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Nation huronne-wendat et municipalité de Sherbrooke

Favoriser l’autonomie et la participation sociale des personnes aînées vivant avec des troubles neurocognitifs

Le projet « Collectivités-amies des aînés ayant une perte d’autonomie cognitive » des professeures Véronique Provencher et Chantal Viscogliosi a été mené auprès de la Nation huronne-wendat (Wendake) et à Sherbrooke.
Le projet « Collectivités-amies des aînés ayant une perte d’autonomie cognitive » des professeures Véronique Provencher et Chantal Viscogliosi a été mené auprès de la Nation huronne-wendat (Wendake) et à Sherbrooke.
Photo : Michel Caron - UdeS

Les personnes aînées présentant des troubles neurocognitifs causés par la maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies neurologiques font souvent l’objet de préjugés dès que le diagnostic tombe. Pourtant, selon chaque personne et le stade de la maladie, il est souvent possible de favoriser leur autonomie afin qu’elles puissent demeurer chez elles encore un certain temps et continuer à pratiquer leurs activités quotidiennes.

C’est dans cette optique qu’a été mis sur pied le projet « Collectivités-amies des aînés ayant une perte d’autonomie cognitive » (CADAAPAC) par les professeures-chercheuses Véronique Provencher et Chantal Viscogliosi, de l’École de réadaptation de la Faculté de médecine et des sciences de la santé.

Ce projet, prévu de mars 2020 à mars 2023 et financé par l’Agence de santé publique du Canada, a lieu auprès de la Nation huronne-wendat (Wendake), dans la région de Québec, ainsi qu’à Sherbrooke.

Son but premier est de soutenir les personnes aînées vivant avec un trouble neurocognitif afin de favoriser leur autonomie et la poursuite d’activités sociales. Il vise également les proches aidants et les proches aidantes, notamment dans l’optique que ces personnes puissent aussi continuer à pratiquer des activités personnelles. En troisième lieu, le projet s’adresse aux membres de la communauté, dans le but de les outiller face à la réalité des personnes aînées vivant avec des troubles neurocognitifs et ainsi de favoriser des interactions bienveillantes et inclusives.

Le respect de la culture wendat : au cœur des initiatives

Dans le cas de Wendake, un partenariat étroit avec la Nation huronne-wendat a formellement été établi en vue de bien cibler les besoins et la réalité des personnes aînées wendat présentant un trouble neurocognitif. À cet effet, une entente de recherche s’appuyant sur les principes de la recherche auprès des Premières Nations du Québec et du Labrador a été signée. Ce travail collaboratif a par ailleurs été intégré à la démarche « Municipalité amie des aînées » (MADA) entreprise par la Nation en 2020.

La professeure-chercheuse Véronique Provencher
La professeure-chercheuse Véronique Provencher
Photo : UdeS

Dans chacune des communautés, l’équipe de recherche a mis sur pied un comité de pilotage composé d’aînés, de proches aidants, de représentants d’organismes communautaires et de professionnels de la santé. Ce comité est actif tout au long du projet. Par leurs expériences personnelles et professionnelles auprès des personnes vivant avec un trouble neurocognitif, les membres ont pu nourrir le projet, de la phase de diagnostic des besoins jusqu’à la mise en œuvre des plans d’action en découlant. De plus, afin de s’assurer du respect et de l’intégration de la culture wendat dans le développement et la mise en œuvre des initiatives, un atelier a été codéveloppé par l’organisatrice communautaire du Centre de santé Marie-Paule-Sioui-Vincent, agente de liaison du projet de recherche, et la coordonnatrice du projet de recherche. Cet atelier a été offert aux membres du comité de pilotage de Wendake.

L’objectif premier du projet est d’adapter l’environnement social et physique des personnes vivant avec des troubles neurocognitifs pour qu’elles puissent demeurer chez elles le plus longtemps possible, mais aussi continuer à pratiquer les activités qui sont importantes pour elles et à se sentir incluses dans leur voisinage et leur quartier.

 Émilie Dugré, coordonnatrice du projet

Émilie Dugré, coordonnatrice du projet
Émilie Dugré, coordonnatrice du projet
Photo : Michel Caron, UdeS

Tout cela en trouvant, bien sûr, un équilibre entre besoin d'autonomie et risques potentiels. Cet aspect est le cheval de bataille principal de la professeure-chercheuse Véronique Provencher, qui s’intéresse à l’importance de l’atténuation des risques associés aux sorties à l’extérieur du domicile par la mise en place d’un filet de sécurité « communautaire », afin d’aider la personne à préserver ses habitudes et son identité.

Le projet vise également à réduire l’isolement dont souffrent beaucoup de personnes âgées, ce qui s’avère particulièrement vrai lorsque la personne présente des pertes de capacités cognitives. « Souvent, les enfants et petits-enfants se sentent démunis face à la situation. Ils voudraient être présents auprès de leur proche, mais en raison des pertes de mémoire et d’autres comportements parfois déroutants pour eux, ils ne savent pas comment continuer à entretenir une vraie relation et limitent les contacts. Notre but est d’outiller les proches, mais également l’ensemble de la communauté, en défaisant certains mythes et préjugés autour des troubles neurocognitifs et en leur donnant des conseils et des stratégies pour continuer à entretenir une relation satisfaisante de part et d’autre », indique Émilie Dugré.

Des capsules de formation pour mieux comprendre les personnes

Pour atteindre cet objectif, les porteurs du projet ont, entre autres, réalisé des capsules de formation pour les gens gravitant autour de ces personnes. Si les personnes proches aidantes sont bien sûr les premières visées, les formations ne s’adressent pas qu’à elles, puisque c’est toute la communauté qui doit faire une place de choix aux personnes aînées.

Plusieurs personnes aînées nous disent : "On aimerait aller au restaurant ou au magasin, mais souvent, on n’est pas bien accueillis, les gens posent un regard négatif sur nous et font des commentaires, alors on préfère ne plus sortir".

 Émilie Dugré, coordonnatrice du projet

C’est pour cela que des formations adaptées ont été données à certaines organisations de Sherbrooke (par exemple auprès des bibliothèques municipales) et de la Nation huronne-wendat (habitation, administration, secteur culturel).

La professeure-chercheuse Chantal Viscogliosi
La professeure-chercheuse Chantal Viscogliosi
Photo : Université de Sherbrooke

Le but de ces formations est de sensibiliser ces acteurs de la communauté, souvent amenés à interagir auprès des aînés, à la réalité des personnes vivant avec des troubles neurocognitifs et de favoriser une approche bienveillante à leur égard. « Un des secteurs qui a été identifié comme prioritaire est celui voué à la préservation et à la valorisation de la culture wendat. Il s’agit du Bureau du Nionwentsïo et du Centre de développement de la formation et de la main-d’œuvre huronne-wendat. Certains membres du personnel ont été ciblés par leur organisation pour participer à la formation. Les formatrices leur ont, entre autres, proposé des stratégies concrètes pour recueillir, auprès des personnes aînées vivant avec un trouble neurocognitif, de l’information sur l’histoire et le passé de la Nation, qui servira à assurer la préservation de la mémoire collective wendat. » À noter que ces formations ont été codéveloppées et coanimées avec une professionnelle de la santé du Centre de santé, Marie-Paule-Sioui-Vincent.

Les inspecteurs en prévention des incendies et les policiers de Sherbrooke ainsi que les policiers de la Nation huronne-wendat ont également pu profiter des formations développées dans le cadre du projet CADAAPAC. « Ces corps de métier doivent aussi interagir avec des aînés, dont certains présentent des atteintes cognitives, explique Émilie Dugré. Ils peuvent être confrontés à des situations où il est nécessaire d’adapter leurs interventions. Par exemple, comment réagir quand une personne appelle de façon régulière le Service de police pour signaler le vol de sa voiture alors que ce n’est pas le cas ou lorsqu’une personne aînée semble confuse et désorientée, voire perdue? Les formations leur proposent des outils leur permettant de comprendre comment se manifestent les troubles neurocognitifs, mais aussi comment mieux intervenir, de façon bienveillante et respectueuse, en minimisant le stress et l’anxiété que peut causer ce type d’intervention pour ces personnes. » Le personnel des secteurs de l’habitation et des services communautaires aux aînés est un autre public ciblé pour lequel du matériel de formation a été développé.

Sherbrooke et Wendake : deux réalités différentes

Les chercheuses notent que l’approche communautaire, l’entraide et le soutien qui est offert aux aînés wendat semblent être des éléments favorisant la bienveillance à l’égard des personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif. « À Wendake, les services offerts à la population relèvent du Conseil de la Nation huronne-wendat; il y a moins de paliers de décision, les soins y sont culturellement adaptés et les besoins de la population sont répondus plus rapidement. Aussi, c’est une petite communauté tricotée serrée où presque tout le monde se connaît. Par exemple, si une personne aînée erre dans les rues de Wendake, elle a de fortes chances d’être rapidement prise en charge par un membre de la communauté et d’être ramenée auprès de ses proches. »

Par ailleurs, il est important de comprendre que les personnes aînées occupent une place importante au sein de la culture wendat et que leur voix est valorisée. Elles demeurent, encore aujourd’hui, les gardiennes des savoirs et de la mémoire collective. Ce sont elles qui transmettent aux plus jeunes les savoirs et les pratiques culturelles traditionnelles.

La professeure-chercheuse Chantale Viscogliosi s’intéresse d’ailleurs à la contribution des aînés à la solidarité intergénérationnelle, laquelle favorise le mieux-être des individus comme le mieux-être collectif.

Les aînés sont impliqués dans toutes les sphères de la vie sociale et communautaire, que ce soit en éducation, en santé, dans la vie politique ou la culture. Par leur engagement, les aînés amènent plusieurs bénéfices sur les plans individuel et collectif en développant la confiance en soi, la cohésion sociale, l’identité, et tant d’autres éléments.

Chantal Viscogliosi, professeure-chercheuse

À propos de Véronique Provencher
Ergothérapeute de formation et professeure à l'École de réadaptation de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'UdeS, Véronique Provencher agit depuis septembre 2022 à titre de directrice scientifique du Centre de recherche sur le vieillissement. Les travaux de recherche visent à atténuer les risques (chutes, errance, isolement) auxquels sont exposés des personnes aînées et leurs proches afin de favoriser leur engagement dans des activités importantes à leurs yeux. Par une démarche centrée sur les besoins et les préférences de la personne, ses études cherchent à assurer l’acceptabilité des moyens proposés aux aînés, à leurs proches et aux intervenants pour réduire ces risques. La recherche d’équilibre entre la sécurité (protection) et l’autonomie (liberté de choix) des personnes aînées et de leurs proches est donc au cœur de sa programmation de recherche. 

À propos de Chantal Viscogliosi
Ergothérapeute de formation et professeure à l'École de réadaptation de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'UdeS, Chantal Viscogliosi est membre du Centre de recherche sur le vieillissement. Sa programmation de recherche porte sur l’utilisation des capacités préservées pour soutenir la participation sociale. Elle se décline en deux volets, soit la contribution des aînés autochtones aux solidarités intergénérationnelles favorisant le mieux-être individuel et collectif, ainsi que l’utilisation de stratégies d’intervention cognitive pour promouvoir la participation sociale de personnes âgées ayant des déficits cognitifs.


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