Aller au contenu

Appel de textes

« Indépendance éditoriale et pouvoirs publics », de la revue Bibliodiversity

Les recherches consacrées à l’industrie du livre pensent généralement l’indépendance comme un acte de sécession, que ce soit par rapport à la sphère de grande production ou aux pouvoirs publics. Elles mettent ainsi en lumière les stratégies d’éditeurs qui entendent situer leurs activités de manière singulière et autonome par rapport aux figures de l’État et/ou du marché, notamment du point de vue des contenus et des modèles économiques. Le sens de la notion d’édition indépendante varie dès lors selon les pays et les contextes socio-économiques observés et selon chaque acteur éditorial. Le rôle des pouvoirs publics est également à géométrie variable, les dispositifs de politiques culturelles faisant tantôt l’objet d’un ancrage historique solide et étant tantôt clairsemés et instables. Le concept de politique publique est ici entendu au sens large, à savoir l’action ou l’inaction des pouvoirs publics.

Le processus de mondialisation de la culture participe par ailleurs d’une « gouvernance multi-niveau » des politiques culturelles. L’action culturelle peut être située à l’échelon de l’état-nation, mais peut également être initiée par des pouvoirs locaux et par des instances internationales (Unesco, Union européenne, Mercosur, Asean, etc.). Les interactions potentielles entre ces différents niveaux de pouvoir créent de nouveaux enjeux et de nouvelles mobilisations, notamment : enjeux de coordination et de cohérence de l’action publique, enjeux d’accès aux ressources financières, enjeux de la diversité culturelle.

Les relations entre État, marché et éditeurs mobilisent des représentations du monde, des valeurs et des normes. Le rapport à l’instance du Pouvoir – marché ou État – peut être considéré comme accessoire ou indolore, valorisé ou diabolisé. Les éditeurs indépendants ne forment à cet égard pas une catégorie homogène et monolithique ; il arrive qu’au sein d’un même territoire, les positionnements axiologiques et stratégiques varient significativement. Certains acteurs de l’édition appelleront de leurs voeux l’intervention des pouvoirs publics et tenteront de mettre cette thématique à l’agenda politique alors que d’autres s’opposeront à toute immixtion des instances politiques. En outre, les politiques publiques adressées le cas échéant au secteur de l’édition proposent diverses finalités, plus ou moins proches des préoccupations exprimées par les acteurs s’identifiant à l’édition indépendante.

Ce dossier de la revue Bibliodiversity n’a pas pour objectif de trancher en faveur de l’un ou l’autre modèle de politique publique adressée à l’édition indépendante. Il entend plutôt interroger les conditions dans lesquelles peuvent apparaître ou non de telles politiques publiques, leurs finalités, leurs modes de fonctionnement, leurs impacts et leurs éventuels changements. Il questionne les représentations du monde à l’oeuvre lors de l’élaboration des positionnements des acteurs issus de l’édition ou des pouvoirs publics. Les contributions attendues peuvent provenir de diverses disciplines – sociologie, sciences politiques, sciences économiques, études culturelles, etc. – et se rapporter à l’étude d’un cas régional/national ou à une démarche comparative. À ce titre, les articles proposés pourront notamment se situer dans les perspectives suivantes :

L’indépendance et les politiques publiques : Comment les acteurs de l’édition indépendante se positionnent-ils par rapport à l’action ou l’inaction des pouvoirs publics? L’édition indépendante est-elle concernée par les dispositifs de politique culturelle ? Comment est-elle définie? Comment ces politiques culturelles entendent répondre à un problème public, comment sont-elles mises à l’agenda? Les éditeurs concernés doivent-ils se soumettre à des exigences particulières lors de leurs mises en oeuvre? Quels sont les référentiels et les finalités de telles politiques culturelles – la création artistique, le développement économique, la protection de la diversité culturelle, la promotion de la culture nationale? Les politiques publiques font-elles l’objet de changements, de contrôles ou d’évaluations?

Profil et catalogue des éditeurs : Peut-on déterminer un profil-type d’éditeur indépendant soutenu par les pouvoirs publics dans un contexte donné ? Des catégories éditoriales sont-elles mieux défendues que d’autres ? Des valeurs telles que l’éducation sont-elles mises en évidence? Les productions doivent-elles faire acte de promotion du local et/ou participer au rayonnement du local à l’étranger? Certains types de production se trouvent-ils systématiquement exclus?

Instruments des politiques culturelles : Quels sont les instruments de politiques culturelles adressés à l’édition indépendante? S’agit-il d’établir une règlementation des échanges ou d’amoindrir les règlementations en vigueur? S’agit de subventions (ponctuelles, pluriannuelles), de prêts (avec ou sans intérêt), d’aides à la promotion et à l’exportation, d’aides fiscales? Un accent particulier est-il mis sur la production numérique ou sur la numérisation de catalogues? Comment ces différents instruments ont-ils vu le jour et ont-ils fait l’objet de changements?

Politiques culturelles et niveaux de pouvoir : Les politiques publiques adressées au secteur de l’édition ne sont pas seulement l’affaire de l’État-nation et peuvent être mises en oeuvre par d’autres niveaux de pouvoir (régions, pouvoirs locaux, organisations internationales). Comment ces dispositifs se positionnent-ils l’un par rapport à l’autre et sont-ils coordonnés? Répondent-ils à de mêmes objectifs? Sont-ils cumulables? Quel est le rôle des instances internationales/supranationales dans l’élaboration et la mise en oeuvre de telles politiques publiques?

Alternatives aux pouvoirs publics : Certains éditeurs indépendants ne souhaitent pas bénéficier d’un soutien public. En cas de refus de toute forme d’aide publique, quels sont les motifs invoqués? Quelles sont les normes et valeurs mobilisées par de telles lignes de conduite? Quelles alternatives se présentent aux éditeurs indépendants en dehors des pouvoirs publics ? Quelles sont les perspectives offertes par les nouvelles formes de soutien, à l’instar du financement participatif, issues de la société civile? Y a-t-il place pour un « tiers secteur » de l’édition, indépendant des politiques publiques et des circuits économiques prédominants?

Absence de soutien public et édition d’État : Les rapports entre pouvoirs publics et structures éditoriales connaissent des modalités extrêmement variables. Elles vont de l’absence de soutien public à l’édition d’État, dotée de ressources humaines et financières spécifiques. Ces deux modèles sont-ils compatibles dans les zones géographiques où ils se rencontrent? Quelles sont les spécificités de modèles nationaux situés entre les deux pôles de cet axe? À partir de quand peut-on parler d’édition d’État? Quel est son rôle ? Se conçoit-elle à des fins pratiques, éducationnelles, idéologiques?