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Une étudiante et son projet de vie...pour toute une ville

Les villes en transition, l’autonomie alimentaire et l’implication citoyenne

Rob Hopkins, le fondateur du réseau de Villes en transition pose en compagnie de Laurence Williams lors de son stage à Totnes en Angleterre.
Rob Hopkins, le fondateur du réseau de Villes en transition pose en compagnie de Laurence Williams lors de son stage à Totnes en Angleterre.

Laurence Williams, fraîchement diplômée du baccalauréat en études de l’environnement, suit le chemin qu’elle s’est tracé à coup de convictions et d’engagement envers ses valeurs et sa communauté. « Je suis née à une époque où les problématiques des changements climatiques et du Pic pétrolier nous confrontent aux limites des systèmes en place. Cela nous oblige à réorganiser nos sociétés. Pour y arriver, nous devons développer une résilience et une certaine indépendance face aux marchés internationaux et aux marchés dépendants des énergies fossiles. »

Au cours des cinq dernières années, Laurence s’est impliquée auprès de plusieurs organismes en environnement au Québec : Greenpeace, Les Amies de la Terre de l’Estrie, Nature Québec, Équiterre, Vigilance OGM et Coule pas chez-nous. Ses expériences d’activiste l’amènent à réfléchir aux différentes façons de s’engager dans une cause : « Je me suis rendu compte qu’il existe un équilibre entre la réaction et la création. Je trouve important de donner mon avis et d'être active dans l'espace public, mais je trouve aussi important de participer aux solutions. Il faut créer du positif et des alternatives à ce qu'on dénonce. »

L’été dernier, Laurence Williams a quitté le Québec pour un stage d’études en Angleterre dans le village de Totnes. Qu’est-ce qui peut bien l’attirer si loin de ses engagements? « Je voulais passer du temps dans la première ville mondiale à avoir conçu et incarné le modèle des Villes en transition. Je voulais voir de l'intérieur les rouages d'un tel mouvement : côtoyer les activistes, analyser les problématiques internes, identifier les erreurs à ne pas reproduire et apprendre auprès des leaders internationaux en la matière. »

Laurence Williams souhaite participer à la transformation des sociétés d'une façon concrète et humaine, tout en étant pleinement cohérente avec ses valeurs.

Jardin collectif du groupe les incroyables comestibles de la ville de Todmorden.
Jardin collectif du groupe les incroyables comestibles de la ville de Todmorden.

Villes en transition

Située au sud de l'Angleterre dans l'état du Devon, la ville de Totnes abrite une population d’environ 8000 habitants. En 2006, elle est la première à mettre en place des solutions alternatives, entre autres, aux systèmes de transport et à l’alimentation. L’objectif principal vise à s’adapter aux changements climatiques en délaissant les énergies fossiles, le pic de production de celles-ci étant prévu pour environ 2020. Rapidement, ces initiatives inspirent des communautés partout à travers le monde et donnent naissance au mouvement Villes en transition.

Formé principalement de bénévoles, l’organisme Transition Town Totnes vise la réduction maximale de l’empreinte écologique liée au mode de vie humain. Toutes les semaines, dix cercles semi-autonomes composés de citoyens bénévoles de tous les âges et de toutes les nationalités se réunissent pour assurer la pérennité des projets en place. Ce fonctionnement permet d'éviter de reproduire une structure de gestion avec une hiérarchie conventionnelle. Il favorise de nouvelles façons de faire respectant la dimension humaine et le désir de transformation des rapports sociaux, ce qui encourage la gestion participative et le partage du pouvoir par le « communityship ».

« Ces choix créent une vie communautaire riche, authentique et diversifiée. Les comités semi-autonomes travaillent principalement sur les thématiques suivantes : la sécurité alimentaire, le commerce équitable, l’agriculture biologique, les transports durables, l’écoconstruction, les arts et expression, la santé et le bien-être, ainsi que l’éducation. Tous les besoins de base des citoyens ont été repensés pour y inclure une vision alternative qui s’incarne par des solutions concrètes, collectives, créatives et positives! », s’enthousiasme Laurence.

Durant son stage de trois mois, elle a travaillé sur divers projets liés à l’autonomie de la municipalité :

  • Incroyables comestibles : projets de jardins urbains comestibles « Self-service »
  • Plantation d'arbres fruitiers dans l'ensemble de la ville
  • Mise sur pied d'un moulin communautaire (les citoyens vont eux-mêmes moudre leurs céréales et leur farine, afin de diminuer ainsi le nombre d’intermédiaires dans le processus de transformation)
  • Forum pour les entrepreneurs locaux, promotion de l'entrepreneuriat local et durable et financement par la communauté de ses projets (microfinance et prêts entre particuliers)
  • Organisation qui récolte les vieux meubles et objets, les répare et les revend
  • Développement d'une plateforme d'achats en ligne de produits fermiers locaux
  • Journée portes ouvertes des fermes biologiques de la région
  • Festival de films environnementaux de Totnes
  • Transition Cafe : un café qui n'utilise que de la nourriture récupérée des « déchets » des grandes surfaces dans la région des Pays de Galles
  • Aide sur une ferme biologique maraîchère à Totnes
  • Groupe de bénévoles qui récupèrent les fruits et légumes non récoltés ou non utilisés et les redistribuent à des populations vulnérables

Un de ses objectifs consiste à se familiariser avec plusieurs « langages » ou discours utilisés sur la place publique, mais aussi dans les coulisses de la négociation. La dimension multidisciplinaire du baccalauréat en études de l’environnement lui a été utile; elle connaissait déjà le langage de l'activiste, de l’engagée et celui du cœur. Elle connaît maintenant celui du juriste, du politicien et du scientifique.

Boulangerie communautaire où les citoyens participent eux-mêmes à la confection des pains du village.
Boulangerie communautaire où les citoyens participent eux-mêmes à la confection des pains du village.

Un modèle transposable

Le concept de Ville en Transition s’impose comme une solution plausible au problème criant des changements climatiques, de l’agriculture industrielle et de la mondialisation qui fragilise l’économie des régions.

Actuellement, le système économique des pays industriels repose presque entièrement sur les énergies fossiles. « L’agriculture conventionnelle nécessite l’utilisation de pétrole pour la production, la transformation, l’emballage, le transport et même l’achat des aliments. Le système de santé doit transporter et transformer de grandes quantités de médicaments où l’utilisation du pétrole est présente à de nombreuses étapes. Les matériaux de construction sont à 50 % composés d’énergies fossiles », rappelle Laurence. « Durant mon stage, j'ai aussi réalisé plus d'une dizaine d'entrevues avec les activistes ayant démarré Transition Town Totnes afin de vraiment comprendre les rouages et dynamiques à l'interne. »

En juin dernier, un groupe de citoyens sherbrookois organise le visionnement du documentaire DEMAIN. Suite à la représentation, ce comité se réunit pour discuter des possibilités d’initier des projets stimulants à Sherbrooke. « Avec quelques personnes, nous avons créé un groupe Sherbrooke en Transition et tenons des réunions toutes les deux semaines pour échanger sur la vision, les stratégies et tenter de démarrer un mouvement de changements à Sherbrooke. »

Laurence ramène de son stage à Totnes une foule d’informations utiles pour ce nouvel engagement. « J'ai identifié les bons et moins bons coups, afin de cibler les points à reproduire et ceux à éviter. J'ai réussi à formuler des critiques et des réflexions en lien avec la colonisation par les idées, la personnification des mouvements et la parité hommes-femmes dans les mouvements sociaux. J'ai constaté que les gens de Totnes ont une belle facilité à médiatiser leurs idées tout en étant super humains et accessibles. » En plus de son implication dans le groupe Sherbrooke en transition, elle compte mettre en ligne un blog sur les initiatives de transition de Totnes et de Sherbrooke. Elle aimerait y déposer les montages vidéo de plusieurs discussions qu’elle a enregistrées avec les fondateurs de Transition Town Totnes.

« Cette expérience m'a permis de réaliser un rêve en plus de représenter un merveilleux tremplin vers la création d'initiatives de transition au Québec! »


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