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Élections municipales 2017

Projet de loi 122 : quel impact sur le portrait de la politique municipale?

Photo : Pixabay

Le 15 juin dernier, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi 122, qui reconnaît que les municipalités sont des gouvernements de proximité. Le but : donner plus d’autonomie aux municipalités, et une nouvelle place à la voix citoyenne dans les processus décisionnels. La mise en œuvre du projet de loi 122 comporte toutefois des défis.

Le professeur de la Faculté de droit et spécialiste du droit municipal Guillaume Rousseau, ainsi que la directrice de l’École de politique appliquée Isabelle Lacroix, dont les travaux de recherche portent sur les politiques sociales, ont partagé leur vision des enjeux qui découlent de cette loi.

Vers une décentralisation des pouvoirs

La décentralisation des pouvoirs est au cœur de la loi 122. Les municipalités jouiront de plus de pouvoirs, principalement en matière d’aménagement du territoire, mais aussi de fiscalité et de gouvernance. Les villes auront également la possibilité d’abolir les référendums en adoptant une nouvelle politique de participation publique. En permettant l’adoption de nouvelles mesures complémentaires d’urbanisme — qui viennent s’arrimer à des lois déjà existantes comme la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme — on cherche à accroître l’autonomie des villes.

Selon le professeur Guillaume Rousseau, les municipalités pourront ainsi être plus créatives et imaginatives dans leurs façons d’aménager et de gérer le territoire, par exemple en encourageant l’agriculture urbaine, alors qu’elles devaient auparavant se conformer à ce qui était prévu par la loi déjà en place. Dans un contexte de changement climatique et de transition énergétique, le fait d’encourager les municipalités à innover en matière d’urbanisme est bénéfique : cela permet par exemple de se tourner vers d’autres formes d’énergie et d’économiser celle-ci, en adoptant notamment des mesures de transport collectif et de densification urbaine.

Guillaume Rousseau, professeur de la Faculté de droit
Guillaume Rousseau, professeur de la Faculté de droit
Photo : UdeS - Michel Caron

Chaque ville devrait user différemment de cette nouvelle autonomie accrue, puisque la décentralisation vise à ce que les municipalités répondent encore mieux à leur contexte régional. Guillaume Rousseau estime que si toutes les décisions sont prises par le gouvernement provincial, elles seront moins bien adaptées à la réalité spécifique de chaque région, qui est différente à plusieurs égards. Le projet de loi 122 permettrait donc d’élaborer des solutions propres à chaque municipalité.

La professeure Isabelle Lacroix apporte toutefois une nuance. Pour qu’il y ait une vraie décentralisation, les villes doivent se voir accorder un minimum de ressources et d’autonomie de la part du gouvernement.  « Une fois passé ce point de bascule, la marge de manœuvre des municipalités est suffisamment importante pour percevoir une adaptabilité à chacun des environnements. Selon les régions et municipalités, on devrait donc voir des pratiques différentes. »

Accroître la participation publique, mais comment?

Un aspect en particulier a fait couler beaucoup d’encre quant à la loi 122 : la possibilité pour les municipalités d’être exemptées de l’approbation référendaire lorsqu’il est question d’urbanisme. Or, les référendums permettent aux citoyens de faire entendre leur désaccord et servent à protéger le droit de propriété, souligne Guillaume Rousseau. Pour continuer à protéger ce droit, les municipalités qui souhaiteront abolir les référendums devront se doter d’une nouvelle politique de participation publique qui répond aux normes du gouvernement. À l’heure actuelle, il est difficile de dire précisément ce par quoi les référendums pourront être remplacés, puisque les détails des normes à respecter seront explicités dans un règlement du gouvernement à paraître.

Isabelle Lacroix, professeure et directrice de l'École de politique appliquée
Isabelle Lacroix, professeure et directrice de l'École de politique appliquée
Photo : UdeS - Michel Caron

Qui plus est, le référendum est une pratique étendue en politique municipale. Les remplacer ne se fait donc pas si aisément, juge Isabelle Lacroix. « Quand on fait des sondages et qu’on questionne les gens à l’égard de la participation citoyenne, ce qui ressort, c’est qu’ils veulent avoir une contribution réelle, donc qu’elle vienne avant que les décisions ne soient prises. Si on regarde les objectifs de la loi 122, ceux-ci sont en conformité avec les attentes démocratiques actuellement au Québec. Le problème, c’est qu’il n’est pas totalement clair que nous avons d’autres modèles intéressants de participation que le référendum. »

Le comité de travail qui avait été mandaté pour proposer une formule de remplacement aux référendums municipaux n’a pas non plus été en mesure de fournir de recommandations précises, indiquant qu’il était préférable de « laisser les municipalités libres de déterminer les moyens à retenir en matière de participation publique. » (Source : Rapport du groupe de travail pour un cadre de référence en urbanisme participatif)

L’abolition des référendums en matière d’urbanisme pose donc un risque si ceux-ci ne sont pas remplacés par des moyens de participation publique forts, mais plutôt par des séances d’information où l’influence citoyenne est réduite, voire inexistante. « Les référendums agissaient comme garde-fous. Avant, si les conseils de villes visaient la modification d’un règlement et à permettre le projet d’un promoteur qui n’était pas dans l’intérêt public, les citoyens pouvaient le bloquer par référendum », explique le professeur Rousseau.

Le fait que le référendum arrive en aval est d’ailleurs l’une des motivations du gouvernement à mettre en place la loi 122. Dans le processus d’approbation référendaire, les citoyens peuvent bloquer un projet, mais seulement à la toute fin. Selon le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Martin Coiteux, le système actuel de référendums n’inciterait pas réellement à la participation citoyenne, puisqu’il donne plutôt la possibilité de s'opposer à des projets. Isabelle Lacroix affirme quant à elle que la participation citoyenne devrait être vue comme étant plus proactive et non pas juste réactive. Mais bien qu’elle fonctionne en principe, la véritable participation citoyenne a ses limites. « Il est difficile de créer des mécanismes de participation qui soient satisfaisants et représentatifs de la grande majorité des citoyens », observe la professeure.


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