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3 questions à Marie-Eve Carignan sur le travail des médias à l’ère du scepticisme et de l’information mise à mal

Analphabétisme scientifique, perte de confiance envers les institutions, foisonnement des sources d’information peu crédibles, la crise sanitaire a exacerbé le combat des médias traditionnels pour faire valoir une information de qualité, vérifiée et objective. Comment renverser ce mouvement?

Directrice du Pôle médias de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents, la professeure Marie-Eve Carignan croit en l’éducation du public sur le fonctionnement et le rôle des médias traditionnels.

Selon elle, ce qui alimente la méfiance envers les journalistes, c’est surtout la méconnaissance de leur travail, de leur rôle, de leurs sources de financement. « La baisse de confiance envers les médias d'information traditionnels est liée à la fois à un contexte de surabondance d'information où se côtoient de la fausse information, de l'information véridique et de la “malinformation”. Il y a des efforts à faire du côté de l'éducation aux médias. Comprendre comment fonctionne un média traditionnel, comment vérifier la qualité de l'information et d'une source. »

Pour elle, les journalistes ont aussi toute une réflexion à faire : « Est-ce qu’on explique bien ce qu'on fait? Est-ce que parfois on présente les limites de notre travail dans nos articles en étant plus transparent sur nos procédés, sur les limites? »

Si la crise sanitaire a malmené la confiance envers les institutions, de leur côté, les journalistes se sont retrouvés malgré eux dans un rôle inconfortable de porte-voix des gouvernements. Comment trouver l’équilibre entre le rôle de chien de garde de l’information objective et celui de soutien aux autorités dans la gestion efficace d’une crise?

Une étude menée par la professeure Carignan et ses étudiantes et étudiants auprès des journalistes qui ont couvert la pandémie a révélé ce difficile équilibre. « Quand doit-on être un peu moins critique pour ne pas nuire à la gestion de la crise? Beaucoup de journalistes nous ont dit  : “On s'est fait un peu les agents de la santé publique. On n'osait pas contester les mesures gouvernementales parce qu'on avait peur de contribuer à la propagation du virus” », relate la professeure Carignan.

Pour la spécialiste, ces bouleversements qui touchent le monde des médias sont une occasion certaine de redéfinir leur rôle. « Comment peut-on se repositionner? Peut-être avec de nouvelles pratiques, comme un journalisme de solutions, des pratiques plus innovantes, plus constructives, et avoir un rôle social aussi à jouer en tant que média. »


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