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Février, Mois du coeur

Un ventilateur qui réanime l’espoir pour les grands prématurés

Le professeur Philippe MicheauLaboratoire Inolivent
Le professeur Philippe Micheau
Laboratoire Inolivent
Photo : UdeS - Michel Caron

Faire respirer un liquide à un patient pour refroidir rapidement ses organes vitaux après un arrêt cardiaque pourrait bientôt être en usage dans les unités de soins intensifs. La recherche qui touche de près ou de loin à cette technique, appelée ventilation liquidienne, est toujours très active dans plusieurs laboratoires sur la planète, et ce, depuis plus de 50 ans. Et si en adaptant cette technologie on arrivait à sauver des extrêmes prématurés ? C’est ce qui motive l’équipe du professeur-chercheur Philippe Micheau à poursuivre les recherches en ce sens dans le laboratoire Inolivent de la Faculté de génie.

Sauver des extrêmes prématurés

Le groupe de recherche Inolivent travaille sur la ventilation liquidienne depuis plus de 20 ans, explique le chercheur. De nouvelles données nous amènent à poursuivre les recherches et nous permettent de croire que l’on pourrait réussir avec cette technologie à améliorer la santé et les taux de survie des tout petits bébés nés avant 24 semaines, soit les prématurés les plus extrêmes.

Ce projet basé sur la technologie Inolivent-8 est également au cœur de l’activité de recherche du clinicien-chercheur Pr Étienne Fortin-Pellerin de la Faculté de médecine et des sciences de la santé.

Au Canada, si une naissance survient avant 24 semaines de gestation, le taux de mortalité reste très élevé : pour les cas les plus extrêmes, il se situe autour de 70 % (chez les 22 semaines). Si on réussissait à utiliser la ventilation liquidienne sur ces nouveau-nés dès la naissance, on pense que l’on éviterait plusieurs complications et maladies qui surviennent malheureusement trop souvent après un tel degré de prématurité. Et le mot clé sur lequel le professeur insiste, c’est justement « rapidement », qui peut faire toute la différence.

La ventilation liquidienne est une technique de respiration qui consiste à ventiler les poumons avec un perfluorocarbone liquide qui peut dissoudre une grande quantité de gaz respirables. Dans les poumons, l’oxygène contenu dans le liquide migre dans la circulation sanguine, tandis que le dioxyde de carbone fait le chemin inverse. Cycliquement, un volume de liquide doit être expiré des poumons pour retirer le dioxyde de carbone qui s’y est accumulé. Dès que ce volume est retiré, il doit immédiatement être remplacé par un nouveau volume de liquide chargé uniquement en oxygène et azote. Pour réussir à inspirer et expirer ce volume de liquide dans les poumons d’un patient anesthésié, il faut une machine unique, un ventilateur liquidien. Programmé pour maintenir un volume raisonnable de liquide dans les poumons, il permet une ventilation liquidienne en toute sécurité.

Au service de la réanimation

Le professeur Philippe Micheau avec un ventilateur liquidien
Le professeur Philippe Micheau avec un ventilateur liquidien
Photo : UdeS - Michel Caron

Autant pour les petits bébés que pour les adultes, l’idée est d’agir avec la ventilation liquidienne rapidement. Pour les prématurés les plus extrêmes, il faudrait leur faire respirer du liquide dès la naissance pour protéger leurs poumons contre une ventilation gazeuse délétère. Dans le cas des adultes victimes d’un arrêt cardiaque, il faudrait ventiler les poumons de liquide respirable le plus rapidement possible après la réanimation pour refroidir le corps et protéger ainsi les organes vitaux, notamment le cerveau et le cœur.

La tempête d’inflammation que l’on observe après un arrêt cardiaque pourrait significativement être diminuée par ce refroidissement ultra-rapide à 32 °C. La technique utilisée actuellement à l’hôpital consiste en l'utilisation de couvertures refroidissantes pour abaisser la température du corps en quatre à huit heures, mais les bénéfices observés sont malheureusement peu significatifs. On pense que ce qui permettrait d’avoir un réel impact, c’est une plus grande rapidité de refroidissement des organes juste après la réanimation, de l’ordre de quelques dizaines de minutes, grâce à la ventilation liquidienne.

Pr Philippe Micheau

Prototype de ventilateur liquidien

L’étroite collaboration entre des chercheurs français et le laboratoire Inolivent a mené à la naissance en 2018 d’une jeune pousse, Orixha. Son objectif : diminuer les décès des patients réanimés après un arrêt cardiaque. En jumelant leurs connaissances pointues en ingénierie et en physiologie médicale, les deux équipes ont pu mettre au point un prototype de ventilateur liquidien et démontrer expérimentalement les avantages de cette technologie. « La technologie actuellement en développement se nomme Vent2Cool et se dirige droit vers un premier essai clinique de ventilation liquidienne, soutient Philippe Micheau, cofondateur de l’entreprise. Elle sera capable d’induire rapidement, en moins de 15 minutes, une hypothermie thérapeutique pour protéger le cœur et le cerveau des patients. »

Tout se met en place pour démarrer prochainement des essais sur des patients adultes. Si tout se passe comme prévu, cette machine révolutionnaire pourrait d’ici quelques années avoir le statut d'équipement standard dans les unités de soins intensifs pour sauver la vie de patients adultes. De plus, cet usage abouti de Vent2Cool dans les hôpitaux, jumelé à l’avancée des recherches du groupe avec Inolivent-8, donne l’espoir qu'un jour, il sera possible d’utiliser cette technologie développée à la Faculté de génie pour sauver la vie des prématurés les plus extrêmes.


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