Aller au contenu

Ses archives complètes conservées à l'UdeS

L’héritage vivant d’Anne Hébert : un haut lieu d’étude et de recherche sur l’écriture des femmes

L'Université de Sherbrooke possède l'ensemble des archives et toutes les études, thèses et mémoires consacrés à Anne Hébert, en plus de sa bibliothèque personnelle. Anne Hébert, vers 1957, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (495086).
L'Université de Sherbrooke possède l'ensemble des archives et toutes les études, thèses et mémoires consacrés à Anne Hébert, en plus de sa bibliothèque personnelle. Anne Hébert, vers 1957, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (495086).
Photo : André Le Coz

L’œuvre d’Anne Hébert a marqué une grande partie du XXe siècle et continue d’influencer les générations actuelles. Et c’est ici, à l’Université de Sherbrooke, que son héritage, en tant que pionnière de l’écriture au féminin, demeure le plus entier et le plus vivant.

L’intégralité de ses archives est précieusement conservée au Service des bibliothèques et archives de l’université, tandis que sa bibliothèque personnelle et son bureau de travail se trouvent au Centre Anne-Hébert, qui réunit depuis un quart de siècle toutes les études sur son œuvre. Le centre s’impose d’ailleurs comme lieu incontournable de l’étude, de la recherche et du rayonnement de ce riche patrimoine littéraire, de même que de l’écriture des femmes au Québec et dans la francophonie.

Hébergé à même l'Espace Anne-Hébert de la Faculté des lettres et sciences humaines, le Centre Anne-Hébert nourrit une réflexion vivante sur l’écriture des femmes et ses influences.
Hébergé à même l'Espace Anne-Hébert de la Faculté des lettres et sciences humaines, le Centre Anne-Hébert nourrit une réflexion vivante sur l’écriture des femmes et ses influences.
Photo : Michel Caron - UdeS

Fondé en 1996, le Centre Anne-Hébert a pour mission de valoriser l’écriture des femmes, la recherche-création, la traduction et les archives littéraires, de même que de promouvoir les recherches et les études sur l'œuvre d'Anne Hébert. Il est situé à la Faculté des lettres et sciences humaines de l’UdeS.

Le Centre Anne-Hébert réunit la bibliothèque personnelle et la table de travail, la machine à écrire et la lampe de bureau de l'écrivaine.
Le Centre Anne-Hébert réunit la bibliothèque personnelle et la table de travail, la machine à écrire et la lampe de bureau de l'écrivaine.
Photo : Fournie

Professeure au Département des arts, langues et littératures, Nathalie Watteyne assure la direction du centre depuis plusieurs années. Spécialiste de l’œuvre de celle notamment primée pour ses romans Kamouraska et Les fous de Bassan, elle a consacré une grande partie de sa carrière à l’étude de ces écrits. C’est à elle et son équipe interuniversitaire que l’on doit l’édition critique des œuvres complètes en cinq volumes. Elle a également collaboré à l’organisation du colloque du centenaire de la naissance de l’écrivaine, qui a réuni à l’UdeS trente spécialistes de dix pays, en 2016.

L’œuvre d’Anne Hébert est si importante, si riche et si cohérente, qu’il est difficile d’en sortir, mais on ne se perd pas dans ce fascinant labyrinthe.

Professeure Nathalie Watteyne, directrice du Centre Anne-Hébert

À travers ses romans, poèmes, nouvelles et pièces de théâtre, l’écrivaine a su capter les transformations et bouleversements de la société québécoise, témoignant avec perspicacité des ombres et lumières de son époque. Aux yeux de la professeure Watteyne, son apport est essentiel pour comprendre l’histoire littéraire du Québec et du Canada. Cette dernière souligne par ailleurs l’admirable capacité d’Anne Hébert à se renouveler sans cesse, évitant la répétition et cherchant à innover dans chacune de ses œuvres.

Spécialiste de l'œuvre d'Anne Hébert, la professeure Nathalie Watteyne dirige le Centre Anne-Hébert depuis plusieurs années.
Spécialiste de l'œuvre d'Anne Hébert, la professeure Nathalie Watteyne dirige le Centre Anne-Hébert depuis plusieurs années.
Photo : Mélanie Beauchemin

La spécialiste ajoute que l’œuvre exerce encore aujourd’hui une influence sur un plus jeune lectorat, qui redécouvre des romans moins bien compris au moment de leur parution initiale, comme Les Enfants du Sabbat. Le Torrent, deuxième livre d’Anne Hébert, est toujours enseigné dans les cégeps, 75 ans après sa sortie. Cette littérature à la charge puissante fut l’une des premières à aborder des thèmes jusqu’alors tabous, comme la violence infligée aux femmes et aux marginaux, ce qui explique son succès auprès des jeunes générations en quête d’authenticité et de vérité brute.

Mais c’est l’écriture somptueuse, mentionne la professeure Watteyne, qui provoque chaque fois l’adhésion des lecteurs et lectrices de toutes les générations.

Anne Hébert, vers 1957, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (495086). 
Anne Hébert, vers 1957, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (495086). 
Photo : André Le Coz

Traduite dans plus de quinze langues, l’œuvre d’Anne Hébert comprend dix romans, cinq recueils de poésie, plusieurs pièces de théâtre et nouvelles. Certaines œuvres ont été adaptées pour la scène et au moins trois ont été portées à l'écran, Kamouraska en 1973, Les fous de Bassan en 1986 et Le Torrent en 2012.

À figure incontournable, centre d’étude idoine

À l’invitation de la professeure Watteyne, bon nombre de personnes étudiantes au doctorat ont mené des recherches et développé une expertise à l’UdeS. Certaines sont venues d’aussi loin que du Japon, de la Corée du Sud, de l’Italie, de la France, de l'Allemagne et de la Roumanie, pour analyser le riche corpus hébertien.

De nombreuses personnes étudiantes fréquentent l'Espace Anne-Hébert pour y étudier et y mener des travaux.
De nombreuses personnes étudiantes fréquentent l'Espace Anne-Hébert pour y étudier et y mener des travaux.
Photo : Michel Caron - UdeS

Quand vous travaillez sur les œuvres phares de la modernité littéraire au Québec, Anne Hébert est une figure emblématique, et l’Université de Sherbrooke possède non seulement ses archives, mais toutes les études, thèses, mémoires qui lui ont été consacrés, en plus de sa bibliothèque personnelle.

Professeure Nathalie Watteyne

Tapuscrit du roman Kamouraska, vers 1968-1969, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (528645).
Tapuscrit du roman Kamouraska, vers 1968-1969, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (528645).
Photo : Michel Caron - UdeS

Les riches collections du Centre Anne-Hébert réunissent plus de 6000 documents de diverses natures. Le contenu de la bibliothèque personnelle de l’auteure née à Sainte-Catherine de Fossambault – qui deviendra Sainte-Catherine-de-la-Jacques Cartier – compte à lui seul 1895 ouvrages.

À la manière d’un petit musée, le bureau de mélamine, la chaise, la lampe orange, la mallette de cuir, la corbeille fleurie et la machine à écrire sarcelle de l’auteure trônent au milieu du Centre qui porte son nom, perpétuant en quelque sorte sa présence en nos murs aujourd’hui.
À la manière d’un petit musée, le bureau de mélamine, la chaise, la lampe orange, la mallette de cuir, la corbeille fleurie et la machine à écrire sarcelle de l’auteure trônent au milieu du Centre qui porte son nom, perpétuant en quelque sorte sa présence en nos murs aujourd’hui.
Photo : Michel Caron - UdeS

Le legs inestimable d’une docteure d’honneur de l’UdeS

Trésor d’une valeur inestimable, ces pièces d’anthologie ont été léguées à l’UdeS par l’auteure ou sa succession.

Manuscrit du roman Kamouraska,1968, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (528645).
Manuscrit du roman Kamouraska,1968, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (528645).
Photo : Michel Caron - UdeS

Lorsque la Faculté des lettres et sciences humaines lui décerne un doctorat honorifique en 1993 pour souligner son apport exceptionnel aux lettres québécoises, l’écrivaine songe à rentrer définitivement au Québec, après des années de résidence à Paris. Le recteur d’alors, le professeur Pierre Reid, profite de l’occasion pour lui demander si elle verrait d’un bon œil la création d’un centre à l’UdeS consacré à son œuvre et à celle de l’écriture des femmes, ce à quoi elle consent « avec joie ».

Remise d’un doctorat honorifique à Anne Hébert le 12 juin 1993. Monseigneur Jean-Marie Fortier, chancelier de l'UdeS, Anne Hébert et Normand Wener, doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines.
Remise d’un doctorat honorifique à Anne Hébert le 12 juin 1993. Monseigneur Jean-Marie Fortier, chancelier de l'UdeS, Anne Hébert et Normand Wener, doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines.
Photo : Fonds d'archives du Service des communications de l'Université de Sherbrooke

C'est à partir de cet événement qu'Anne Hébert fait don de ses archives à l’UdeS, et ce, en plusieurs versements, grâce au soutien de l’université et à celui inestimable de Michel Gosselin, alors professeur au cégep de Sherbrooke, qui l’aide à trier ses archives. Après la mort de l’auteure, d’autres dons sont faits par sa succession. Des collectionneurs, notamment de la ville de Québec, ont aussi fait plusieurs legs au fil des ans.

Plus de 900 photos de l'écrivaine sont consignées dans les archives du Fonds Anne Hébert, à l'UdeS. Portraits d’Anne Hébert, vers 1932-1933, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (495009). 
Plus de 900 photos de l'écrivaine sont consignées dans les archives du Fonds Anne Hébert, à l'UdeS. Portraits d’Anne Hébert, vers 1932-1933, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (495009). 
Photo : Michel Caron - UdeS

Il n'y a pas de centre comme celui-là ailleurs au Québec, qui réunit à la fois l’ensemble des archives d’un auteur et un espace voué à l’étude, à la recherche et au rayonnement de son œuvre.

Professeure Nathalie Watteyne

Carnet de notes du roman Kamouraska, vers 1968, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (528644). 
Carnet de notes du roman Kamouraska, vers 1968, Fonds Anne Hébert (P25), Université de Sherbrooke (528644). 
Photo : Michel Caron - UdeS

Tour à tour influencées par Anne Hébert, et convaincues de la pertinence de la mission du centre, d’autres femmes de lettres choisissent de léguer leurs archives littéraires ou de faire des dons substantiels, comme les auteures québécoises Louise Dupré, Hélène Monette, Louise Cotnoir ou France Théoret.

 Il y a tout un courant d'écriture au féminin depuis les années 1975 au Québec qui fait de l'Université de Sherbrooke le lieu d’échanges et de recherches relatives à ce pan de l’histoire de l’écriture des femmes.

Professeure Nathalie Watteyne

Au fil des années, le Centre Anne-Hébert est ainsi devenu un lieu inédit de rencontres pour les auteures contemporaines, et une forme de communauté s’y est créée. Depuis la fondation du centre, plus de 150 écrivaines sont venues y tenir des causeries littéraires, des conférences et d’autres activités littéraires. La revue Les Cahiers Anne-Hébert paraît par ailleurs chaque année en accès libre sur la plateforme numérique ouverte Érudit.

Le Centre Anne-Hébert représente en somme une source inépuisable de recherches, d’échanges et de découvertes littéraires pour les chercheuses et chercheurs du monde entier. En plus de préserver l’héritage d’une écrivaine majeure, il nourrit une réflexion vivante sur l’écriture des femmes et son histoire, tout en favorisant la transmission de cet héritage aux générations futures.

Des extraits de l'œuvre d'Anne Hébert sont mises en valeur dans l'espace du même nom, situé à la Faculté des lettres et sciences humaines.
Des extraits de l'œuvre d'Anne Hébert sont mises en valeur dans l'espace du même nom, situé à la Faculté des lettres et sciences humaines.
Photo : Michel Caron - UdeS

À propos des archives d’Anne Hébert
La consultation de manuscrits, photographies, correspondances et autres documents d’archives consignés au Service des bibliothèques et archives de l’UdeS est réservée aux chercheuses et chercheurs, de même qu’aux journalistes. Il est possible pour la communauté universitaire d’emprunter plusieurs des livres de l’auteure au Service des bibliothèques et archives. Les livres de la bibliothèque personnelle d’Anne Hébert et sa table de travail, ainsi que les études se rapportant à l’œuvre, sont accessibles au public au Centre Anne-Hébert, du mardi au jeudi, jours d’ouverture du centre.

Trois œuvres coups de cœur d’Anne Hébert, selon Nathalie Watteyne
« Le Torrent, d’abord. Un recueil de nouvelles de 1950, et le titre d’une longue nouvelle qui ouvre ce recueil, qui marque l’entrée dans la littérature de la révolte, et un tableau réaliste et impitoyable de la période entourant la Seconde Guerre mondiale. Elle ne cesse de revenir à cette nouvelle, dans ses correspondances, que nous avons analysées et transcrites. Elle en fait la mesure même de son intensité au moment de composer ses romans, jusque dans les années 1980. »

« Ensuite, Kamouraska. C'est le grand roman d'Anne Hébert, paru en 1970, et traduit en plusieurs langues, qui raconte l’histoire d’une femme au XIXe siècle, sur fond de paysage québécois. Cette écriture est éblouissante sur le plan de la narration, elle innove en procédant par analepses, ou retours dans le passé, pour rendre le flux de la conscience de la protagoniste. »

« Et Poèmes, son diptyque en matière de poésie, paru en 1960, qui contient les poèmes du Tombeau des rois, un travail d'orfèvre et un magnifique recueil de 1953, et Mystère de la parole, aux rythmes plus amples et énergiques. »

À propos des droits de diffusion de certaines archives
Anne Hébert a fait un don important à Centraide du Grand Montréal par sa succession, et a aussi souhaité que l'organisme soit l'ayant droit de ses droits d'auteur. Certaines photos et documents ont été fournis gracieusement par l'organisme dans le cadre de cet article. Nathalie Le Coz, fille du photographe André Le Coz, a également consenti à la diffusion de photographies pour cet article.


Informations complémentaires