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Un étudiant de la maîtrise en environnement en Inde

Mobiliser un village autour d’un projet durable

Gabriel Noël-Letendre a réalisé un stage coopératif de quatre mois en Inde durant l’été 2017. Cette expérience lui aura permis d’appliquer la théorie apprise lors de ses cours en environnement, notamment celle sur la gestion de projet participatif, et de mettre à l’épreuve sa résilience et ses compétences dans un contexte culturel totalement différent. Il complète présentement sa maîtrise en environnement à l’Université de Sherbrooke après avoir obtenu son baccalauréat en communication.

Qu’est-ce qui t’a amené à la maîtrise en environnement?

J'étais attiré par plusieurs choses. La première venait de mon objectif professionnel. Je voulais travailler sur des projets engagés qui font une différence. Je voulais que mon impact soit positif en étant entouré d'autres personnes ayant cette même conviction. Pendant mon bac en communication, je voulais faire des documentaires sur la nature. J'ai réalisé que c'est un domaine réservé à quelques chanceux et que je me trouverais à travailler pendant longtemps sur des projets moins intéressants, voire même néfastes pour l'environnement, avant de pouvoir réellement avoir un impact significatif. Travailler directement en environnement m'a semblé la façon la plus efficace d’arriver rapidement à mes objectifs. La maîtrise en environnement s’est avérée être le meilleur moyen d'intégrer le domaine.

Comment en es-tu arrivé à réaliser un stage en Inde?

J'ai fait des recherches pendant deux mois. J'ai trouvé une offre d’un organisme indien en gestion des matières résiduelles. Les communications étaient assez lentes, mais j'ai réussi à savoir qu'un poste se libérait en cartographie participative au sein du même organisme. On me l'a offert et j’ai accepté. Initialement, je devais travailler sur la foresterie et la conservation en montagne, mais à mon arrivée l'organisme m'a annoncé que le projet n'était plus disponible. On m'a donc proposé de créer moi-même un projet et d'en être le responsable.

Avec quel organisme as-tu collaboré?

Avec l'organisme EduCARE India. Ses activités couvrent principalement le Nord-Ouest de l'Inde. En plus des montagnes de l’Himalaya, cette région est composée de plaines agricoles et d’une zone désertique où l’organisme est également actif. Son premier objectif est de former des leaders en développement durable. Son but n'est pas d'avoir un impact énorme sur les communautés rurales avec lesquelles il travaille, mais de leur offrir une opportunité d’apprendre et de se dépasser à travers la réalisation de projets en développement durable.

Sur quel projet as-tu travaillé?

On m'a offert de développer et de gérer un projet de cartographie participative à Harike, au Punjab. En m'inspirant de différentes méthodes d'évaluation environnementale, j'ai créé un processus servant à cartographier les opportunités de développement durable d'un village dans le but d'orienter les stratégies des instances participantes.

EduCARE m’a alloué un budget et donné la chance d'engager quelques personnes en plus de partager un espace de travail avec des collègues venant de l’Inde et d'autres pays. Chaque semaine, je devais déposer des rapports d'activité à l'organisme selon différents indicateurs.

Comme je bénéficiais d’une grande autonomie, j’ai rencontré un nombre impressionnant de participants pour mon projet : des travailleurs de la santé, des professeurs, les directions d’écoles et d’institutions de santé, des citoyens motivés, des policiers, des commerçants, des représentants de temples, et même, le chef du village. Ils ont apporté l’information et les données nécessaires à la réalisation des cartes participatives. Ils ont aussi contribué à définir la stratégie de développement.

Quels obstacles as-tu rencontrés?

Au niveau culturel, l'Inde est un monde à part. Malgré la mondialisation, la culture y est très riche et authentique. On ne se préoccupe pas des mêmes choses qu’en Occident et on ne fait pas la conversation de la même façon. Le temps n'est pas aussi rigide qu'au Canada et la réputation d'un individu est beaucoup plus importante. En ce qui concerne la situation des femmes, j'ai été particulièrement bouleversé par la pression sociale qu'elles vivent et par les restrictions qui leur sont imposées. Une de mes collègues travaillait sur l'implantation d'un club sportif pour adolescentes et a eu beaucoup de mal à recruter des participantes. Plusieurs parents soutenaient que le sport n'était pas une activité bénéfique et qu'il était préférable de rester à la maison pour apprendre, entre autres, à cuisiner. Dans les faits, il faut savoir que les femmes n'ont pas le droit de pratiquer de sports en public à Harike.

En Inde, développer des projets est la partie facile. Le plus difficile est de s'intégrer à la communauté et d’essayer de changer les mentalités. En contexte international, l'activisme n'est pas la bonne approche. La meilleure approche avec les participants consiste à faire appel au « bon sens » que l’on retrouve dans les modèles mentaux durables, afin qu’ils arrivent à leurs propres conclusions sur les manières de les appliquer. Comme les initiatives viennent des participants et non de l’extérieur, cela a pour effet de les mobiliser davantage.

Au final, quels sont les résultats de ton stage?

Après trois mois de travail, les participants avaient cartographié les problématiques, les ressources et les potentiels de leur village et élaboré dix opportunités de développement durable local. C’est leur volonté de se sortir collectivement de la pauvreté et de ce qu'elle engendre qui a servi de moteur au projet. À la fin du processus, les quelque 80 personnes ayant pris part à cette initiative ont décidé de ne pas attendre le gouvernement pour réaliser ces projets de développement. En réalisant qu’ils avaient les ressources localement, ils ont pris en charge leur futur.

Quels liens fais-tu entre ce stage et tes cours en environnement? Ta formation t’a-t-elle préparé à vivre ton stage en environnement à l’international?

Ma formation en environnement m'a beaucoup aidé au niveau de la gestion de projet. J’ai pu être très autonome. Mon patron a trouvé mes méthodes exemplaires. Les cours spécifiques à la gestion des écosystèmes et aux enjeux internationaux ont aussi été extrêmement utiles.

Que retiens-tu de cette expérience?

L'ouverture d’esprit est la qualité la plus importante. Tant de visions s'opposent et tant de gens soutiennent des idées différentes! Il faut être à l'écoute pour comprendre et pour agir. La coopération mène aux plus grandes réalisations et sans ouverture, on ne peut pas travailler ensemble.

As-tu un conseil à donner à un autre étudiant qui voudrait réaliser un stage semblable?

Dans le cadre d'un stage à l’étranger, il est plus important d'apprendre sur le processus que d'essayer d'avoir un résultat exceptionnel. Il n’est pas nécessaire de se lancer dans un gros projet et d'essayer de sauver le monde. Commencez simplement à petite échelle, ce sera plus facile à gérer.

Cela peut paraître difficile d'être responsable d'un projet et d'une équipe, d'être autonome professionnellement dans un milieu culturel différent, d’être parfois seul face à l’adversité, d'être à l'autre bout du monde sans bien connaître la langue locale, dans la chaleur et sans électricité. Oui, ça l'est! Mais n'hésitez pas à essayer, c'est la meilleure façon d'apprendre sur soi, sur les autres et les gains sont incalculables.

En conclusion, quels sont tes prochains projets ou tes souhaits quant à un futur emploi? Où te vois-tu dans 5 ans?

À partir de janvier, je vais commencer mon essai. Je le fais en collaboration avec le ministère de l’Environnement de la République dominicaine. Je serai responsable d’évaluer la résilience à long terme d’une communauté participant à un projet de conservation participative. Après la maîtrise, je vais essayer de trouver un emploi où l’on travaille en groupe incluant plus que des experts, où l’on construit des projets durables, probablement sur des thématiques touchant à la gestion participative des ressources et à la construction de la résilience.

Dans 5 ans, je ne sais pas où je serai, mais j'aimerais être heureux et avoir adopté un ou deux enfants.


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