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Le sommeil et les troubles cognitifs chez les personnes âgées : étroitement liés

Étienne Ledoux, étudiant à la maîtrise en gérontologie et assistant de recherche de la professeure Dominique Lorrain, avec un participant témoin.
Étienne Ledoux, étudiant à la maîtrise en gérontologie et assistant de recherche de la professeure Dominique Lorrain, avec un participant témoin.
Photo : Michel Caron - UdeS

Secret de polichinelle : pour bien performer sur le plan cognitif, il faut bien dormir. Mais poussons un peu plus loin… Quels sont les liens entre vieillissement, sommeil plus léger et troubles cognitifs? La professeure Dominique Lorrain, docteure en psychologie et neuropsychologue au Département de psychologie de la FLSH, étudie le sommeil depuis près de 35 ans et s’intéresse de près à cette question.

La professeure Lorrain mène ses recherches sur le sommeil et les troubles cognitifs au sein de l’Université de Sherbrooke depuis 1993. « J’ai été attirée à l’UdeS notamment par le Centre de recherche sur le vieillissement de l’Institut universitaire de gériatrie de Sherbrooke qui venait tout juste d’être fondé. J’y ai créé le Laboratoire de vigilance, qui étudie les liens entre sommeil et cognition, tels que l’attention et la mémoire, et ce, plus particulièrement chez les personnes âgées. »

Ainsi, grâce à des électrodes placées sur la tête, la professeure Lorrain analyse l’activité cérébrale de différentes personnes pendant le sommeil. Elle cherche ensuite à comprendre si les perturbations du sommeil peuvent avoir un lien avec certains troubles cognitifs, tels que la maladie d’Alzheimer.

Liens entre âge et sommeil 

La professeure Dominique Lorrain, docteure en psychologie et neuropsychologue au Département de psychologie de la FLSH, est également membre du Centre de recherche sur le vieillissement.
La professeure Dominique Lorrain, docteure en psychologie et neuropsychologue au Département de psychologie de la FLSH, est également membre du Centre de recherche sur le vieillissement.

Photo : Michel Caron - UdeS

« Le sommeil se modifie avec l’âge, explique la professeure Lorrain. Dès l’âge de 35 ans, le sommeil lent profond, caractérisé par des ondes cérébrales lentes apparaissant majoritairement dans la première moitié de la nuit, commence à diminuer. Or, c’est le type de sommeil qui est non seulement réparateur, mais qui est aussi très impliqué dans la mémoire. Comme ce type de sommeil est moins présent chez les personnes âgées et qu’elles ont un sommeil fragmenté par plusieurs périodes d’éveil, cela peut affecter leur performance sur le plan cognitif. »

Toutefois, il n’existe actuellement aucun médicament en mesure d’augmenter ce type de sommeil.

On sait que les personnes qui font de l’exercice physique bénéficient généralement d’une plus grande plage de sommeil profond. Avec des collègues en kinésiologie, on a testé cette hypothèse auprès de personnes âgées sédentaires. En les entraînant sur un tapis roulant, on a pu constater une amélioration de la qualité de leur sommeil et une certaine augmentation du temps de la nuit passé en sommeil lent profond.

La spécialiste du sommeil utilise également la thérapie cognitivo-comportementale afin de réduire l’insomnie dont souffrent beaucoup de personnes âgées. « Cette thérapie se base sur des éléments comportementaux, notamment ce que l’on devrait faire lorsqu’on est au lit et qu’on ne dort pas, mais aussi sur la cognition, soit le lien entre les pensées et les émotions.

On vise ainsi à restructurer les pensées des personnes qui font de l’insomnie à cause de ruminations et d’inquiétudes et à diminuer les émotions négatives, pour les amener à atteindre un état d’esprit plus favorable au sommeil », explique-t-elle. Se coucher et se lever à des heures régulières peut également aider à synchroniser les rythmes biologiques impliqués dans le cycle veille-sommeil et à avoir un sommeil moins perturbé.

La professeure espère que les recherches actuelles vont permettre de trouver des solutions pour optimiser la quantité et la qualité des ondes delta lors du sommeil chez les personnes âgées et que cela aura un effet positif sur leur performance cognitive.

Le sommeil : un indicateur précoce de la maladie d’Alzheimer?

Si un sommeil réparateur est bénéfique pour le bon fonctionnement du cerveau, l’étude du sommeil pourrait aussi devenir une façon de diagnostiquer de façon précoce les troubles cognitifs, notamment la maladie d’Alzheimer. 

« Nous avons à la base du cerveau le noyau basal de Meynert. Ce noyau sécrète un neurotransmetteur appelé l’acétylcholine, qui aide à la régulation des niveaux d'éveil et de vigilance, et donc au contrôle des cycles veille-sommeil, explique Dominique Lorrain. Or, les neurones du noyau basal de Meynert sont atteints en présence de certaines maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer. » Ainsi, le sommeil paradoxal, qui est la phase de sommeil pendant laquelle nous faisons la plupart de nos rêves, est perturbé chez les personnes atteintes d’Alzheimer.

Ces personnes subissent un ralentissement de l’activité cérébrale. On peut mesurer ce ralentissement pendant le jour, mais encore mieux lorsqu’elles dorment et sont dans la phase de sommeil paradoxal. Car alors, le ralentissement enregistré par rapport à l’éveil est encore plus important.

C’est ainsi que l’analyse de l’activité du cerveau pendant le sommeil pourrait devenir un marqueur biologique précoce de la maladie.

Dominique Lorrain poursuit donc ces études entre autres chez les personnes qui présentent un trouble léger de la cognition afin d’évaluer si le sommeil paradoxal présente un ralentissement accru. Si un ralentissement est bel et bien observé, cela signifie chez ces personnes un risque plus élevé de développer un trouble neurocognitif tel que la maladie d’Alzheimer, ou un autre type de démence, dans les années qui suivent.

« Nous avions déjà cette hypothèse il y a plus de 30 ans lorsque j’étais au tout début de ma carrière. Mais maintenant, la technologie et les connaissances sur les troubles neurocognitifs étant beaucoup plus avancées, nous poursuivons nos recherches sur le sujet par une étude multicentrique avec des collègues de Montréal et de Québec, et nous avons beaucoup d’espoir, termine professeure Lorrain. Car plus on pourra détecter la maladie tôt, plus il sera facile d’agir et de travailler au développement de nouveaux traitements. »


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