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Portrait d’Alexandra Beaulieu, une diplômée du CUFE

Quand nos choix de vie incarnent nos convictions

Alexandra Beaulieu est diplômée, depuis 2017, de la maîtrise en environnement – cheminement formation continue. Elle est également détentrice d’un diplôme de baccalauréat en génie mécanique de l’Université de Sherbrooke.

Lorsque ma première fille est née en 2004, j’étais grandement attristée par les prévisions de scénarios catastrophiques dus aux changements climatiques. Je ne pouvais accepter de voir grandir ma fille avec ce futur incertain. J’ai senti à ce moment l’urgent besoin de participer activement à la protection de l’environnement. Il était tout simplement inconcevable pour moi d’accepter d’être reléguée au rang de simple spectatrice impuissante.

Le désir d’Alexandra Beaulieu de participer à la transition écologique était difficilement réconciliable avec ses expériences de travail en génie mécanique. Elle a donc décidé, en 2005, de se retrousser les manches et de retourner sur les bancs d’école en s’inscrivant à la maîtrise en environnement offerte par le Centre universitaire de formation en environnement et développement durable (CUFE) de l’Université de Sherbrooke.

J’y ai trouvé des gens passionnés et convaincus que l’on peut faire une différence. Je me rappelle que les enseignants devaient régulièrement ajuster leurs cours : deux ou trois acétates, et hop, c’était parti pour des discussions exaltantes et relevées. Je m’ennuie de ces soirées de cours qui prenaient la forme de tables de discussions. Chacun provenant d’environnements de travail et de formations différentes, cela créait un milieu dynamique et enrichissant.

Alexandra a obtenu son diplôme de maîtrise en environnement en 2017, douze années après l’avoir débutée! Elle a choisi d’étudier à temps partiel puisqu’elle souhaitait continuer à travailler et développer sa carrière. Il faut dire qu’elle a aussi agrandi sa famille durant cette période.

Quelques semaines après le début de ma maîtrise, j’ai trouvé un emploi en environnement. Certes, la conciliation famille-études-travail fut ardue, mais cela en valait la peine. J’ai eu à ajuster mes objectifs : ma maîtrise en environnement prendrait plus de temps à terminer et je n’aurai pas tous mes enfants avant mes 30 ans!

Un parcours professionnel au gouvernement

Actuellement, elle est ingénieure pour la société d’État Transition énergétique Québec, créée en avril 2017 pour assurer la transition énergétique du Québec. Plus spécifiquement, elle fait partie de l’équipe de la réglementation et de normalisation dans la Direction générale des affaires stratégiques. Elle travaille dans ce domaine depuis douze ans. Une partie de son travail consiste à collaborer aux travaux menant à l’adoption de réglementations en efficacité énergétique des bâtiments, ainsi qu’à celles menant à une réduction de la consommation de produits pétroliers de ce secteur.

Au cours des deux dernières années, j’ai travaillé également à l’élaboration de stratégies gouvernementales qui devraient permettre au Québec d'atteindre sa cible de réduction des émissions de GES de 37,5 % sous les niveaux de 1990, à l’horizon 2030. Dans un premier temps, j’ai participé activement à l’élaboration du Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques 2018-2023 pour la thématique Résidentiel. Pour ce secteur, les mesures inscrites visent à réduire la dépendance des habitations résidentielles du Québec aux produits pétroliers et à en améliorer l’efficacité énergétique. Actuellement, je collabore à l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques du Québec 2030 pour les thématiques Résidentiel et Électricité.

Le Québec est un des rares endroits au monde à posséder d’aussi grandes capacités de production d’énergie renouvelable, essentiellement grâce à ses grandes centrales hydroélectriques. Ainsi, pour le secteur du bâtiment, la question n’est pas de savoir si la décarbonisation de l’énergie peut se faire, mais plutôt, à quelle vitesse elle peut se compléter. Avec la poursuite de l’électrification du parc immobilier, le Québec peut y parvenir, mais à condition d’implanter des solutions de réduction de la pointe électrique hivernale. C’est-à-dire ces quelques heures durant l’hiver où la demande électrique culmine.

Militante à sa manière

Les plus grands défis qu’Alexandra a vécus au cours de sa vie professionnelle sont les quatre grandes restructurations que son équipe a dû traverser. Dès le début, il y a douze ans, elle a vécu la sortie de son équipe du ministère des Ressources naturelles et de la Faune avec la création de l’Agence de l’efficacité énergétique caractérisée par une plus grande autonomie de gestion. Après seulement trois ans, le gouvernement abolissait cette agence pour retourner l’équipe au même ministère, pour ensuite, quelques années plus tard, revivre une deuxième sortie du ministère en devenant une société d’État. Et récemment, le gouvernement abolissait encore une fois cette instance afin de la réintégrer au même ministère.

Cette valse de restructurations exige chaque fois beaucoup d’ajustements. Dans ces périodes de transition, nous devons patienter avant de relancer l’ensemble de nos activités. Pour une personne comme moi dévouée à la cause de l’environnement et convaincue de l’urgence de compléter la transition énergétique, il est extrêmement difficile de vivre avec cette perte de productivité répétitive. Le découragement se fait sentir chaque fois. Mon plus grand défi professionnel consiste à contrôler ma frustration de ne pas pouvoir agir plus rapidement et à développer ma patience vis-à-vis de tous ces changements de structures.

Mais, malgré toutes ces embûches, Alexandra tient le coup et demeure au sein du gouvernement pour soutenir le Québec dans son objectif de transition énergétique.

Je continue parce qu’il est important d’avoir des militants pour l’environnement à tous les niveaux de notre société. Merci à tous les jeunes et moins jeunes qui marchent dans la rue, le mouvement se fait sentir jusque dans mon travail!

Un travail essentiel en lien avec l’urgence climatique

De l’été 2017 à l’hiver 2018, Alexandra a travaillé intensément avec ses collègues à l’élaboration du Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétiques 2018-2023. En très peu de temps, elle a rédigé un état des lieux pour la thématique Résidentiel, animé des rencontres interministérielles, participé à des tables de discussions lors de la consultation publique, pour finalement proposer des solutions pour réduire la dépendance des habitations résidentielles du Québec aux produits pétroliers et en améliorer l’efficacité énergétique.

Cet accomplissement me rend fière parce que j’ai dû accomplir mes tâches dans un temps record, mais surtout, parce que je sais que ce Plan directeur regroupe la majorité des actions qui devraient permettre au Québec de rencontrer ses cibles de réduction des émissions de GES. Et maintenant, j’ai la chance de participer à nouveau à l’élaboration de stratégies dans le cadre de l’élaboration du Plan d’électrification et de changements climatiques du Québec 2030.

Alexandra considère que la finalité de ce travail est d’une grande importance puisque ce plan fixe les actions jusqu’en 2030. Même si ce travail est exigeant – elle doit compléter des recherches et participer à plusieurs rencontres en l’espace d’un mois, en plus de poursuivre ses autres tâches régulières – elle est ravie de pouvoir participer activement à la lutte contre les changements climatiques.

Ces efforts prennent tout leur sens lorsque je prends mes enfants dans mes bras; je me sens en paix parce que je sais que je participe à améliorer leur futur. C’est valorisant et motivant de s’inscrire dans le mouvement mondial pour préserver la planète.

Une formation pertinente

La grande majorité des cours suivis durant sa formation en environnement sont directement liés à son travail : enjeux des changements climatiques et de l’énergie, droit en environnement, valeur des écosystèmes, chimie de l’environnement, évaluation des impacts, développement durable dans les organisations, etc.

Je puise continuellement dans mes bagages de connaissances pour me guider dans mon travail. Que ce soit pour participer à l’élaboration des stratégies de transition énergétique, pour rédiger des avis techniques afin de conseiller les ministres, ou encore, pour participer aux plans de développement durable, mes réflexions s’appuient constamment sur mes connaissances en environnement. De plus, la transition énergétique et les changements climatiques sont des sujets complexes qui nécessitent une approche systémique. Avec la formation multidisciplinaire acquise lors de la maîtrise, je me sens bien outillée pour transcender les façons de faire habituelles et pour développer une vision intégrative.

Une citoyenne en transition

Plus récemment, Alexandra a intégré la pratique du yoga accompagné de méditation. Dans une époque où nous sommes constamment pressés d’agir, le yoga lui permet de prendre du recul et d’avoir les pensées plus claires. D’ailleurs, ces enseignements lui ont appris avec le temps que la protection de l’environnement passe aussi par un grand travail sur soi : la compassion, la tolérance, le partage, l’égalité, le respect de notre prochain (humains, faunes et flores). Et aussi, que l’hyperindividualisme et l’égocentrisme omniprésents dans notre époque doivent laisser la place à un mouvement de collaboration et de solidarité.

L’enjeu du réchauffement climatique est planétaire. Pour réussir, il faut s’impliquer, apprendre à se parler, à s’écouter, à trouver les solutions ensemble. Plus nous devenons de meilleures personnes et plus nous maximisons nos chances de réussir.

Ainsi, en plus de participer à la lutte aux changements climatiques dans son travail, ses convictions de protection de l’environnement se manifestent concrètement dans sa vie personnelle :

- Réduction de notre consommation. Résister aux demandes de mes enfants est un défi en soi!

- Alimentation locale et cela demeure toujours un plaisir de discuter avec les producteurs.

- Valorisation des déchets en fin de vie. J’ai une boîte pour le fer, une pour les appareils électroniques, une pour les piles, etc. Pour l’instant, je passe encore pour une extraterrestre quand je vais porter mes boîtes de fer à la fonderie!!

- Réutilisation et réparation des vêtements. En résumé, ma couturière et mon cordonnier sont devenus des amis. Ma famille pense parfois que je suis dans le besoin, mais en réalité, c’est que je déteste le gaspillage.

- Ramasser les déchets par terre partout où je passe, je le faisais à cinq ans, et je n’ai jamais arrêté.

- Composter.

Une lecture salutaire

Alexandra recommande ce livre qu’elle a beaucoup apprécié : DEMAIN, LE QUÉBEC - Des initiatives inspirantes pour un monde plus vert et plus juste.

Dans mes moments de découragement au travail, je pense aux Québécois travaillant concrètement à améliorer l’environnement. Tout comme ces milliers de jeunes qui manifestent pour le climat, ils me procurent un nouveau souffle d’espoir. C’est en unissant nos forces que nous parviendrons à passer au travers de cette crise écologique. Certes, c’est un défi exigeant, mais nous pouvons être fiers de participer à ce mouvement historique.

Un mot sur l’espoir et les générations à venir

Et en terminant, voici un message d’Alexandra dédié à tous ces jeunes qui se demandent s’ils veulent mettre un enfant au monde. Elle se demandait la même chose il y a quinze ans, mais, aujourd’hui, elle est fière de voir ses filles marcher pour le climat.

Nous avons besoin de la jeunesse pour faire évoluer la société, cela inclut la jeunesse actuelle et celle que vous mettrez au monde. Et puis, il y a d’autres solutions qui existent pour contrer la surpopulation, à commencer par rendre disponibles les services de planification familiale à toutes les femmes du monde.

Chaque année, on compte 75 millions de grossesses non désirées (environ un tiers de toutes les grossesses) parmi les femmes dans les pays moins développés.
                                                                                   Population reference bureau, 2010

Lorsqu’elle ne travaille pas, Alexandra trouve un équilibre en se ressourçant dans la nature. Au travail, elle est constamment submergée par des lectures de scénarios catastrophiques. Afin de poursuivre son travail sans s’épuiser psychologiquement, elle sort dehors et pratique plusieurs sports, que ce soit la course à pied, la randonnée pédestre, le vélo, le canot, le kayak; toutes les occasions sont bonnes pour reprendre contact avec la nature. Pour elle, c’est vital. Et c’est une occasion de passer du temps de qualité avec ses enfants tout en les sensibilisant aux enjeux environnementaux.


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