Nouvel ouvrage de Chantale Proulx
Regard sur les relations amoureuses et l’hypersexualisation
Chantale Proulx enseigne la psychologie de la sexualité à l’Université de Sherbrooke depuis 20 ans. Elle a vu apparaître les problématiques associées à l’hypersexualisation et ses effets sur les individus. La sexualité, aujourd’hui, est partout. Et elle sert toutes les causes. Mais au-delà de ce constat, l’enseignante se questionne sur les raisons qui nous poussent à accepter une telle situation : «Comment, en tant que société, pouvons-nous croire que nous réalisons des gains sous le couvert de la liberté sexuelle alors que des personnes souffrent dans ce contexte d’hypersexualisation?»
Dans un nouvel essai qui s’intitule Petit traité de la vie sexuelle contemporaine – Revanche d’Aphrodite et hypersexualisation, la psychoanalyste remet en perspective les réalités inconscientes qui ont poussé la société à s’hypersexualiser de la sorte. Elle cherche à bousculer certaines idées reçues et, surtout, à faire prendre conscience du rôle que chacun peut jouer pour contrer l’ampleur du désordre. Avec l’aide de l’histoire et de la sociologie, elle fait la démonstration que derrière l’hypersexualisation se camouflent des besoins profonds chez les hommes et chez les femmes.
Quand l’inconscient structure notre vie
L’essai de Chantale Proulx s’inspire de la pensée de Carl Gustav Jung, fondateur du courant de la psychologie analytique, qui considère les mythes comme étant révélateurs des forces de la psyché. Selon cette école de pensée, les symboles − nommés archétypes − sont ancrés dans chaque individu et viennent structurer les cultures et les mentalités.
«L’être humain a besoin de balises pour bien fonctionner. Depuis le début des temps, l’Homme s’est organisé autour de diverses croyances, de divers mythes, et chaque époque s’est servie de ses croyances pour expliquer ses actions. Si on dissocie l’individu de son archétype, celui-ci peut rapidement se désorganiser», résume l’enseignante.
La revanche d’Aphrodite
Selon Chantale Proulx, l’hypersexualisation qui caractérise la société actuelle peut être vue comme un complexe négatif qui crée des obsessions. Tout au long de son livre, elle dresse le parallèle avec Aphrodite, déesse de la beauté, de l’amour et de la rencontre sensuelle, pour évoquer le désordre général causé par cette perte par l’Homme d’un mythe porteur de sens. Elle fait la démonstration que derrière de fausses images se trouve un être humain qui a toujours éperdument besoin d’être aimé, admiré et accepté. Elle remarque que «si nous n’arrivons pas à entrer en relation de manière équilibrée, on le fait en dominant ou en usant de nos charmes».
La psychothérapeute suggère donc de ramener la puissance d’Aphrodite, sur le plan symbolique, parce qu’elle souhaite que les gens abordent de nouveau la sensualité et la rencontre amoureuse.
«Je ne veux pas faire reconstruire le temple d’Apollon, rassurez-vous, ces récits anciens n’inspirent à peu près plus personne et c’est bien ainsi, dit-elle. Mais c’est important de parler des nouveaux désordres en lien avec l’hypersexualité, parce qu’on se pense trop souvent seul chez soi à craindre l’apparition de nos signes de vieillissement, à vivre dans ces seules images où le sexe prédomine. Je crois que mon livre permet d’émerger de la honte, de s’avouer nos détresses et nos obsessions. Il est important de revaloriser la rencontre charnelle.»
Une suite logique
Après s’être intéressée à la maternité avec son ouvrage Filles de Déméter − Le pouvoir initiatique de la maternité paru en 2005, puis à l’univers des enfants, dont elle explore toutes les facettes psychosociales dans Un monde sans enfance, paru en 2009, Chantale Proulx pose ici un regard critique sur la place qu’occupent la féminité et la protection des enfants dans notre société, par le biais, cette fois, de la sexualité. Elle affirme que dans l’hypersexualisation générale, ce sont les enfants et les adolescents qui sont les premières victimes.
Son essai examine précisément la relation amoureuse qui s’est transformée au fil des générations. Elle expose une perception de la société d’aujourd’hui, qui est conditionnée à survaloriser la sexualité et le corps, une société qui oblige les individus à s’émanciper à partir de comportements sexuels dictés, dont le sexe public, et qui n’a plus droit à un corps vieillissant. L’ouvrage fait réfléchir, certes, et c’est là l’objectif principal de l’auteure.
«On ne viendra pas me dire qu’on a libéré la sexualité, alors que les femmes ont de moins en moins de place dans cette sphère privée, qu’elles ne peuvent arborer leur poids réel, que les jeunes se font mal en faisant l’amour et qu’on n’a même plus d’éducation sexuelle dans les écoles», dit Chantale Proulx.
L’auteure continue de s’étonner que plus rien n’étonne! Selon elle, l’hypersexualisation est un phénomène insidieux qui a modifié nos codes corporels, sexuels, culturels et donc sociétaux. Avec son dernier ouvrage, elle espère contribuer à une réflexion collective pour rendre plus authentiques les relations entre les hommes et les femmes.