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Le financement des partis politiques : une responsabilité qui nous revient

Lors des dernières élections municipales, le directeur général des élections (DGE) a lancé une campagne incitant les électeurs à aller voter, et cette piste m’a semblé plutôt prometteuse, mais trop timide par contre ou trop en aval du processus d’engagement citoyen.

Notre société, comme beaucoup d’autres, est présentement affectée par une vague importante de cynisme : scepticisme à l’endroit de la classe politique, dénigrement des institutions et, surtout, mépris à l’endroit des partis. D’une manière générale, ceux-ci sont vus comme des carcans. À quoi bon y participer? Et pourquoi les financer?

Les conséquences du cynisme et du manque d’intérêt sont nombreuses, et deux d’entre elles s’imposent : la chute de la participation électorale et son corolaire, la chute de l’adhésion partisane. Quand on considère le « membership » du PQ et du PLQ et qu’on tente d’en faire une évaluation à partir des revenus d’adhésion, une image imprécise, mais néanmoins parlante s’impose : bon an, mal an, à la fin des années 1970, les deux grands partis comptaient 235 000 membres, soit 6 % des électeurs inscrits. Au cours des dernières années, ces deux grands partis ne comptaient plus que 165 000 membres, soit 3 % des électeurs actuellement inscrits. En gros, depuis 30 ans, les partis auraient perdu la moitié de leurs ressources humaines fondamentales. Cette hémorragie a des effets sur les ressources bénévoles, la capacité à diffuser le message et l’enthousiasme général qui peut prévaloir au sein d’une formation politique. C’est cette érosion qu’il faut tenter de compenser.

Cette chute de l’engagement citoyen n’est pas le propre des partis politiques. Les syndicats, les associations étudiantes et beaucoup de composantes de la vie associative souffrent d’une désertion analogue, du moins sur le long terme.

Selon moi, le gouvernement du Québec – ou le DGE – devrait lancer une campagne promotionnelle de fond, étendue sur plusieurs années et visant à accroitre l’engagement citoyen à tous les niveaux de la société civile et politique : dans les organisations étudiantes ou communautaires, dans les groupes de femmes, dans les groupes environnementaux comme dans les syndicats et les partis politiques. L’idée centrale serait simple : « Les partis ne sont pas des virus ». S’engager dans la vie sociale et politique et participer à des décisions collectives, ce n’est pas une perte de temps, ce n’est pas une trahison de soi, ce n’est pas non plus un carcan. Bien au contraire, l’engagement est éthiquement valable.

L’engagement répond à des besoins fondamentaux et contribue à l’avancement de la collectivité. S’engager dans un groupe, dans un parti, dans une association, au niveau local, régional ou national, ce n’est pas ennuyeux. Au contraire, c’est une expérience valorisante pour soi et pour la collectivité. Cette campagne promotionnelle pourrait miser sur des témoignages de persévérance et de réussite dans des domaines très variés permettant de rappeler que les changements de société, petits ou grands, ont été le produit d’engagement citoyen, sous une forme quelconque. Max Weber ce grand penseur du phénomène politique disait : « La politique, c’est le goût de l’avenir. »

Sans tomber dans l’angélisme, une telle campagne pourrait offrir un contrepoids au discours actuel et, lancée en amont d’une période électorale, pourrait contribuer à un changement d’attitude au fil des années. Pour démystifier la dépression, afin de mettre en garde contre les effets du tabagisme, afin d’induire des comportements sécuritaires sur la route, le gouvernement n’hésite pas à utiliser la publicité sociale. Il devrait alors faire de même ici.

Dans cette foulée, imaginons que le « membership » des partis politiques passe de 3 à 4 % des électeurs inscrits, cette croissance aurait des retombées indéniables sur la vie interne des partis, mais également sur leur financement. En appliquant une règle de trois, on peut envisager – en comptant toutes les formes de contribution individuelle – que 6 millions de dollars de plus s’inscriraient dans la colonnes des revenus totaux des quatre partis présents à l’Assemblée nationale, soit un montant largement suffisant pour qu’ils puissent faire face adéquatement aux défis organisationnels et communicationnels de notre époque.

En somme, on ne doit pas chercher à compenser notre indolence citoyenne en ouvrant la porte au financement par les entreprises ou les groupes. On doit au contraire chercher à recomposer l’éthique citoyenne en incitant chacun à prendre la part de responsabilité qui lui revient.