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Un stagiaire auprès des personnes atteintes et leurs proches

Développer le rôle du psychologue pour mieux faire face à l’Alzheimer

Marc-André Raymond, doctorant en psychologie
Marc-André Raymond, doctorant en psychologie
Photo : Michel Caron

Alzheimer. Une maladie dont le nom fait frémir. Un diagnostic brutal qu’ont déjà reçu un demi-million de Canadiens. Des statistiques inquiétantes pour une population vieillissante. Et toujours, une grande impuissance pour les personnes qui en souffrent, et leurs proches. Doctorant en psychologie, Marc-André Raymond connaît bien cette problématique. Très tôt, il a côtoyé une grand-mère atteinte de la maladie, ce qui l’a amené à s’engager dans les organismes qui aident les familles. Maintenant au doctorat clinique, le futur psychologue a effectué un stage au sein de la Société Alzheimer de l’Estrie. Son objectif : améliorer sa connaissance de la maladie au regard de sa future carrière, et promouvoir le rôle du psychologue comme ressource pour aider les malades et leurs proches.

Rechercher l’apaisement

Le travail du psychologue repose en grande partie sur la communication. Mais comment intervenir auprès d’un patient dont la mémoire flanche au bout de quelques minutes? Marc-André Raymond estime que le thérapeute doit changer sa façon de mesurer l’effet de son intervention.

«Si l’on part de l’hypothèse selon laquelle la mémoire affective reste fonctionnelle, il est possible de tendre vers un certain bien-être émotionnel chez la personne, dit-il. On constate parfois un apaisement en observant le non-verbal de la personne. On ne peut pas lui demander : "Comment vous sentez-vous maintenant?". Mais si on décèle que la personne est apaisée, qu’elle nous dit se sentir moins angoissée, on a aussi fait notre travail.»

L’étudiant estime par ailleurs qu’il est bénéfique d’intervenir le plus tôt possible auprès des gens atteints d’Alzheimer, une fois le diagnostic connu. En développant une relation avant que la mémoire ne soit trop effritée, il est davantage possible de maintenir un lien de confiance avec le patient, malgré l’évolution de la maladie.

Intervenir tôt

Le premier défi du psychologue qui intervient auprès d’une personne atteinte d’Alzheimer est d’amener celle-ci à «dépasser la peur et l’impuissance que génère un tel diagnostic», poursuit Marc-André Raymond. Cette nouvelle constitue inévitablement un choc, et appelle les gens à faire un deuil. «Souvent, les personnes atteintes réagissent par un certain déni. Il est difficile de dire si ce déni est de nature biologique – réaction de défense face à un choc trop grand – ou psychologique, certains refusant d’envisager une perte d’autonomie.»

Le doctorant considère que dans une majorité de cas, la présence d’un psychologue dès l’annonce du diagnostic permet d’établir un premier lien et de se faire connaître comme ressource auprès des malades. «Chaque personne réagit à sa manière face à la maladie, explique-t-il. Si certaines d’entre elles n’acceptent jamais leur condition, d’autres chercheront un jour ou l’autre à surmonter le verdict, et souhaiteront profiter des quelques bonnes années de qualité de vie qu’il leur reste.» D’autres personnes vivent un grand sentiment d’urgence : «Certains patients souhaitent profiter d’une dernière chance de corriger des situations de conflits avec des proches.»

Cela dit, Marc-André Raymond constate que plusieurs personnes atteintes d’Alzheimer hésitent encore à se tourner vers un psychologue. À leurs yeux, cette spécialité est associée à la maladie mentale.

Aider les proches

«C’est un début, dit-il. Comme psychologues, nous devons déblayer le chemin et démystifier comment l’on intervient auprès des patients. Sur le terrain, nous essayons de ne pas arriver avec de "gros sabots" et intervenons sans trop insister sur l’étiquette de psychologue.» Le stagiaire croit que la génération de baby-boomers sera plus encline à recourir aux services de psychologues.

Dans le cadre de son stage, Marc-André Raymond est également intervenu auprès des proches de personnes diagnostiquées. Pour plusieurs d’entre eux, la situation est déstabilisante et ils ne savent trop comment réagir face à certains comportements du malade qui peuvent réveiller des souvenirs douloureux. «Le psychologue peut fournir des pistes pour désamorcer certaines réactions chez les proches. Certains nous disent : "J’ai appris des choses sur moi-même et je ressens moins de colère envers la personne atteinte"», illustre-t-il. Quelques situations amènent le praticien à intervenir simultanément chez le malade et un proche.

Une voie d’avenir

Marc-André Raymond est persuadé que le rôle des psychologues est appelé à se développer auprès des gens atteints d’Alzheimer et leurs familles. Le stage qu’il effectuait constituait d’ailleurs une première au sein d’une société Alzheimer, alors que généralement, les stages sont assumés par de futurs travailleurs sociaux.

L’étudiant estime qu’une plus grande collaboration interprofessionnelle entre cliniciens, neuropsychologues et spécialistes de la gérontologie est souhaitable pour accompagner un nombre grandissant de personnes, et trouver des moyens de mieux vivre avec cette maladie. D’autre part, les besoins risquent de croître ces prochaines années. «La situation est meilleure qu’il y a dix ans et un certain soutien psychologique est offert individuellement ou en groupe, mais il reste énormément de travail à faire pour les malades et leurs proches», dit-il.

Chose sûre, Marc-André Raymond prévoit continuer d’apporter sa contribution au cours de sa future carrière.