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Portrait de l’enseignant Pierre Poulin

« Une médaille, même très mince, a toujours deux côtés »

Avocat de carrière, Pierre Poulin enseigne depuis 2001. Il donne le cours Droit de l’environnement I à la maîtrise en environnement et d’autres programmes offerts à la formation continue. En 2020, il a rangé sa toge d’avocat, mais il continue d’enseigner et de transmettre ses connaissances aux étudiantes et étudiants de l’Université de Sherbrooke.

C’est avec beaucoup de générosité que ce passionné du droit de l’environnement et d’ornithologie répond à nos questions.

Quel est votre domaine d’expertise?

Je me suis spécialisé en droit de l’environnement. Dans ce cadre, je me suis intéressé au droit municipal ainsi qu’au développement régional. Mais, plus fondamentalement, mes domaines d’intérêts sont la biologie, l’écologie et la politique.

Quelle est votre formation, quel est votre parcours professionnel?

L’intérêt pour l’environnement remonte à très loin. J’ai fait une technique en aménagement cynégétique et halieutique au Cégep de Hauterive – pour les plus vieux, maintenant Baie-Comeau pour les plus jeunes – au début des années 80. Après avoir travaillé pour différents ministères ou organismes, notamment le Service canadien de la faune et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, je suis retourné faire quelques cours en biologie à l’UdeS, mais surtout un baccalauréat en droit, le Barreau et une maîtrise en environnement, toujours à l’UdeS.

J’ai poursuivi mon bac tout en travaillant à l’inspection des aliments au MAPAQ. Au Barreau, j’ai travaillé pendant 6 mois à la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Environnement où je faisais presque exclusivement du droit pénal. Par la suite, j’ai fait de la pratique privée en droit pour finalement retourner au MAPAQ en soutien juridique au sous-ministériat à l’inspection des aliments et à la santé animale. J’ai terminé ma carrière gouvernementale au ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire où j’ai été directeur de la région de l’Estrie pendant 18 années, de 2000 à 2018. Par la suite, j’ai joint un cabinet d’avocats où j’ai exercé en droit municipal et de l’environnement jusqu’à l’année dernière lorsque j’ai accroché mon titre de « Maître ».

Comment le goût d’enseigner est-il arrivé dans votre parcours?

J’ai toujours aimé vulgariser et apprendre. Lors de ma maîtrise au CUFE, quand j’ai suivi le cours de droit, plusieurs de mes collègues venaient me poser des questions après le cours. C’est à ce moment que la flamme s’est allumée. Quand Michel Montpetit m’a offert la charge de cours en 2001, après avoir refusé à cause d’un conflit d’horaire l’année précédente, j’ai sauté dans l’aventure. Le cours m’a permis, et obligé, de me remettre à jour en droit de l’environnement, ce que je n’aurais certainement pas fait si l’enseignement n’était pas arrivé. C’est une décision que je n’ai jamais regrettée.

Que souhaitez-vous transmettre à vos étudiants?

Le goût d’apprendre et de se développer professionnellement. De ne pas avoir peur du droit, mais plutôt de l’apprivoiser et de s’en servir. Je souhaite également leur transmettre la curiosité et de ne pas rester sur la première opinion lue. Considérer l’ensemble des faits avant de se faire une opinion ou de porter un jugement, car il n'y a pas une médaille assez mince pour ne pas y avoir deux côtés.

Lorsqu’il n’enseigne pas et depuis sa retraite du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation des territoires en 2018, Pierre Poulin s’implique dans trois conseils d’administration estriens soit le Musée des sciences et de la nature, la Forêt communautaire Hereford ainsi que l’Observatoire du développement des communautés. De plus, il continue de superviser des essais (NDLR : travaux de fin d’études à la maîtrise en environnement). Comme loisir, l’observation des oiseaux le passionne depuis son adolescence. Il a même mis sur pied le club d’ornithologie de la Côte-Nord lors de son passage au CÉGEP nord-côtier. Il s’est également remis à la pêche et à la fabrication de mouches, mais surtout l’automne venu, il parcourt les forêts pour traquer l’orignal et le cerf de Virginie.

En lien avec les enjeux actuels en environnement et développement durable, que considérez-vous comme primordial parmi les compétences à développer par les futurs professionnels en environnement?

Premièrement, développer de la rigueur et du professionnalisme. Ensuite, comme nous vivons dans une société de droit, pour être un acteur de changement, il faut connaître les outils mis à notre disposition. Je vous donne un exemple : un promoteur veut implanter un projet controversé. Des citoyens engagés dans leur communauté réclament que le projet soit évalué par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Cette revendication spécifique – avant la dernière réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement – était vouée à l’échec. Pourquoi? Il fallait savoir que le ministre responsable du BAPE était lié par une liste de projets inscrits dans un règlement. Si le projet controversé ne se trouvait pas sur cette liste, le ministre n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’exiger que le BAPE évalue ce dossier. Dans ce cas de figure précis, les citoyens devaient plutôt demander au ministre de modifier le règlement – donc la liste – pour que des projets similaires puissent être évalués.

Mon exemple semble illustrer que le militantisme ne donne rien, mais tel n’est pas mon propos. Au contraire, mon propos est qu’il faut savoir « quoi » revendiquer pour faire évoluer la société. C’est important de provoquer les changements. Une chose que j’ai apprise lors de mes nombreuses années au gouvernement du Québec, c’est qu’on « donne de l’huile à la roue qui grince »! C’est-à-dire que les choses bougent quand les citoyens expriment leurs revendications au gouvernement. Avec les défis qui guettent la planète, il faut réclamer ces changements, et vite. Les futurs diplômés sont bien placés pour jouer un rôle clé en se fondant sur les connaissances apprises et développées lors de leur formation.

Une lecture ou un documentaire que vous jugez incontournable à la compréhension des défis actuels en environnement?

La Loi sur la qualité de l’environnement? … non pas vraiment, mais certainement le livre « Guide citoyen du droit québécois de l’environnement » de Jean Baril, publié chez Écosociété. C’est un ouvrage qui démocratise les aspects légaux du droit environnemental. Je le recommande à toutes et à tous.

Avez-vous une réalisation personnelle ou professionnelle dont vous êtes particulièrement fier?

Quand d’anciens étudiants m’interpellent, plusieurs années après leur avoir enseigné, et qu’ils me disent que le cours de droit a été un des plus importants éléments dans leur parcours et leur carrière. C’est pour cette raison que j’enseigne toujours avec passion.

Autre chose que vous aimeriez partager avec nos lecteurs?
Pour moi, cette citation illustre les défis que l’humanité doit surmonter dès maintenant :
« Nous menons une guerre contre la nature. Si nous la gagnons, nous sommes perdus. »
– Hubert Reeves


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