chaire de recherche du Canada sur le placement et la réadaptation des filles en difficulté recevra un financement réparti sur sept ans, soit jusqu'en 2024.