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Chaire de recherche Umicore en nanomembranes de semiconducteurs et optoélectronique flexible

Vers une électronique souple qui prend la forme des objets

Le Pr Vincent Aimez; Mme Laurie Mouchel; le Pr Jean Proulx; le Pr Paul Charette; M. Kristof Dessein, Umicore; M. Jinyoun Cho, Umicore; le Pr Richard Arès et le Pr Abderraouf Boucherif
Le Pr Vincent Aimez; Mme Laurie Mouchel; le Pr Jean Proulx; le Pr Paul Charette; M. Kristof Dessein, Umicore; M. Jinyoun Cho, Umicore; le Pr Richard Arès et le Pr Abderraouf Boucherif
Photo : Michel Caron - UdeS

De nouveaux dispositifs flexibles mécaniquement pourraient bientôt voir le jour grâce à un développement optimisé d’une électronique souple. Écrans enroulables, dispositifs médicaux qui se moulent aux formes biologiques, cellules photovoltaïques qui s’adaptent aux ailes d’avion ou aux satellites, montres qui s’ajustent à la forme du poignet : les nombreuses applications des semiconducteurs souples pourraient s’étendre vers des déploiements technologiques jusqu’ici non envisagés.

L'équipement d'épitaxie avec, devant, Valentin Daniel, Thierno Mamoudou Diallo, Laurie Mouchel et le Pr Abderraouf Boucherif
L'équipement d'épitaxie avec, devant, Valentin Daniel, Thierno Mamoudou Diallo, Laurie Mouchel et le Pr Abderraouf Boucherif
Photo : UdeS - Michel Caron

L’Université de Sherbrooke lance la nouvelle Chaire de recherche Umicore en nanomembranes de semiconducteurs et optoélectronique flexible avec à sa tête deux chercheurs de la Faculté de génie membres de l’Institut interdisciplinaire d’innovation technologique (3IT) et du LN2, les professeurs Abderraouf Boucherif et Richard Arès. D’une durée de cinq ans avec un financement de démarrage de 1,5 M$, les recherches qui y sont associées ne visent rien de moins qu’à révolutionner le monde des applications optoélectroniques et quantiques en créant des dispositifs flexibles et à faible coût, sans perte de performance. Le défi : les dispositifs actuels sont fabriqués sur des substrats incompatibles avec les nouveaux besoins identifiés, notamment à cause de l’épaisseur dudit substrat, de sa rigidité et de sa fragilité mécanique. La solution pourrait cependant irradier directement de nos laboratoires sherbrookois. À terme, la Chaire pourra soutenir plus de 8 M$ en recherches connexes. En bonifiant la technologie PEELER déjà développée à l’UdeS, un transfert technologique optimal est visé, qui permettra une révolution de plusieurs applications quantiques et optoélectroniques.

La méthode PEELER nous permettra de réutiliser le substrat d’un matériau rare plusieurs dizaines de fois au lieu d’une utilisation unique. À titre d’exemple, si on vient déposer une couche mince sur un substrat de germanium (Ge), celui-ci peut littéralement conférer ses caractéristiques spéciales, ses propriétés cristallines, à la couche mince. Cette nanomembrane avec maintenant de nouvelles propriétés peut ensuite être détachée, puis être collée sur un autre substrat moins rare et plus accessible, comme le silicium. Les avantages de ces nouvelles méthodes de production seraient nombreux : plus économiques, plus durables, avec une empreinte écologique nettement moins forte.

Professeur Abderraouf Boucherif, cotitulaire de la chaire

Réutilisation d’un matériau précieux : rare pour l’industrie, cadeau pour les générations futures

Photo : Michel Caron - UdeS

Les composantes optoélectroniques que l’on retrouve actuellement sur le marché fonctionnent sur ce que l’on appelle des matériaux semiconducteurs III-V – matériaux dont les éléments constituants apparaissent dans les 3et 5e colonnes du tableau périodique. Matériaux performants, oui, mais plutôt dispendieux. L’une des orientations qui guidera l’avancée des recherches consiste à cibler le marché des substrats de silicium, une industrie déjà très développée où les plaques coûtent beaucoup moins cher. Plusieurs technologies tardent à s’implanter sur des substrats de silicium, comme les caméras infrarouges. Pourtant, en réussissant à transférer certaines applications vers le silicium, on pourrait non seulement débloquer le marché international, mais, en plus, la performance serait maintenue, donnant ainsi accès à un marché de volume et à une réduction draconienne des coûts de production.

Le professeur Richard Arès, cotitulaire de la chaire, croit que l’industrie de la nanomicroélectronique a toujours été vue comme très polluante et qu’il y a actuellement beaucoup de pression sur le coût des composants.

On va essayer de changer cela, projette-t-il. Le Ge est actuellement utilisé dans les cellules solaires spatiales grâce à ses caractéristiques recherchées. Donc, on prend ce matériau 100 fois plus rare que l’or, on l’utilise dans une application unique, on l’envoie dans l’espace et on ne le revoit jamais. C’est là qu’on peut intervenir. Réutiliser un matériau hyper précieux, c’est vraiment optimal pour les prochaines générations et c’est un phénomène rare dans l’industrie. Un substrat de Ge de 500 micromètres d’épaisseur pourrait permettre la création de 500 nanomembranes de Ge prêtes à être déposées sur d’autres substrats. C’est tout un marché planétaire qui vient de s’ouvrir.

Révolution possible du monde de la microélectronique

Les industries fonctionnent actuellement en vase clos : les substrats de départ déterminent la technologie qui s’ensuit. À titre d’exemple, les puces MEMS dans les téléphones qui permettent de tourner l’image peuvent avoir été fabriquées par des entreprises comme Teledyne Dalsa, alors que la puce principale, l’ordinateur du téléphone en quelque sorte, est fabriquée par Apple. Deux industries séparées. « Cependant, précise Richard Arès, on sent de plus en plus un désir de convergence de la part de ces industries-là pour tout fabriquer sur des substrats de silicium. C’est normal, le silicium est l’élément le plus présent sur Terre, car il est le composant principal de la couche terrestre. Même le quantique va vouloir éventuellement être sur silicium. »

Selon le professeur Vincent Aimez, vice-recteur à la valorisation et aux partenariats à l’UdeS :

Réussir à intégrer plusieurs industries comme l’optoélectronique, les MEMS et la quantique sur une même plaque de silicium serait une innovation extrêmement significative pour le monde des semiconducteurs. La collaboration avec Umicore dans ce projet est un facteur de succès majeur. Cette intégration hétérogène visée par les travaux de la chaire signifie une technologie moins dispendieuse, plus verte et plus durable, qui nous donnerait aussi une meilleure compréhension des propriétés des matériaux. Ce projet s’inscrit en toute cohérence avec la chaîne d’innovation intégrée regroupant l’Institut quantique, le 3IT et le C2MI et se positionne directement dans les thèmes fédérateurs Changements climatiques et environnement et Matériaux/procédés innovants et sciences quantiques à l’UdeS.

Culture d’innovation versus culture scientifique

La culture d’équipe de recherche que les professeurs Arès et Boucherif ont mise de l’avant au 3IT s’apparente en plusieurs points à celle que l’on retrouve dans l’industrie. Non seulement le développement scolaire est omniprésent, mais on tend vraiment vers une approche de R.-D. industrielle, avec des objectifs clairs, une organisation très structurée, axée sur des livrables précis. Et cette façon de voir les choses est reconnue par l’industrie, notamment avec le partenaire de la chaire, Umicore, qui y voit non seulement un transfert significatif d’une culture plus scientifique vers une culture d’innovation, mais également une formation réellement adaptée et branchée sur le milieu de travail pour ces personnes hautement spécialisées.

Umicore

Le partenaire principal de la chaire est Umicore, un leader mondialement reconnu dans le domaine du recyclage des matériaux, fortement engagé en faveur de la responsabilité éthique et environnementale. L'équipe d'Umicore se concentre sur le recyclage et la préservation des métaux précieux, y compris le Ge, en veillant à leur réintroduction dans le monde, contribuant ainsi à un avenir plus durable et respectueux de l'environnement.

Kristof Dessein, le directeur de l'innovation, exprime son immense satisfaction face à l'établissement d'une collaboration à long terme avec l'Université de Sherbrooke :

Nous croyons fermement que les progrès remarquables réalisés dans le cadre du projet Peeler ont créé une nouvelle ère de possibilités au sein du marché optoélectronique. Cette approche pionnière et réutilisable du substrat réduit non seulement considérablement la consommation de matériaux par rapport aux méthodes traditionnelles de fabrication de plaquettes, mais atténue également efficacement les préoccupations liées à la rareté du métal Ge. Comme la disponibilité des matériaux n'est plus un problème et que la taille du substrat Ge peut être facilement adaptée à 300 mm, la norme pour le silicium, c'est le substrat de choix pour transférer des couches III-V, d'abord épitaxiées sur du Ge, sur du silicium. De cette façon, on peut vraiment libérer tout le potentiel de l'hétéro-intégration.


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