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Financement de la recherche

PROSPER : une collaboration franco-canadienne obtient un financement jumelé du CRSNG et de l’ANR pour un projet de capteurs dans le secteur de la santé

Pr Michael Canva, Pr Paul Charette, Pr Jean-François Bryche et Thierry Courcier.
Pr Michael Canva, Pr Paul Charette, Pr Jean-François Bryche et Thierry Courcier.
Photo : fournie

Le Laboratoire Nanotechnologies et Nanosystèmes (LN2) et l’Institut Interdisciplinaire d’Innovation Technologique (3IT) célèbrent une réussite remarquable : le projet PROSPER (Prism-free pOrtable SPR imaging SEnsoR) vient d’obtenir un financement prestigieux du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), qui complète un financement initial de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) française.

Cette reconnaissance exceptionnelle renforce la collaboration internationale entre l’équipe canadienne menée par le Pr Paul Charette (UdeS), épaulée par Thierry Courcier (UdeS) et les équipes françaises de l’ANR issues de trois laboratoires, Jean-François Bryche et Michael Canva (CNRS-LN2), Julien Moreau (porteur de l’ANR, Laboratoire Charles FabryInstitut d'optique Graduate School, Université Paris-Saclay, CNRS) et Thierry Livache (laboratoire SyMMES).

Le retour en force d’une technologie délaissée

L’histoire du projet PROSPER commence par un paradoxe scientifique. Dans les années 1990, deux approches concurrentes existaient pour la biodétection par résonance plasmonique de surface (SPR) : l’une utilisant des prismes de verre, l’autre des réseaux de diffraction nanométriques gravés directement sur les capteurs. Parce qu’elle était plus facilement industrialisable à l’époque, c’est la méthode à prisme, pourtant plus encombrante et complexe, qui s’est imposée mondialement.

Si on voulait avoir des réseaux de bonne qualité, on pouvait s’adresser à des industriels […] mais cela coûtait très cher – plusieurs milliers d’euros.

Pr Michael Canva, directeur de recherche CNRS au LN2 et professeur associé à l’UdeS

Cette décision pragmatique a créé un angle mort technologique pendant près de 25 ans. « On est partis sur les prismes plutôt que sur les réseaux. Mais déjà, on avait réfléchi et on avait constaté à l’époque des tas d’avantages avec les systèmes plasmoniques à réseaux », poursuit le Pr Michael Canva.

Une innovation aux multiples avantages

Le projet PROSPER ne se contente pas de ressusciter une technologie oubliée : grâce au soutien du CRSNG, il la transforme en solution d’avenir grâce aux importantes avancées en nanofabrication des deux dernières décennies. En effet, les infrastructures de pointe du 3iT et l’expertise du LN2 rendent aujourd’hui possible ce qui était techniquement et économiquement irréalisable il y a 20 ans.

Le Pr Jean-François Bryche, chargé de recherche au CNRS, membre du LN2 et professeur associé à l’UdeS, souligne les atouts de cette approche :

L’avantage, c’est qu’on se passe du prisme. Cela facilite les manipulations. Cela donne des dispositifs à la fois plus compacts, plus simples à utiliser et plus sensibles. De plus, on gagne en résolution d’image. […] Lorsqu’on place des cellules sur un capteur monté sur un prisme, on obtient une netteté plutôt faible. Sur un réseau, l'image sera beaucoup plus nette, permettant une étude plus fine de leurs réponses.

Pr Jean-François Bryche

Les bénéfices sont multiples et touchent autant la performance que la responsabilité environnementale :

Résolution spatiale améliorée : En éliminant les aberrations optiques induites par le prisme, le système offre une image nette sur toute la surface du capteur, augmentant drastiquement la résolution dans des applications d’imagerie.

Miniaturisation extrême : Sans prisme encombrant ni huiles d’immersion, le dispositif pourrait tenir dans un appareil portable, voire être intégré à un téléphone intelligent.

Production à faible coût : L’utilisation de substrats plastiques fabriqués par nano-impression permet d’envisager des puces abordables, compatibles avec une production de masse.

Écoresponsabilité : L’élimination des huiles d’immersion représente un gain environnemental significatif – autrefois, celles-ci contenaient des composés toxiques comme l’arsenic!

L’évolution technologique a été déterminante, comme le précise le Pr Jean-François Bryche : « Il y a sept ans, l’équipement de nanofabrication des réseaux n’était pas suffisamment stable. Cela prenait plusieurs jours pour en fabriquer un. Dans les toutes dernières années, le 3iT a acquis deux équipements très performants de nanofabrication de la compagnie Raith qui, aujourd’hui, fabriquent un réseau de bonne qualité en vingt minutes. »

Un financement d’exception pour une collaboration stratégique

L’obtention du financement au volet International du programme CRSNG Alliance représente un tour de force pour l’équipe. Le Pr Paul Charette, directeur scientifique du 3IT et membre du LN2, ne cache pas sa satisfaction :

Le taux de succès à ce programme est extrêmement bas. Pour le LN2 et le 3IT, c’est un beau succès. C’est une reconnaissance de la part du CRSNG que les équipes canadiennes et françaises membres du LN2 travaillent vraiment bien ensemble.

Pr Paul Charette

Le montage financier témoigne d’une stratégie audacieuse. Le projet ANR PROSPER, doté de 480 000 euros sur 42 mois, rassemble trois partenaires aux expertises complémentaires : le Laboratoire Charles Fabry (LCF) pour la modélisation optique, le laboratoire SyMMES à Grenoble pour l’interface biologique, et le LN2 pour la conception et la caractérisation. La subvention Alliance du CRSNG, dotée de 300 000 dollars canadiens, agit comme un véritable catalyseur grâce aux infrastructures de pointe en nanofabrication et en encapsulation du 3iT.

« Nous avons démontré au CRSNG que le 3IT est une infrastructure de classe mondiale, propulsant une collaboration LN2-LCF-SyMMES forte et reconnue par l’ANR », explique le Pr Paul Charette.

Cette synergie permet non seulement de réaliser les objectifs initiaux du projet ANR, mais surtout d’explorer des pistes d’avant-garde impossibles sans ce financement additionnel du CRSNG. Au 3IT, l’équipe pourra notamment développer des nanostructures au-delà de l’état de l’art actuel pour optimiser encore davantage la sensibilité des capteurs.

Former la relève et transformer la médecine

Au-delà de l’innovation technologique, PROSPER représente un investissement important dans la formation de personnel hautement qualifié.

Le financement Alliance du CRSNG nous permet de former la prochaine génération de chercheurs et chercheuses en nanotechnologies, avec des cotutelles France-Canada. Ces étudiants et étudiantes bénéficient d’une mobilité internationale exceptionnelle — les personnes étudiantes peuvent utiliser les infrastructures de classe mondiale du 3iT tout en obtenant leurs diplômes à la fois de l’Université de Sherbrooke et d’une université partenaire en France.

Pr Paul Charette

Le projet financera directement des doctorats, des stages postdoctoraux et du personnel professionnel de recherche, soutenant un écosystème de formation bidirectionnel unique entre la France et le Canada.

L’application médicale visée illustre parfaitement le potentiel transformateur de cette technologie. Le consortium développe un système capable de détecter et compter les bactéries responsables des infections urinaires avec une sensibilité de 10⁴ bactéries/ml en moins de 10 minutes — soit la durée d’une consultation médicale. Cette rapidité pourrait révolutionner le diagnostic au point de service, permettant aux médecins d’adapter immédiatement le traitement antibiotique.

Vers un avenir durable et accessible

Le projet PROSPER incarne une vision où l’innovation technologique rime avec responsabilité sociale et environnementale. En rendant les diagnostics médicaux plus rapides, plus précis et plus accessibles, tout en réduisant l’empreinte écologique des dispositifs médicaux, cette collaboration franco-canadienne trace la voie vers une médecine de précision durable.

Bien que le projet soit encore à un stade de recherche et développement (TRL relativement bas), son potentiel de transfert industriel est évident, notamment grâce au partenaire grenoblois qui possède déjà une expertise en valorisation commerciale. Les innovations développées pourraient s’étendre bien au-delà du diagnostic médical, trouvant des applications dans la détection de polluants environnementaux (liquides ou gazeux) ou le contrôle de qualité alimentaire.

Cette réussite démontre que l’excellence scientifique émerge souvent de la redécouverte et de la réinvention de concepts délaissés. Grâce à la convergence des avancées en nanofabrication, de l’expertise internationale et d’un financement visionnaire, une technologie « oubliée » devient aujourd’hui la promesse d’une avancée importante dans les diagnostics médicaux de demain.

Le projet initial PROSPER (Prism-free pOrtable SPR imaging SEnsoR) est financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) française auquel le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) apporte un complément dans le cadre du programme Alliance. Il implique le Laboratoire Nanotechnologies et Nanosystèmes (LN2) (CNRS, Université Sherbrooke, INSA Lyon, Centrale Lyon et Université Grenoble-Alpes), l’Institut Interdisciplinaire d’Innovation Technologique (3iT) de l’Université de Sherbrooke, le Laboratoire Charles Fabry (CNRS-Université Paris-Saclay-Institut d’Optique Graduate School) et le laboratoire SyMMES (CEA, CNRS et Université Grenoble Alpes).


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