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Sofiane Baba, professeur en management stratégique

Un fervent défenseur du développement durable

Sofiane Baba est professeur à l'École de gestion de l'UdeS.
Sofiane Baba est professeur à l'École de gestion de l'UdeS.
Photo : Michel Caron UdeS

Dans son enfance, Sofiane Baba a vécu dans un pays en guerre civile, l’Algérie, durant ce qu’on a appelé « la décennie noire ». Des années où les aliments de base étaient difficiles à trouver et où ses parents devaient rationner la nourriture sur la table familiale. Où un couvre-feu était imposé tous les soirs. Où il devait s’allonger à plat ventre dans le couloir lorsqu’il entendait des coups de feu. Où les jeux avec ses amis consistaient parfois à retrouver dans les rues des douilles de fusil laissées par les camps ennemis – les forces de l’ordre et des groupes islamistes extrémistes – suite aux affrontements de la veille.

Il n’a jamais connu ses grands-parents maternels, assassinés quelques décennies plus tôt pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie. C’est un peu pour tout cela que Sofiane Baba voit son travail sur le développement durable comme une vocation, une forme de don de soi. C’est pour lui une façon de travailler à l’établissement d’un monde meilleur, où l’injustice et l’exploitation n’ont pas lieu d’être.

Quand j’étais jeune, je rêvais d’être diplomate comme mon père. Puis pilote d’avion comme mon voisin. Ou alors, au gré de mes humeurs, parfois entrepreneur, mais je n’avais jamais imaginé devenir professeur d’université!

« Finalement, la vie m’a amené de fil en aiguille à pratiquer ce métier, et c’est devenu une véritable passion. Contribuer à l’avancement des connaissances et les transmettre aux étudiants est source de grande satisfaction. Je paierais volontiers pour faire ce que je fais! Mais je dois aussi faire attention à mettre une frontière entre vie professionnelle et vie personnelle, surtout que je suis maintenant papa d’un petit garçon qui semble autant aimer le clavier que moi. »

Sofiane Baba a fait ses études universitaires au Canada, « le meilleur pays du monde » selon lui pour la qualité de vie, les valeurs, l’ouverture et la bienveillance. (« Tout sauf le climat », ajoute-t-il en riant.) Après un baccalauréat en gestion internationale à l’Université d’Ottawa, il a voulu élargir ses connaissances en s’inscrivant à une maîtrise puis à un doctorat en stratégie et théories des organisations au HEC.

Dans le cadre de mon doctorat, j’ai été chargé de cours, et c’est là que j’ai découvert à quel point j’aimais l’enseignement. Pouvoir ainsi transmettre des connaissances est extraordinaire. On apprend autant qu’on transmet!

D’ailleurs, le professeur Baba accorde une grande importance aux étudiantes et aux étudiants. « Ils travaillent avec nous, la plupart du temps dans l’ombre, ils sont notre raison d’être, ils nous stimulent, nous sortent parfois de notre zone de confort, nous font part d’idées créatives… Et souvent ils nous remercient. Mais c’est aussi aux professeurs de les remercier : on ne serait rien sans eux! »

L’UdeS : une pionnière en matière de développement durable

Le jeune universitaire avait à peine fini son doctorat que l’UdeS lui offrait un poste de professeur de management stratégique en contexte de développement durable à l’École de gestion. « Je n’ai pas hésité un instant : l’Université de Sherbrooke est une pionnière en matière de développement durable, avec la mise sur pied du CUFE (Centre universitaire de formation en environnement et développement durable) il y a de cela plus de deux décennies déjà.

L'UdeS, c’est un environnement ouvert qui encourage beaucoup la prise d’initiatives. Nous y menons des recherches à l’avant-garde en matière de développement durable. Au niveau de l’enseignement, nous offrons également des cours et des programmes novateurs et à la fine pointe du savoir. Selon moi, l’UdeS est l’une des meilleures universités au monde pour le développement durable.

Lorsqu’on lui demande quelle est sa plus grande fierté, il cite son ouvrage de vulgarisation 30 idées reçues sur le développement durable, écrit avec 35 contributeurs d’envergure. Ce livre lui a d’ailleurs valu le prix Recherche et création 2022 en Sciences humaines et sociales de l’UdeS pour son caractère original et son attachement à la vulgarisation scientifique.

Développement durable : des solutions adaptées à un monde complexe

Selon le professeur Baba, le développement durable, qui s’intéresse à trois volets (social, environnemental et économique), est un concept qui suscite de nombreux débats. « Certains associent le développement durable à la croissance verte, mais ils se trompent. Le concept de croissance verte, utopique j’en conviens et très populaire au début des années 2000, est dépassé et les tenants du développement durable tiennent aujourd’hui des propos bien plus nuancés.

En matière de développement durable, le professeur Sofiane Baba croit aux solutions systémiques et adaptées à chaque contexte.
En matière de développement durable, le professeur Sofiane Baba croit aux solutions systémiques et adaptées à chaque contexte.
Photo : Michel Caron UdeS

« Nous retrouvons aujourd’hui trois grands courants de pensée (quatre si l’on considère ceux qui ne croient même pas aux changements climatiques!) : certaines personnes prônent la décroissance, donc une réduction radicale de la consommation et une remise en question fondamentale du système économique. Je leur donne raison sur les constats, mais je suis plus sceptique sur certaines solutions. De l’autre côté, il y a ceux qui croient que le développement des technologies permettra de trouver des solutions, comme de peupler Mars dans quelques décennies (rires) ou de développer des technologies qui seront en mesure de décarboniser l’atmosphère. Ceux-là me surprennent parfois et peinent à me convaincre, mais leur optimisme est à saluer. Entre ces deux courants, il y a des points de vue plus nuancés qui mesurent la gravité de la situation, mais reconnaissent aussi que le changement ne peut ni être imposé ni simpliste. Ceux-là peinent parfois à se faire entendre. »

Ce qui est certain pour Sofiane Baba, c’est que considérant la complexité de notre monde, les solutions seront forcément systémiques et adaptées à chaque contexte. « Si quelqu’un propose une recette toute faite et à priori simpliste, j’aurais surtout tendance à fuir! » s’exclame le professeur.

Il n’y a qu’à penser aux importantes disparités dans la nature des enjeux entre les pays occidentaux versus les pays d’Afrique. Tout cela exige de l’humilité et nécessairement, voire paradoxalement, compte tenu de l’urgence climatique, d’avancer par tâtonnements pour se laisser une marge d’ajustement.

« De manière plus générale, il faut que l’environnement s’empare de la politique et que les citoyens, par le vote, bousculent les dirigeants et les institutions. » Et pour cela, la sensibilisation fait partie de la solution. Mais encore une fois, ce n’est pas si simple. « Les jeunes générations parlent beaucoup d’environnement et de développement durable. Mais dans les faits, nous n’avons pas l’impression que cela se traduit par des changements majeurs dans les comportements quotidiens. Cela montre à quel point changer des normes et des croyances, voire des paradigmes, exige du temps et de la persévérance. »

Selon le professeur Baba, le Canada pourrait faire beaucoup mieux en matière de développement durable. « Nous avons une expertise reconnue mondialement, une intelligence sur le sujet, une incroyable conscience collective et des programmes de formation universitaire avant-gardistes et novateurs, mais pour diverses raisons, le fossé avec l’action politique est grand. »

Nous avons les moyens de devenir des leaders capables d’inspirer les autres. À tout le moins, c’est mon souhait.


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