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Grande conférence avec Mélissa Mollen Dupuis

Un regard autochtone sur l’éducation, l’activité physique et la santé

Mélissa Mollen Dupuis, animatrice, militante autochtone, environnementaliste, comédienne et réalisatrice 
Mélissa Mollen Dupuis, animatrice, militante autochtone, environnementaliste, comédienne et réalisatrice 
Photo : UdeS Michel Caron

Le mardi 31 janvier 2023, dans le cadre des Grandes conférences, la Faculté des sciences de l’activité physique en collaboration avec la Faculté d’éducation et le vice-rectorat aux études, ont eu le plaisir de recevoir Mélissa Mollen Dupuis, militante autochtone et environnementaliste, à titre de grande conférencière. L’auditorium René-Hivon était comble devant cette femme au parcours et à l’engagement admirables!

Après une introduction enthousiaste de Patricia-Anne Blanchet, conseillère en pédagogie autochtone à la Faculté d’éducation ainsi qu’à l’UdeS et de la professeure Sylvie Beaudoin, de la Faculté des sciences de l’activité physique, Mme Mollen Dupuis a partagé avec passion et générosité ses réflexions quant à l’inclusion des perspectives autochtones dans l’enseignement, l’activité physique et la santé.

Je vous partage ma perspective autochtone, mon expérience de vie personnelle et j’espère que ce partage va pouvoir vous ouvrir des portes pour rencontrer d’autres personnes et rajouter ces perspectives dans votre pratique d’enseignement de tous les jours .

Mélissa Mollen Dupuis, membre de la communauté innue d’Ekuanitshit (Mingan)

La décolonisation de nos visions

Mélissa Mollen Dupuis a d’abord parlé de sa vision de la décolonisation : « C’est aussi la décolonisation de nos regards, de nos perspectives autour de c’est quoi la santé et c’est quoi l’éducation physique. Il y a encore un regard qui est très biaisé, qui est très colonisé et très capitaliste autour de la condition physique et du rapport au vieillissement. »

Il y a beaucoup de défis pour les personnes enseignantes qui vont pratiquer dans les communautés autochtones. Selon Mélissa Mollen Dupuis, lorsque certaines personnes arrivent avec un esprit de sauveur, avec des connaissances et des points de vue à imposer, cela crée un choc de vision : « L’ayant vécu depuis plusieurs années, avec des écoles et des visions imposées, les membres de la communauté ont le réflexe de se protéger et d'éviter les interactions. » Elle conseille d’arriver en milieu scolaire autochtone avec un esprit libre, d’être ouvert aux nouvelles perspectives, aux enseignements ancestraux et à la décolonisation de sa pensée.

Le potentiel d’une meilleure compréhension mutuelle pour surmonter les défis actuels est grand selon elle : « On peut guérir des choses beaucoup plus vite, beaucoup plus facilement, quand on partage quelque chose ensemble, quand on a une mission commune, et quand on le vit dans une réalité qui est beaucoup plus humaine. »

Œuvrer pour les sept prochaines générations

Photo : UdeS Michel Caron

Le Atshen est un personnage mythique innu représenté comme un ogre cannibal, mangeur d’hommes. Un humain devient un Atshen lorsqu’il dépasse les limites des tabous, lorsqu’il mange plus que ce dont il a besoin. La société capitaliste prend les ressources à sa disposition sans se soucier des futures générations. Mme Mollen Dupuis souligne que les comportements actuels des humains tendent vers la destruction de leur habitat naturel, symptôme de l’effritement de la relation ancestrale au territoire, de la rupture avec la transmission intergénérationnelle. Chez les peuples autochtones, la vision est différente : « Chez nous, ce sont les jeunes qui ouvrent le chemin dans la neige alors que les kukums, les personnes ainées, le ferment, pour s’assurer que personne n’est laissé derrière. Elles ont confiance que les jeunes devant ne les oublieront pas, car elles savent que leur rôle est respecté. » La conférencière est d’avis qu’avec les comportements destructeurs de notre époque, qui prennent peu compte de celles et ceux qui ont marché avant nous et de celles et ceux qui suivront, nous devenons tous en quelque sorte des Atshen qui dévorons le futur des sept prochaines générations. Il n’est pas non plus question de vivre dans une extrême simplicité selon elle : « L’idée est que lorsque l’on pense à ce que l’on fait, qu'on est conscient de ce que ça coûte, on peut ainsi agir de meilleure façon. »

Inclure les histoires et les points de vue autochtones

Mélissa Mollen Dupuis prône que pour décoloniser les esprits, nous devons nous ouvrir à d’autres histoires et points de vue. C’est il y a une quinzaine d’années que la militante autochtone a commencé son propre processus de décolonisation : « Je me suis tournée vers les enseignements ancestraux. J’ai commencé à marcher et à remonter une pente tranquille. Ça s’est installé tranquillement. Peu à peu, j’ai pu ramener les savoirs, retrouver l’accès à la forêt. »

Selon la porte-parole des forêts pour la Fondation David Suzuki, la société colonialiste nous a appris à consommer la forêt et à vivre notre lien à la nature comme un moment de consommation ou de compétition, sans réellement regarder ce qui nous entoure : « Nous oublions de prendre le temps de contempler la beauté, la richesse et la complexité du miracle naturel qui s’offre à nous. C’est avec cela qu’il faut se reconnecter. » Vous vous demandez ce qu’est un bain de forêt? C’est simplement le fait d’être en forêt et de prendre le temps de marcher plus lentement en s’imprégnant de la nature. Pour en savoir plus sur le sujet, voici une vidéo où Mélissa Mollen Dupuis vous propose une de ces expériences immersives : Bain de forêt avec Melissa Mollen Dupuis.

L’importance de la perspective autochtone en éducation et dans les sports

La Faculté d'éducation et la Faculté des sciences de l'activité physique se sont dites conscientes des injustices et des traumatismes que les peuples autochtones ont vécus, conscientes aussi du fait qu’ils subissent encore les conséquences du colonialisme. Elles ont la volonté d'œuvrer au rapprochement et à la réparation entre autres par la reconnaissance des savoirs autochtones.

En tant que personnes œuvrant dans le monde de l’éducation, il est de notre responsabilité de contribuer à une inclusion des perspectives autochtones qui soit sensible, pertinente et basée sur le respect et la réciprocité avec les Premiers Peuples.

Patricia-Anne Blanchet, conseillère en pédagogie autochtone.

Les facultés hôtes ont tenu à remercier Mélissa Mollen Dupuis pour sa visite marquante à l’UdeS en soulignant sa générosité et la vérité de ses enseignements et espèrent que le regard autochtone sur l’éducation, l’activité physique et le sport qu’elle a partagé aura pour effet d’inspirer les personnes formatrices quant au potentiel immense de l’inclusion des savoirs autochtones dans nos programmes de formation et au-delà, dans la société. 

J’ai eu la chance de voir notre invitée en conférence lors d’un colloque cet automne où il était question de développement psychosocial par le sport et le plein air. J’ai été soufflée par son regard différent qui me faisait voir la réalité sous une tout autre perspective. C’est cet élan de fraîcheur que j’avais envie de partager avec vous aujourd’hui en lui proposant de l’accueillir chez nous, à l’Université de Sherbrooke.

Sylvie Beaudoin, professeure à la Faculté des sciences de l’activité physique

Témoignages de personnes participantes

Photo : UdeS Michel Caron

C’est une immense chance de recevoir une si puissante porteuse de la tradition orale.  Tshinashkumitin Mélissa!

Patricia-Anne Blanchet, conseillère en pédagogie autochtone.

Vraiment belle rencontre et plusieurs apprentissages… Le moment le plus touchant pour moi, l’explication des jeunes qui vont en éclaireur à l’avant et les grands-mères qui s’assurent que tout le monde se rende… ça et l’épaisseur de la tortue… ça remet en perspective la place qu’on occupe dans le monde. Merci!

Anne Lessard, doyenne de la Faculté d’éducation

Un mot pour dire à quel point j’ai apprécié la conférence de Mélissa Mollen Dupuis! Sincèrement, il y a longtemps que je n’avais pas été aussi nourrie dans une rencontre universitaire!

Christiane Blaser, professeure titulaire au Département de pédagogie

Llame, Niaut! 

À propos de la conférencière 

Membre de la communauté innue d’Ekuanitshit (Mingan), Mélissa Mollen Dupuis est une animatrice, militante autochtone, environnementaliste, comédienne, réalisatrice et maman de deux jeunes enfants. Elle anime présentement entre autres l’émission hebdomadaire Kuei! Kwe! à la chaîne Ici Première de Radio-Canada. Elle est également responsable de la campagne Forêts à la Fondation David Suzuki, est présidente de l’organisme Wapikoni mobile et a co-fondé la branche québécoise du mouvement Idle No More. Elle a obtenu de multiples honneurs, dont le prestigieux prix Ambassadeur de la Conscience décerné par Amnistie Internationale en 2017.

Nous reconnaissons que le Campus principal de l’Université de Sherbrooke est situé sur le territoire ancestral de la Nation W8banaki, le Ndakina. Nous remercions les gardiennes et les gardiens du Ndakina de nous permettre d’y apprendre et d’y enseigner. 

K'wlipaï8ba W8banakiak wdakiw8k 


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