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Production au certificat d’études féministes et des genres

Au détour de l’intersectionnalité

Photo : Michel Caron – UdeS

Comment éviter de heurter les autres sur les routes ou, même, au détour d’un corridor? Vérifier nos angles morts, c’est un bon début. Et si ce n’est pas sorcier en voiture, c’est parfois plus difficile dans notre conduite avec autrui. Consciente des défis, Mélanie Therrien nous propose un guide ludique pour naviguer entre les intersections.

Les intersections? Imaginons un labyrinthe. Plus il contient de croisements, plus il sera difficile à résoudre.

L’intersectionnalité reprend le même principe : plus une personne porte d’identités sociales discriminées, plus sa réalité sera complexe – et son parcours, potentiellement compliqué. Ainsi, une lesbienne noire subira des pressions différentes de celles vécues par une hétérosexuelle blanche. Comme les pressions varient, les besoins et les solutions aussi.

L’intersectionnalité ne vise pas à instaurer une compétition entre les oppressions. La question qu’elle pose n’est pas « combien souffres-tu? », mais bien « comment vis-tu? ». En d’autres mots : à quoi ressemble ton labyrinthe?

Les organisations destinées à appuyer les femmes dans leurs luttes gagnent donc à mieux comprendre les nuances dans l’expérience de ses membres – de toutes ses membres. Et ça commence par vérifier ses angles morts.

Quand on travaille tous les jours, le temps manque souvent pour la recherche d’information. Alors c’est plus facile de découvrir un sujet à partir de pistes de départ. J’ai voulu ouvrir une porte à la réflexion, en regroupant des contenus de qualité sur plusieurs oppressions.

Mélanie Therrien

Sa Boîte à outils pour une approche féministe intersectionnelle couvre le sexisme, l’homophobie, le racisme, la grossophobie, le capacitisme, le classisme et la transphobie. Ces catégories sont précédées d’un survol historique et d’une réflexion sur l’intersectionnalité dans les luttes féministes.

Photo : Fournie

Réalisé pour conclure le certificat en études féministes et des genres de Mélanie et destiné d’abord à l’équipe du Centre des femmes Memphrémagog, ce projet devait compter, à l’origine, une petite quinzaine de pages… Il en contient 109. Malgré son ampleur, il reste accessible et facile à consulter.

Ce n’est pas un roman; c’est un coffre à outils. Pas besoin de lire les contenus de A à Z. On peut piocher dans un sujet moins familier, fouiller plus ou moins profondément, opter pour un balado ou une vidéo, si la lecture demande trop d’énergie à ce moment-là.

Mélanie Therrien

En effet, Mélanie a varié le format et la durée des contenus proposés. Appuyée par sa fille Coralie, graphiste de formation, elle a aussi soigné l’apparence de la boîte à outils. De cette façon, elle espère maximiser les chances que sa boîte à outils voyage, qu’elle rejoigne le plus d’organisations – et de personnes – possible.

Pourquoi? Parce qu’une sensibilité intersectionnelle se reflète dans les décisions sur le terrain, parfois de manière très terre à terre.

Est-ce que les locaux du groupe sont accessibles à tout le monde, y compris aux gens en chaise roulante? Dans la salle d’attente, est-ce qu’il y a des sièges pour accueillir toutes les formes et les tailles de corps?

D’ailleurs, le voyage du projet a déjà commencé.

Le Centre des femmes Memphrémagog s’en nourrit depuis juillet : « Personnellement, la boîte à outils de Mélanie m’a fait réaliser que le concept d’intersectionnalité évolue. Elle s’est révélée une base de discussion précieuse pour notre équipe, notre conseil d’administration et plusieurs de nos membres », explique Binta Kante, coordonnatrice.

Binta Kante, coordonnatrice du Centre de femmes Memphrémagog
Binta Kante, coordonnatrice du Centre de femmes Memphrémagog
Photo : Fournie (Patrick Poirier, directeur général des Fantastiques de Magog)

Pour nous, cette boîte à outils représente un véritable levier de transformation. Elle permet de mieux comprendre que l’intersectionnalité n’est pas là pour diviser, mais pour éclairer les réalités complexes que vivent les personnes, chacune à leur manière. Cette approche met en lumière les pressions systémiques partagées, tout en reconnaissant les différences. Nous avons l’intention de partager la boîte à outils avec nos partenaires et de l’intégrer à des activités d’échanges, comme des cafés-rencontres, afin de nourrir les réflexions et de renforcer les solidarités.

Binta Kante, coordonnatrice du Centre des femmes Memphrémagog

Jusqu’où Mélanie imagine-t-elle son projet se rendre? « Il peut servir dans tellement de contextes… Aux organisations féministes, oui, mais aussi dans les cours de plusieurs domaines – histoire, politique, communication ou sociologie, par exemple – et à plusieurs niveaux, tant au secondaire qu’au cégep et à l’université. »

Mon rêve, c’est qu’une relève se présente pour décliner la boîte à outils sur un site Web et la rendre encore plus conviviale. Qu’il y ait une mise à jour régulière aussi… Parce que, par essence, ces contenus-là sont appelés à évoluer.

Mélanie Therrien

Si Mélanie souhaite une relève, c’est que son voyage à elle se poursuit aussi.

Malgré une vie parfois cahoteuse, où se mêlaient travail autonome et maternité, séparation et COVID longue, elle a cheminé dans un retour majeur aux études. Du certificat en études féministes et des genres, elle s’est lancée dans un baccalauréat en histoire, maintenant terminé.

Mais, au milieu du tumulte, Mélanie a croisé des refuges à l’université, sous les traits de personnes bienveillantes, à la fois dans la communauté étudiante et le corps enseignant. Elle tient d’ailleurs à remercier Stéphanie Lanthier, chargée de cours à forfait en histoire, « pour tout ».

Cet automne, Mélanie entame une maîtrise en histoire féministe lesboqueer. Comme quoi, la lumière nous attend parfois au détour.

Et vous, à quoi ressemble votre labyrinthe?


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