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Point de vue expert

Accès à la propriété : pourquoi est-ce plus difficile pour les jeunes?

Avec l’augmentation des coûts de construction et de la valeur des terrains, les prix de l’immobilier ont gonflé de manière fulgurante. En plus des taux d’intérêt élevés et de l’importante mise de fonds requise, l’accès à la propriété est de plus en plus difficile pour les jeunes adultes.

Quels sont les facteurs qui expliquent cette difficulté et quelles sont les ressources vers lesquelles les jeunes peuvent se tourner pour l’achat d’une propriété? Une étudiante et stagiaire en communication a demandé au professeur Mario Fortin de se prononcer sur le contexte immobilier actuel.

Mario Fortin est professeur au Département d’économique de l’École de gestion. Le marché immobilier et l’économie du logement font partie de ses intérêts de recherche.

Si l’on compare le contexte immobilier actuel à celui des 25 dernières années, qu’est-ce qui est plus difficile aujourd’hui?

Pour répondre à cette question, le professeur Fortin décrit d’abord le contexte immobilier actuel. Il s’agit d’un contexte difficile selon lui, puisque la demande de logements est supérieure à l’offre. Cette situation entraîne une augmentation des prix de l’immobilier incomparable au Canada.

L’accès à la propriété est devenu difficile à cause des coûts actuels, mais également l’accès au logement locatif est difficile parce qu’il y a une rareté de logements de manière générale.

Pourquoi la conjoncture économique rend-elle difficile l’accès des jeunes adultes à la propriété?

Plusieurs facteurs expliquent cette difficulté. Pour les décrire, Mario Fortin fait un retour en arrière, en temps de pandémie. D’abord, afin d’offrir un support financier à la population, le gouvernement canadien a distribué beaucoup d’argent. Comme ces revenus n’ont pas été consommés, ils se sont cumulés sous forme d’épargne. « Les gens ont accumulé pendant la pandémie une épargne qui a pu se cristalliser sous forme d’une demande de logements, lorsqu’on a réouvert l’économie. »

Les banques centrales ont aussi maintenu des taux d’intérêt bas. Puisque le financement hypothécaire était à faible coût, plusieurs personnes ont emprunté des sommes importantes. Un phénomène qui a stimulé, lui aussi, la demande de logements.

Ensuite, la séparation de nombreux couples a mis une autre pression sur la demande de logements. « On a découvert qu’il y a plus de gens qui se sont séparés pendant la pandémie. La cohabitation a été difficile. Donc, ça fait qu’on a besoin de plus de logements pour loger le même nombre de personnes. »

La croissance démographique a également contribué à la hausse de la demande de logements. « Les gens qui n’étaient pas arrivés au Canada pendant un an ou deux parce que les frontières étaient fermées sont arrivés massivement. Donc, la population canadienne a augmenté de plus d’un million de personnes l’an dernier. C’est la plus forte croissance qu’on a jamais connue tant en niveau qu’en pourcentage. »

Or les coûts de construction élevés, la rareté de main-d’œuvre et les besoins d’infrastructures ailleurs que dans le secteur de l’immobilier ont freiné la construction résidentielle.

Bien sûr, l’inflation a fait grimper en flèche les taux d’intérêt. C’est pour éviter qu’elle s’accélère que les banques centrales ont dû ajuster les taux d’intérêt.

La lutte à l’inflation, aussi désagréable qu’elle puisse être à court terme, est une nécessité. Cela entraîne des hausses de taux d’intérêt qui font que temporairement, le coût de financement des logements est élevé.

Quels sont les avantages pour un jeune adulte de devenir propriétaire?

Le professeur Mario Fortin explique que le principal avantage est d’aider à la préparation à la retraite. « L’accès à la propriété résidentielle est vu comme un des piliers de la préparation financière à la retraite. On ne peut pas prouver qu’être propriétaire coûte moins cher chaque année qu’être locataire, mais ça donne une discipline, une forme d’épargne forcée. Le remboursement de capital fait en sorte que la maison, avec les années, on la paye et on accumule une richesse sous forme immobilière. »

Quelles sont les ressources vers lesquelles les jeunes peuvent se tourner pour l’achat d’une propriété?

Il existe plusieurs ressources pour favoriser l’accès à la propriété, notamment les différents programmes gouvernementaux.

Le premier qui est connu depuis plus longtemps c’est le RAP, et le deuxième, qui est tout récent, c’est le CELIAPP. Ce sont deux méthodes par lesquelles le gouvernement vient faciliter, par des mesures d’aide fiscale, le fait d’accumuler le versement initial requis pour qu’on soit capable d’acheter une maison.

Ensuite, Mario Fortin conseille aux jeunes de commencer à épargner de manière systématique. « Et finalement, si le gouvernement n’est pas disponible, il reste toujours aussi possible de faire appel aux parents, s’ils sont capables d’aider. Ça fait partie des choses qu’on voit, la transmission intergénérationnelle. »

D’après vous, le contexte immobilier va prendre quelle direction?

Le professeur Fortin soutient que l’accessibilité à la propriété va demeurer difficile d’ici 2030, en raison du retard de construction dans le secteur résidentiel, entre autres.

On estime qu’il faudrait construire environ 3,5 millions logements au Canada d’ici 2030, au cours des sept prochaines années, donc de l’ordre de 500 000 logements par année, pour dissiper ou faire disparaître le déficit de logement qu’on estime être responsable des prix de l’immobilier élevés qu’on a actuellement.

« Sur un horizon à plus long terme, présentement, ma génération n’est pas prête encore à vendre le logement, mais éventuellement, on va disparaître. Ça va faire de nombreux logements disponibles. L’accessibilité au logement devrait revenir à des niveaux plus compatibles avec la capacité de payer des gens. »

Pour les jeunes qui se questionnent sur l’achat d’une propriété, Mario Fortin les encourage à épargner et à attendre après leurs études pour acheter.


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