L'Halloween peut-elle causer des nuits blanches aux enfants?
Différents facteurs peuvent perturber le sommeil des petits, explique Valérie Simard, professeure de psychologie, qui a mené différentes recherches sur le sommeil de l'enfant
Dans quelques jours, des petits monstres, zombies et fantômes reviendront hanter nos rues sombres. Autour de l'Halloween, les histoires d'épouvante et les films d'horreur sont légion à la télé et au cinéma. Une ambiance et des images macabres qui peuvent certainement marquer les tout-petits. Mais quelle influence cela peut-il avoir sur leur sommeil? Nous avons recueilli le point de vue de la professeure Valérie Simard du Département de psychologie. Établie au Campus de Longueuil, elle s'intéresse notamment au sommeil de l'enfant en lien avec la relation parent-enfant ainsi qu'au traitement des cauchemars chez l'enfant.
USherbrooke.ca/nouvelles : Quelles sont les causes les plus fréquentes de cauchemars ou de troubles du sommeil chez les enfants?
Valérie Simard : Il faut d'abord distinguer les cauchemars des autres troubles du sommeil. Le trouble le plus fréquent au préscolaire et au primaire est l'insomnie comportementale s'exprimant surtout par une longue latence d'endormissement et des éveils nocturnes fréquents. Cette forme d'insomnie s'explique le plus souvent par des facteurs externes à l'enfant, dont certaines pratiques parentales associées à la routine du coucher ou lorsque l'enfant se réveille la nuit.
Bien que les cauchemars occasionnels soient relativement fréquents durant l'enfance (70 % des enfants de 29 mois à 6 ans peuvent en subir), les cauchemars fréquents et entravant réellement le fonctionnement de l'enfant sont beaucoup plus rares.
Les cauchemars peuvent avoir été causés par un traumatisme sévère chez l'enfant. Des études récentes mettent également en évidence une part d'hérédité à l'origine des cauchemars fréquents. Par ailleurs, le risque d'avoir des cauchemars, même occasionnels, est plus grand chez les enfants anxieux ou ayant un tempérament difficile.
US/n : L'Halloween et ses images macabres sont souvent associées aux cauchemars. Ces phénomènes sont-ils effectivement liés, ou sont-ils plutôt anecdotiques?
Valérie Simard : Il n'a pas été démontré empiriquement qu'un stress ponctuel (par exemple, le fait de regarder un film d'horreur ou d'Halloween) peut causer des cauchemars chez les enfants. Il semble que les cauchemars viennent plutôt de l'hérédité et de caractéristiques comme le tempérament et la tendance à manifester de l'anxiété générale ou de séparation et ce, dès le jeune âge. Par exemple, supposons qu'un enfant présente de l'anxiété de séparation et a peur de perdre les êtres qui lui sont chers; on sait que cet enfant est déjà plus à risque de faire des cauchemars. Or, imaginons que ce même enfant écoute ensuite un film où des gens décèdent réellement, il y a un risque de réactiver la tendance à faire des cauchemars et que ceux-ci augmentent ensuite.
Cela dit, cliniquement, l'écoute de films d'horreur par des enfants est plus susceptible de causer des difficultés d'endormissement que des cauchemars. La peur rend l'enfant vigilant, un état incompatible avec le laisser-aller nécessaire au sommeil. Ainsi, les images macabres peuvent faire vraiment peur aux enfants et hanter longtemps leurs pensées, surtout lorsqu'ils n'ont pas d'autres distractions avant le coucher. À ce moment, il est cliniquement observé que les enfants ont plus de difficultés à s'endormir ou à se rendormir à la suite d'un éveil nocturne.
US/n : Vous nous avez expliqué que l'insomnie chez les enfants pouvait être liée à des pratiques parentales. Y'a-t-il des gestes à éviter?
Valérie Simard : Certaines pratiques parentales sont à éviter car elles sont associées à des symptômes d'insomnie. L'une d'elles est de dormir avec son enfant, surtout au-delà de la première année de vie, que ce soit dans le même lit ou dans la même chambre. Il faut éviter également de demeurer présent auprès de l'enfant jusqu'à ce qu'il s'endorme. Il est de plus en plus reconnu que ces pratiques compromettent la qualité de sommeil chez l'enfant.
L'hypothèse explicative à l'heure actuelle est qu'il vaut mieux soutenir l'autonomie de l'enfant que de demeurer constamment présent à ses côtés. Cela ne veut pas dire de laisser pleurer un enfant pendant des heures, mais plutôt de l'amener à se sentir en sécurité dans sa maison et à le conscientiser au fait que ses parents sont toujours présents même s'il ne les voit pas. Ceci peut être facilité par l'établissement d'un rituel du dodo qui, répété à chaque soir, peut contribuer à sécuriser l'enfant. L'idée est d'être le plus constant tout en demeurant sensible. Un équilibre pas toujours facile à atteindre!
US/n : Enfin, puisque les cauchemars surviennent à l'occasion, avez-vous des approches à suggérer aux parents qui souhaitent atténuer les cauchemars chez leurs enfants?
Valérie Simard : D'abord, il faut se montrer réceptif et empathique si notre enfant nous raconte un cauchemar. Certains enfants ont tendance à ne pas en parler spontanément et ce, pour toutes sortes de raisons comme la honte, un sentiment d'avoir fait quelque chose de mal ou le souhait d'effacer le souvenir du cauchemar en le chassant de son esprit. Ensuite, il faut rassurer l'enfant en dédramatisant. Par exemple, on peut lui dire que la plupart de ses amis en font, eux aussi.
Si les cauchemars ont tendance à se présenter fréquemment, causent de la détresse ou nuisent au fonctionnement de l'enfant, il peut être bien de tenter un exercice de visualisation avec l'enfant. On demande à l'enfant de fermer les yeux, à un moment où il est détendu, puis de visualiser le cauchemar en modifiant un élément de son choix -n'importe lequel!- afin qu'il ne soit plus un cauchemar. Certains enfants voudront, par exemple, changer le décor ou encore transformer un meurtrier en clown pour tourner l'histoire à l'humour.
Si les enfants sont plus jeunes, il vaut mieux leur demander de dessiner le cauchemar modifié (plutôt que de seulement l'imaginer) et ce, afin de rendre le tout plus concret. Cet exercice de visualisation peut être fait sur une base quotidienne tant que le problème persiste. Si les cauchemars persistent et causent toujours autant de détresse, il peut être bien de consulter un psychologue et son médecin de famille.