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Entrevue avec le Dr Michel Gagner

L’art de guérir, le don d’innover : portrait d’un chirurgien d’exception diplômé de l’UdeS

Le Dr Michel Gagner
Le Dr Michel Gagner
Photo : Fournie

Né à Montréal, le Dr Michel Gagner, figure emblématique de la chirurgie moderne, débute son parcours académique à Sherbrooke, là où s’était établie sa famille qui avait quitté la région montréalaise.

Il effectue ses années de secondaire et de collégial au Séminaire de Sherbrooke, puis, inspiré par la carrière de gynécologue de son père, choisit d'entreprendre son cursus médical à la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l’Université de Sherbrooke en 1978.

J’ai été admis dans d’autres universités, mais les cours s’échelonnaient sur cinq ans, comparativement à quatre à l’UdeS. Comme je savais que je voulais me spécialiser en chirurgie, et que ce parcours serait très long, j’avais avantage à réduire d’un an ma médecine généraliste. C’était un bon choix pour moi, en plus, j’ai pu bénéficier d’un grand soutien de ma famille et de sa proximité.

En 1982, avec un premier diplôme en poche, c’est à l’Université McGill qu’il poursuit ses études et sa résidence à l’Hôpital Général de Montréal en chirurgie, une spécialité qu’il décrit comme « mal connue du public, mais essentielle ». Il souligne son rôle central dans les hôpitaux, couvrant un large éventail d’interventions : traumatismes, cancers, endoscopies, césariennes, etc. Bien souvent, un chirurgien doit être habileté à faire un peu de tout, principalement dans les plus petits établissements.

Visionnaire de la chirurgie mini-invasive

Après avoir étudié la chirurgie générale, il se spécialise en chirurgie hépatobiliaire.

Dans les années 1980, c’était encore l’époque des chirurgies ouvertes. Début 1990, en regardant ce qui se fait ailleurs, j’ai commencé à introduire la laparoscopie au Québec dans un laboratoire de Montréal. Nous étions des pionniers en la matière, et on voyait tous les bénéfices car les patients guérissaient plus rapidement.

Il organise des cours pour former la majorité des chirurgiennes et chirurgiens québécois à cette approche mini-invasive, qui consiste à diagnostiquer grâce aux caméras. Il réalise plusieurs premières mondiales à Montréal, avec des chirurgies du foie, du pancréas et des glandes surrénales par laparoscopie.

Ambitions internationales

Malgré son expertise, il se heurte à des résistances institutionnelles lorsqu’il tente d’introduire la chirurgie bariatrique à l’Hôtel-Dieu de Montréal, jugée trop expérimentale. Ce refus marque un tournant : en 1995, il est recruté par la Cleveland Clinic, où il fonde un programme de chirurgie bariatrique mini-invasive.

Après son séjour à Cleveland, il poursuit ses ambitions à l’international, d’abord à Manhattan, notamment au Mount Sinaï et à Cornell, ensuite à Miami et au Moyen-Orient… partout, il perfectionne la chirurgie bariatrique et développe des centres de chirurgie mini-invasive. Dans ses laboratoires d’enseignement, il forme des centaines de fellow résidents en chirurgie à travers la planète.

C’est en juillet 1999 qu’il réalise la première gastrectomie longitudinale mondiale, communément appelé sleeve, qui encore aujourd’hui, est la chirurgie bariatrique la plus pratiquée pour contrer les problèmes d'obésité.

Opération Lindbergh, une première mondiale

Le 7 septembre 2001, à New York, l’équipe du professeur Jacques Marescaux et du Dr Gagner réalisent avec succès la première opération de téléchirurgie, baptisée Opération Lindberg.

Nous avions un robot qui s’appelait le ZEUS™, grâce auquel nous avons pu pratiquer la première chirurgie transatlantique. Nous avons fait une ablation de la vésicule biliaire sur une patiente à Strasbourg alors que notre équipe était à New York. La liaison se faisait par fibre optique transatlantique, nous permettant d’opérer à 7 000 kilomètres de distance.

L'équipe du Dr Gagner à l'œuvre durant l'Opération Lindbergh
L'équipe du Dr Gagner à l'œuvre durant l'Opération Lindbergh
Photo : Fournie

Cette prouesse ne parait qu’à la fin du mois de septembre dans le magasine Nature, puisque les évènements du 11 septembre 2001 bouleversent le monde médiatique. Mais c’est tout de même grâce à cet événement que l’Université de Sherbrooke lui décerne le prix d’ambassadeur de la Faculté de médecine et des sciences de la santé lors du Gala du Rayonnement en 2002.

Photo prise en 2002 alors que le Dr Gagner travaille au Mount Sinaï  à New York.
Photo prise en 2002 alors que le Dr Gagner travaille au Mount Sinaï  à New York.
Photo : Fournie

Retour aux sources

En 2010, il revient au pays avec une vision claire : moderniser le système de santé québécois. Pressenti pour devenir le chirurgien en chef du CHUM, il décide plutôt d’ouvrir une clinique de chirurgie privée, tout en continuant d’opérer dans certains hôpitaux de Montréal.

J’ai développé la chirurgie privée parce que mon expérience aux États-Unis, et ailleurs dans le monde, m’a fait réaliser qu’il manque quelque chose au Québec. En ayant travaillé dans 48 pays et plus de 60 établissements, je sais qu’il est possible d’améliorer les services aux patients en faisant les choses différemment.

Face aux limites du réseau public, il fonde en 2017 le Centre de chirurgie Westmount Square, puis acquiert le Centre métropolitain de chirurgie, aujourd’hui le plus grand centre canadien de chirurgie d’affirmation de genre, entre autres spécialisations. Il milite pour un modèle hybride public-privé inspiré de la France, où l’État rembourse la majorité des soins réalisés en cliniques privées, et les assurances privées paient la balance.

En faisant certaines chirurgies financées par la RAMQ, nous réduisons les listes d’attente de certaines interventions. Je considère que nos services privés permettent de sauver des vies, car plusieurs patients souffrent longtemps avant d’avoir accès à une opération, mais j’ai parfois l’impression de ramer à contre-courant.

Au cœur de la salle d'opération, le Dr Gagner et une infirmière du Centre de chirurgie Westmount Square.
Au cœur de la salle d'opération, le Dr Gagner et une infirmière du Centre de chirurgie Westmount Square.
Photo : Facebook

Une famille engagée

La famille Gagner est au cœur de cette aventure professionnelle. Ensemble, ils voyagent à travers le monde, au fil des déplacements du chirurgien. Même lorsqu’ils étaient plus jeunes, ses enfants l’accompagnaient souvent dans ses nombreux congrès et conférences, et ils en profitaient pour allonger leur séjour sous forme de vacances. Aujourd’hui, deux de ses fils travaillent dans l’administration de ses centres chirurgicaux, un autre étudie la médecine, et son épouse avocate gère les aspects juridiques et contractuels. Même ses belles-filles s’impliquent dans les cliniques.

Nous sommes des passionnés! Et je voulais que mes fils comprennent ce que je fais et pour quoi je le fais, et leur transmettre cet amour du métier.

Deux des fils du Dr. Gagner, Guillaume Lapointe-Gagner et Maxime Lapointe-Gagner accompagné d’Anthony Khoury lors du Gala World Without Obesity, un organisme qu’il a  fondé pour lutter contre l’obésité.
Deux des fils du Dr. Gagner, Guillaume Lapointe-Gagner et Maxime Lapointe-Gagner accompagné d’Anthony Khoury lors du Gala World Without Obesity, un organisme qu’il a  fondé pour lutter contre l’obésité.
Photo : Facebook

Pas de retraite en vue

À 65 ans, le Dr Michel Gagner n’a rien perdu de sa passion ni de son ambition.

Toujours à la fine pointe de l’innovation, Dr Gagner explore aujourd’hui la chirurgie magnétique, utilisant des aimants pour créer des connexions internes sans sutures ni agrafes. Il voit dans la combinaison de la robotique, de l’intelligence artificielle et de cette technologie une révolution à venir dans les soins chirurgicaux.

Distinctions

Durant ces quatre décennies de carrière comme chirurgien, le Dr Gagner a reçu des dizaines de distinctions et de prix plus prestigieux les uns que les autres. En avril 2024, l’Académie nationale de chirurgie de France lui a remis la médaille internationale Marie Lannelongue, qui n’est décernée qu’aux cinq ans. Elle récompense un chirurgien qui a réalisé la découverte chirurgicale la plus remarquable ou mené des travaux particulièrement utiles à la chirurgie en tant qu’art et science.

Le Dr Gagner qui reçoit fièrement la Médaille Marie Lannelongue, témoignant de la reconnaissance de ses découvertes dans le domaine de la chirurgie.
Le Dr Gagner qui reçoit fièrement la Médaille Marie Lannelongue, témoignant de la reconnaissance de ses découvertes dans le domaine de la chirurgie.
Photo : Fournie

Éminent professeur, le Dr Gagner estime avoir formé plus de 20 000 spécialistes et avoir opéré un nombre incalculable de patientes et patients durant sa carrière. Chirurgien chevronné, il a d’ailleurs publié plus de 300 articles de revues, 40 chapitres de livres et plusieurs livres sur la chirurgie mini-invasive.