Des biocarburants de 2e génération : un grand potentiel qui pose des défis aux chercheurs
Produire des carburants grâce au carbone contenu dans des résidus forestiers, agricoles ou domestiques est une idée prometteuse. Ces biocarburants de 2e génération, générés à partir de matières non comestibles, offrent un grand potentiel pour le Québec et le Canada. À terme, leur production permettrait d’éviter de diriger une partie du carbone vers les sites d’enfouissement. Toutefois, les chercheurs ont beaucoup de pain sur la planche pour en arriver à proposer des méthodes permettant de déployer la production de biocarburants à grande échelle, et surtout, à coût raisonnable. Spécialiste de la question, Jean-Michel Lavoie dirige la Chaire de recherche industrielle en éthanol cellulosique et en biocarburants de seconde génération. Ce professeur de la Faculté de génie proposait une conférence le 28 mars, durant la Quinzaine du développement durable.
Le professeur Lavoie et ses collègues développent deux plateformes de recherche. La première est consacrée à la production de carburants à partir de résidus de type lignocellulosiques. «Les résidus forestiers et agricoles, contenant de la cellulose, sont généralement associés à la catégorie appelée "éthanol cellulosique"», précise-t-il.
La seconde plateforme de recherche vise à valoriser les matières solides urbaines contenant du carbone, et qui ne sont pas recyclables ni compostables. «Cette avenue détournerait une partie du carbone de l'enfouissement, poursuit Jean-Michel Lavoie. Nos travaux de recherche sont faits en étroite collaboration avec deux compagnies de la région, soit Enerkem et CRB Innovations, ainsi que la compagnie Ethanol GreenField Québec inc. à Varennes.»
Développer des techniques rentables
La production de biocarburants à grande échelle pose un certain nombre de défis scientifiques et techniques aux chercheurs, à commencer par celui de pouvoir assurer une production à prix concurrentiel. «Les carburants sont des biens de commodité se vendant à faible prix mais pour lesquels la demande est grande. Produire des biocarburants à partir de substrats de seconde génération implique nécessairement des techniques un peu plus élaborées. Ces techniques sont inévitablement dispendieuses dans les premières années de leur instauration», explique le professeur Lavoie.
L’objectif des chercheurs est donc de concevoir et d'optimiser des procédés à l’échelle du laboratoire, tout en visant une réduction importante des coûts de production pour rendre les produits concurrentiels.
Adapter la production à la matière première
Si l’on veut produire des biocarburants à grande échelle, un autre enjeu à prendre en compte est l'approvisionnement continu de matière première, particulièrement s’il s’agit de résidus urbains.
«Comme l'essentiel du prix de la biomasse résiduelle est associé à son transport, il importe de s'approvisionner localement, dit le chercheur. Cette réalité implique également que la nature de la biomasse disponible sur un site sera vraisemblablement appelée à changer au courant de la saison. En fonction de cette restriction, les procédés de conversion se doivent d'être très polyvalents, pouvant s'adapter à différents type d'intrants tout en permettant de produire de façon homogène un produit de qualité, encore là, à coût compétitif.»
Un potentiel peu exploité
Jean-Michel Lavoie estime que le potentiel du Québec est très grand pour développer le créneau des biocarburants. Alors que la province consomme annuellement plus de 11 milliards de litres de produits pétroliers, elle pourrait faire face éventuellement à des problèmes d'approvisionnement. L'utilisation de biomasse représente une opportunité très importante. Au Québec, on estime que le volume de la biomasse lignocellulosique résiduelle (agricole et forestière) dépasse les 10 millions de tonnes par année. Par ailleurs, la biomasse actuellement expédiée à l'enfouissement offre aussi un grand potentiel qui reste à exploiter.
«Aucune usine de biocarburants de seconde génération n'est actuellement en fonction. Toutefois un des partenaires industriels de notre équipe, Enerkem, construit une unité pleinement industrielle à Edmonton. Donc actuellement diverses technologies sont en voie d'éclore à une échelle commerciale», conclut Jean-Michel Lavoie.